Les huit familles qui sont à l’origine de cette assignation en référé ont également sollicité la saisie conservatoire des comptes d’Ab Aviation. Mais la procédure n’est pas allée jusqu’au bout en raison notamment du manque de provisions dans les comptes de la compagnie aérienne selon les informations fournies par les banques approchées. Les proches attendent le versement d’un million d’euros aux ayants droits.
Près de quatre mois après le crash de son appareil au large de l’île de Moheli qui a causé la mort de 14 personnes, dont deux pilotes, Ab Aviation va pour la première fois se retrouver devant la justice. Sur les 12 familles qui ont perdu des proches dans ce terrible accident survenu le 26 février dernier, huit ont assigné depuis le 28 mai dernier la compagnie aérienne en référé. Celles-ci réclament le versement des provisions. Depuis le jour de l’accident jusqu’à aujourd’hui, aucun proche des victimes n’a perçu le moindre centime. Or, cela devrait être le cas comme à chaque fois qu’un accident du genre se produit estime le conseiller des familles, Me Said Mohamed Said Hassane. L’audience débutera ce jeudi devant un juge.
Selon lui, chaque ayant droit doit toucher la somme de 10.000 euros. Pour le moment, ces derniers s’élèvent à 101. Donc en cas de condamnation, Ab Aviation sera dans l’obligation de payer un million d’euros. « Des provisions qui auraient dû être données aux proches par l’assureur. Sinon par la compagnie elle-même en attendant une restitution de la part de la compagnie d’assurance« , estime Me Said Mohamed qui a tenu une conférence de presse ce mardi dans son cabinet sis à Moroni.
Plainte en Tanzanie
Normalement, dès qu’il y a eu un crash, si le vol possédait une police d’assurance, celle-ci se dépêche sur les lieux dans les plus brefs délais. Pour le cas d’Ab Aviation, dont l’appareil abimé en mer avait été loué auprès de Fly-Zanzibar, les proches des victimes affirment qu’ils n’ont jamais vu l’assureur. » Ils disent que l’aéronef et les passagers étaient assurés, mais pourquoi l’agence en question ne s’est toujours pas manifestée« , se demande un proche qui a rappelé qu’en 2009, au lendemain de l’accident du vol de la Yemenia, l’assureur s’est rendu aux Comores et a rencontré les familles des victimes une par une. Nous avons appris toujours pendant la conférence de ce mardi qu’Ab Aviation avait engagé elle aussi une procédure judiciaire en Tanzanie contre Fly-Zanzibar, propriétaire du Cessna Caravan ainsi que son assureur.
Toujours sur le volet judicaire enclenché à Moroni, les huit familles ont par ailleurs assigné en « intervention forcée » l’agence nationale de l’aviation civile et de la météorologie (Anacm), le gendarme comorien des transports aériens. « Ce sont eux qui inspectent les vols avant de les autoriser à desservir les Comores. S’ils avaient bien rempli leurs missions, on n’en serait pas là aujourd’hui. Il y a eu crash, on doit découvrir les causes, car les provisions ne feront jamais revenir les âmes perdues« , insiste Me Said Hassane qui a révélé avoir essayé de procéder à une saisie conservatoire des comptes bancaires d’Ab Aviation. Il s’agit en effet d’une mesure de sureté régie par l’acte uniforme de l’Ohada, relative aux procédures simplifiées de recouvrement.
Restitution de l’agrément
Le président du tribunal peut ainsi à titre de garantie ordonner une saisie des comptes en attendant un jugement. Il y rend une ordonnance qui peut être contestée par le débiteur. Mais l’avocat des familles des victimes n’est pas parvenu à obtenir gain de cause parce que les banques lui ont fait comprendre qu’Ab Aviation ne disposait pas de ressources. Une révélation qui suscite stupéfaction puisqu’au mois d’avril, le patronat comorien et le secteur privé citant un audit qui aurait été diligenté par le ministère des transports, a assuré qu’Ab Aviation disposait d’une santé financière solide pour « poursuivre ses activités ». Qui mentait alors ? Les banques en question, l’enquête diligentée par l’Anacm selon nos informations ou le patronat ?
À ne pas oublier que le 19 mars dernier, le gouvernement s’est appuyé sur les difficultés financières de l’entreprise dirigée par Ayad Bourhane pour suspendre l’agrément d’Ab Aviation et ce conformément à l’article 11 de l’arrêté ministériel relatif aux conditions d’octroi des agréments. Certaines autorités disent aujourd’hui faire l’objet de pressions pour restituer l’agrément. Les proches des victimes ont même été consultés sur le sujet a confirmé Me Said Mohamed. Malgré ces différentes batailles engagées ici et là, on ignore hélas ce qui s’est passé le 26 février dernier. Moroni a toujours assuré qu’une mission du bureau d’enquêtes et d’analyses pour la sécurité de l’aviation civile (Bea) viendrait prêter main forte dans la recherche de l’épave et des corps. Sauf que la délégation n’a jamais foulé le sol comorien et aucune explication n’a été donnée par les autorités.