Comores : l’opposant Sambi bientôt jugé pour haute trahison

L’ordonnance indique que l’ancien président, ainsi que dix autres coaccusés seront  renvoyés devant la cour de sûreté de l’État, une juridiction dont l’existence légale a toujours été remise en cause par les hommes de droit. La famille de l’ex-raïs, enfermé depuis 2018 chez lui, dénonce déjà cette décision, rappelant que la cour en question n’est autre qu’une chambre qui enregistre les peines voulues par l’accusation. La date du procès n’a pas encore été communiquée.

Après Djaffar Ahmed Saïd, ancien colistier d’Azali Assoumani et Abdou Salami, gouverneur déchu de l’île d’Anjouan, vient donc le tour d’un autre opposant gênant d’être trainé devant la cour de sûreté de l’Etat. L’ancien président Ahmed Abdallah Mohamed Sambi sera en effet jugé par cette juridiction exceptionnelle dont la  légalité a toujours été remise en cause. Non seulement elle ne figure pas sur la loi portant organisation judiciaire du pays, mais ses sentences ne sont susceptibles d’aucun recours. Voilà pourquoi elle est souvent décriée par les hommes de droits, ainsi que les défenseurs des droits humains. Mais qu’importe, le pouvoir en place l’a maintenue. Et la prochaine personnalité à y être déférée sera donc l’ancien raïs Sambi, inculpé pour haute trahison, détournement de deniers publics entre autres. Poursuivi dans l’affaire de la citoyenneté économique, l’ex-chef de l’État (2006-2011) sera traduit devant la cour de sûreté de l’État, héritée de la période coloniale qui jugeait les crimes et délits politiques. Ce renvoi fait déjà réagir sa famille qui a révélé l’information en premier.  « Ils ont renvoyé devant cette cour expéditif, sans réel débat mais simplement pour le condamner lourdement. Il s’agit d’une mascarade. L’injustice étant devenue la norme en ce qui concerne mon père et pas seulement lui », a déploré, Tislam Sambi, fille aînée de l’ancien chef de l’État.

Dans un communiqué publié lundi, et signé par cette dernière, les proches de l’homme d’État, enfermé depuis 2018 sans jugement dans sa résidence, rappellent qu’aucune preuve tangible n’a été présentée par l’accusation. « Aucun compte bancaire en son nom ayant fait transiter de l’argent public détourné, aucune transaction établissant une corruption, aucune somme d’argent liquide n’a été trouvée. L’accusation reprend simplement les propos mensongers et diffamatoires tenus par l’actuel député qui officie désormais en tant que ministre des Affaires étrangère du régime en place et dont l’illégalité du rapport a été démontrée à maintes reprises », dénonce sa famille, soulignant que la cour de sûreté n’a aucune compétence pour juger le dossier relatif à l’affaire de la citoyenneté. Mais tout cela ne surprend personne, en premier lieu l’avocat de Sambi, maître Mahamoud Ahamada, pour qui l’ instruction engagée contre son client n’a jamais respecté la procédure pénale.

L’ex-président Ikililou absent

Ce renvoi dit-il, en est la preuve puisqu’il constitue une transgression des règles de la procédure et de la défense. « C’est un précédent fâcheux que certains juges laissent dans l’institution judiciaire de notre pays. Ce que nous observons est une violation des normes de la procédure pénale comme si le citoyen Ahmed Abdallah Sambi ne doit bénéficier d’aucun droit. La loi étant générale et impersonnelle, mon client aurait dû être poursuivi et jugé comme tout Comorien. Malheureusement ce n’est pas le cas », a fait observer, Me Mahamoud. D’après le procureur de la République, Ali Mohamed Djounaid, qui vient d’être nommé commissaire au gouvernement devant la cour de sûreté, l’ex-président Sambi (accusé d’avoir touché une gratification de 105 millions de dollars de la part des autorités UAE selon l’ordonnance) ne sera pas le seul à y être jugé. En effet, l’ordonnance de renvoi, à laquelle Flash infos a eu accès, cite dix autres prévenus. Parmi eux, les anciens vice-présidents Nourdine Bourhane et Mohamed Ali Soilihi (alias Mamadou), actuellement en France, Mohamed Bacar Dossar, qui a occupé le poste de ministre des Finances sous Sambi. En revanche, l’ancien président Ikililou Dhoinine (2011-2016) ou encore Abou Achirafi, qui fut directeur de la sûreté pendant de longues années avant d’être élu député du parti au pouvoir, n’y figurent pas. En gros, aucun responsable politique qui a rejoint Azali Assoumani n’a été mentionné quelque part dans l’ordonnance, alors que certaines personnalités ont eu à occuper des fonctions pendant la période épinglée, c’est-à-dire de 2006 à 2016.

Aucune date pour le procès

L’autre aspect qui divise les hommes de droit est la compétence de la cour de sureté dans cette affaire. Yhoulam Athoumani, docteur en droit public, considère que le renvoi de Sambi devant une telle juridiction est une violation manifeste de la loi portant création de la cour de sûreté. « Cette loi ne confère en aucun cas à cette cour la compétence pour connaître les infractions relatives aux détournements de fonds publics. Seules quatre catégories d’infractions peuvent être traduites devant elle. Il n’est donc pas normal que l’ex-président soit devant la cour de sûreté », insiste-t-il. A l’en croire, les anciens présidents sont soumis aux mêmes lois, que ce soit le code pénal ou la loi relative à la transparence des activités publiques. Abdou Elwahab Moussa Bacar, rappelle que selon la constitution, le président et les membres du gouvernement peuvent être jugés devant la cour suprême en cas de haute trahison. Pour Yhoulam, la disposition en question évoque seulement les présidents en exercice et non les anciens. « Le code pénal parle seulement de trahison. Une infraction réservée à toute personne qui portera les armes contre les Comores. Cet article ne peut s’appliquer à Sambi. Il y a une différence entre haute trahison et trahison », relève Yhoulam. Des arguments que Me Abdoulwahab ne partage pas. « En principe, c’est la haute cour qui est habilitée à juger les hauts dignitaires. Seulement, elle n’existe pas. Et il se trouve qu’il subsiste une autre juridiction, la cour de sûreté de l’État, compétente pour les crimes et délits de droit commun, mais aussi la haute trahison. Ne pas les juger en invoquant l’inexistence de la haute cour reviendrait à un déni de justice », se défend-il. Pour le moment, aucune date du procès n’a été donnée.

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