Moins de trois jours après la remise en liberté provisoire de Dakota, l’une des victimes a été passée à tabac dans son village Mitsoudjé où est originaire également son présumé agresseur. Ancien directeur technique national de la fédération comorienne de football et enseignant à l’Université des Comores, Youssouf Ahamada était placé en mandat de dépôt depuis le 10 mars pour des faits d’agression sexuelle.
L’éclatement de son affaire avait suscité un tsunami médiatique. À Moroni, on ne parlait que de lui surtout depuis le dépôt des plaintes par la partie civile. Voilà que son nom revient à nouveau sur la scène. Et pour cause ? Youssouf Ahamada Bachirou alias Dakota, célèbre coach de football bénéficie en effet d’une liberté provisoire depuis le 28 mars. Accusé d’avoir agressé sexuellement des mineurs de sexe masculin, il était placé en détention provisoire à la prison de Moroni après une garde à vue de 48 heures le 7 mars. Avant d’être incarcéré à nouveau quelques jours plus tard.
Depuis, cet enseignant de l’université des Comores se trouvait derrière les barreaux, jusqu’à sa libération intervenue lundi. Une remise en liberté provisoire qui ne passe pas, notamment chez la partie civile. Pour rappel, la remise en liberté provisoire assortie ou non du contrôle judiciaire peut, selon l’article 147 du code de procédure pénale, être ordonnée d’office par le juge d’instruction après avis du procureur de la République. Mais pour les avocats des victimes présumées des agressions de Dakota, la remise en liberté que ce dernier vient de bénéficier est tout simplement « complaisante ». » Nous sommes déçus et étonnés tout comme nos clients. Ils se posent des questions. Nous savons tous que c’est pesant et décourageant. Même les victimes se demandent si elles n’auraient pas dû se taire« , regrette, Me Idrisse Mze Mogne, l’avocat de la partie civile.
Trouble à l’ordre public
Ce dernier, avec son confrère Abdoulbastoi Moudjahidi, défend les intérêts des trois jeunes qui accusent Youssouf Ahamada Bachirou d’agression sexuelle. Parmi ces trois présumées victimes se trouve Simba Khaled, le neveu de Dakota, qui a brisé le silence dans une vidéo postée sur Facebook, le 25 janvier. D’après son récit qui a fait le tour des réseaux sociaux, son oncle l’aurait abusé sexuellement, alors qu’il n’avait que 14 ans. C’est à la suite de cette dénonciation que trois plaintes avaient été déposées à Moroni. Raison pour laquelle la liberté provisoire accordée à l’ancien directeur technique de la fédération comorienne de football révolte plus d’un.
Car jusqu’à maintenant, la partie civile n’a pas été notifiée de cette décision et ignore les motivations retenues par le juge d’instruction. « En matière criminelle, c’est impossible, et même dans le quotidien de la justice comorienne. Il est très rare qu’une personne poursuivie pour des faits de crime bénéficie, 18 jours après son placement, d’une liberté. Le nouveau juge d’instruction vient de marquer l’histoire de la procédure pénale comorienne », fulmine l’avocat dans un entretien accordé ce mardi. Et les conséquences de cette décision ne se sont pas fait attendre à l’en croire puisque l’une des victimes a été agressée physiquement quelques heures après la libération de son présumé agresseur.
Le juge d’instruction
« Cette responsabilité incombe au juge d’instruction. Nous nous demandons comment en matière criminelle il a libéré un inculpé pour des faits criminels sans auditionner les victimes. Sur la base de quoi il l’a fait jusqu’à tirer des conclusions ayant abouti à une libération« , s’interroge avec amertume Me Idrisse Mze Mogne. Ce dernier souligne par la même occasion que l’alinéa 2 de l’article 144 du code de procédure pénale dispose « que nous procédions à une détention lorsque celle-ci est nécessaire pour préserver l’ordre public du trouble causé par l’infraction ou pour protéger l’inculpé, pour mettre fin à l’infraction ou prévenir son renouvellement ou garantir le maintien de l’inculpé à la disposition de la justice« . Un ordre public sapé selon lui. À la suite de cette agression, les avocats de la partie civile comptent saisir la chambre d’accusation pour demander une révocation de la liberté provisoire de Youssouf Ahamada Bachirou. Notons qu’avant cet acte, Simba Khaled avait lui aussi été agressé par des inconnus alors qu’il se rendait à l’aéroport. On lui avait pris son passeport.