La justice a, en revanche, prononcé un non-lieu pour deux prévenus parmi les neuf poursuivis dans cette affaire de trafic d’or. Le 29 septembre, le parquet de la République avait seulement requis une amende de 20 millions de francs comoriens contre Yasser Ali Assoumani. Ce proche du président Azali Assoumani, a dirigé les aéroports des Comores pendant six ans, avant de tomber en disgrâce.
Le verdict est tombé, ce jeudi, à Moroni, où le tribunal correctionnel a rendu son délibéré sur l’affaire des lingots d’or. Au total, neuf personnes attendaient leurs sorts, dont l’ancien directeur général des aéroports des Comores, Yasser Ali Assoumani. Ce proche du président Azali Assoumani a écopé d’une peine de sept ans de prison ferme avec une amende d’un million de francs comoriens (2.000 euros). Harifadja Abodo Nourdine Fardy, fils de l’actuel procureur général près de la Cour suprême, ainsi que trois autres détenus, dont Elhad Ibrahim Halifa, ont également pris la même sentence. Lors des réquisitoires, le parquet avait affirmé que ce groupe était impliqué dans le trafic d’or. Mais, ces sanctions prononcées ce 27 octobre, ne passent toujours pas chez leurs avocats, notamment Me Fahardine Mohamed Abdoulwahid qui défend Elhad. « Pendant les débats, nous avions plaidé pour la relaxe puisque les enquêtes ne les incriminaient pas. On est surpris par ces lourdes peines. Mais c’est une décision de justice. Maintenant, on ira discuter avec nos clients car nous disposons de dix jours pour utiliser les voies de recours », a-t-il déclaré jeudi, l’air déçu. Sur les quatre détenus qui se trouvaient sur le box des accusés, deux ont bénéficié d’une relaxe : Abdoulamdjid et Mohamed Moussa. Les deux derniers ont pris cinq ans de prison ferme mais sans aucune amende.
Amende pendant les réquisitions
Le 29 septembre, le parquet n’avait requis aucune peine d’emprisonnement, mais uniquement des sanctions pécuniaires. « Cela n’a rien d’irrégulier. Le tribunal est libre de fixer la peine sans tenir compte des réquisitions du ministère public », a répondu, l’une des avocats de Yasser Ali Assoumani, Me Fatoumia Mohamed Zeina. La conseillère de l’ancien patron des aéroports à l’instar des autres confrères estiment que la peine est extrêmement lourde. Elle a d’ailleurs annoncé qu’elle interjetterait appel contre la décision. Placés en détention provisoire à la prison de Moroni, tous ces prévenus étaient poursuivis pour participation à un groupe criminel organisé, abus de fonction, intéressé à la fraude, contrebande, complicité et corruption.
Leur inculpation remonte au mois de janvier dernier après la découverte le 28 décembre 2021, à l’aéroport de Hahaya, de 28 lingots d’or dissimulés dans des bagages. Les propriétaires, deux Malgaches et un Comorien avaient été arrêtés alors qu’ils apprêtaient à s’envoler pour Dubaï via un jet privé qui les attendait sur le tarmac. Une semaine plus tard, les premiers éléments issus des investigations de la justice indiquaient qu’il s’agit en effet d’un vaste de réseau de trafic d’or bien organisé opérant entre les Comores et Madagascar. Plus de onze opérations auraient été réalisées entre septembre et décembre 2021. Le métal jaune sortait illégalement de la Grande Île pour arriver sur les côtes de l’île d’Anjouan. Là-bas, une vedette rapide transportait le précieux métal qui était caché dans des glacières jusqu’à Ngazidja. Puis, d’autres personnes se chargeaient pour le sortir du territoire en soudoyant s’il le faut des agents aéroportuaires. Les membres étaient toujours accueillis au salon Vip de l’aéroport, relatait le parquet dans une note écrite transmise à la presse quelques jours après la saisie de ces lingots d’or d’une valeur de plus d’un milliard de francs comoriens. Des privilèges qui montrent à quel point le réseau avait les bras longs.
Pas de pièce à conviction
Mais, excepté ces informations rendues publiques début janvier, l’opinion n’a rien appris de nouveau lors du procès, tenu fin septembre. Le ministère public n’a semble-t-il pas poussé ses investigations. Car en dehors d’une glacière dont on ignore son contenu, aucune autre pièce à conviction n’a été présentée. Pas même les 49 kg d’or saisis à l’aéroport (ils seraient gardés à la Banque centrale des Comores), encore moins les 17.000 euros retrouvés pendant les perquisitions menées au domicile de Fardy Abodo. L’assistance venue suivre cette affaire rocambolesque n’avait rien appris des méandres de ce vaste réseau transnational qui pendant plus de cinq mois avait tenu en haleine la presse nationale et régionale. Les avocats, n’ayant en aucun cas été mis à mal par le ministère public qui n’a pas présenté de preuves, avaient demandé la levée des mandats des dépôts. « C’est le procès d’une personnalité qui gêne », a carrément plaidé le conseiller de Yasser Ali Assoumani, d’autant que les présumés auteurs n’étaient pas sur place. En effet, l’absence de Stenny et Pachenco, les deux Malgaches interpellés le 28 décembre a été soulevée lors de l’audience. Leur extradition prématurée, eux qui sont considérés comme les cerveaux du réseau, n’a fait que rendre plus difficile la manifestation de la vérité.