Si le verdict du procès en provision intenté par les familles des victimes sera connu début novembre, la procédure pénale qui permettrait de faire la lumière sur les causes de l’accident est en revanche au point mort à cause de l’absence d’un magistrat instructeur à Moheli, où est survenu le crash le 26 février dernier, causant la mort de 14 personnes.
C’est l’avocat des familles des victimes qui a lancé l’alerte. Dans une conférence de presse qu’il a tenue ce lundi, Me Said Mohamed Said Hassane a déploré la manière dont le volet pénal lié au crash du vol d’AB Aviation évoluait. Presque sept mois après ce terrible accident ayant entraîné le décès de 12 passagers et de deux membres d’équipage, la procédure traîne selon lui… Alors qu’une plainte pour « homicide involontaire » a été déposée en mars contre X.
Selon les explications données par les autorités, le parquet de l’île de Moheli où devait se concentrer les investigations ne dispose pas d’un juge d’instruction, voilà pourquoi on observe ce blocage. « C’est comme si on a juste annoncé l’ouverture d’une information judiciaire verbalement, car sans un magistrat instructeur, le dossier ne peut avancer. D’où notre inquiétude. Nous ne voulons pas que la procédure fasse long feu comme celle du crash de la Yemenia », a relevé, le conseiller des familles. Celles-ci chercheraient à présent un moyen de pouvoir rencontrer le président de la République, Azali Assoumani.
La nomination d’un juge d’instruction à Moheli fait partie des revendications que le collectif des proches compte faire parvenir au chef de l’État. « Il y aussi l’enquête technique, dont on ignore les conclusions. Personne ne sait ce qui en est ressorti. Or, nous devons apprendre de nos erreurs car tous les jours, des vols desservent les îles », a rappelé Me Said Mohamed Said Hassane, qui craint que l’absence d’enquête technique n’empêche de connaître la vérité. Des réticences motivées surtout par l’absence d’informations sur les causes du crash alors qu’une commission avait même été mise en place pour faire le travail.
Des experts tanzaniens étaient même venus à Moroni. À l’époque, le ministère des transports avait également annoncé l’arrivée d’une équipe du bureau d’enquêtes et d’analyses pour la sécurité de l’aviation civile. Depuis ? Silence radio ! Pourtant, sans une enquête technique, aucune procédure civile ne peut être ouverte. Au cours de celui-ci, le juge de fond doit se pencher sur le dossier et déterminer les responsabilités sur les indemnités.
Litige entre Fly Zanzibar et AB Aviation
Si par exemple l’une des parties assignées dans le procès en provision est disculpée par le juge de fond, alors les sommes qu’elle a versées lui seront restituées. En effet, depuis le mois de mai, les familles des victimes ont engagé un procès devant le juge de référé pour réclamer des provisions s’élevant à 505 millions de francs comoriens à AB Aviation. « Après accident, les familles ont droit à des avances. Ce sont des droits qui leur reviennent. L’assurance devait s’en charger. Mais cela n’a malheureusement pas été le cas. Si nous nous retrouvons devant le juge de référé, c’est uniquement parce qu’il y a un débat autour de la police d’assurance », a expliqué l’avocat des proches des victimes.
Assurant que les occupants ainsi que l’appareil qu’il exploitait avaient été couverts par l’assurance, la compagnie comorienne a assigné à son tour Fly Zanzibar, propriétaire de l’aéronef accidenté et son assureur, Phoenix. Sauf que l’entreprise tanzanienne, qui avait loué le Cessna à AB Aviation, nie avoir inclus dans le contrat de location une clause qui reconnaîtrait une prise en charge des passagers en cas de faute. Ce débat a même dominé l’essentiel des auditions de ce procès en référé, dont le délibéré est prévu pour le 10 novembre prochain.
Mais pour la partie civile, en aucun moment ces divergences d’interprétation ne peuvent désengager Fly Zanzibar, transporteur de fait et AB Aviation le transporteur contractuel. « L’agence nationale de l’aviation civile et de la météorologie est aussi responsable puisque s’elle avait bien fait son travail, la question de l’assurance ne serait pas posée aujourd’hui », a insisté Me Said Mohamed Said Hassane. Au mois de février, un vol d’AB Aviation décollé de Moroni à destination de Moheli a disparu des radars à l’aéroport de Bandar Es Eslam. On n’a jamais retrouvé les corps de passagers, tous de nationalité comorienne, ni ceux des deux pilotes tanzaniens.