Commissions d’offices : les avocats de Mayotte en grève

Dénonçant des entraves à la confidentialité des entretiens avec leurs clients et des pressions exercées sur un avocat par un fonctionnaire de police, les avocats du barreau de Mayotte ont décidé, à la suite d’une assemblée générale extraordinaire lundi, de suspendre toutes les missions pénales pour les commissions d’office.

 

Lundi, les avocats de Mayotte se sont réunis en assemblée générale extraordinaire et ont voté unanimement la suspension de toutes les missions pénales pour les commissions d’office. « Je trouve cette pratique un peu curieuse et radicale. Avant de suspendre les missions pénales, il fallait peut-être que le bâtonnier vienne directement m’en parler. Je ne suis pas certain que Mayotte ait besoin de nouvelles grèves. Je ne pense pas que le département grandisse grâce à ça ! », a réagi, mardi, le Procureur de la République, Camille Miansoni. Dans un courrier daté du vendredi 13 juillet, le bâtonnier, Ahmed Idriss Adoum, lui faisait part de critiques émanant des avocats du barreau de Mayotte. Plusieurs d’entre eux l’auraient en effet alerté d’une violation, commise dans les locaux-mêmes du commissariat de police de Mamoudzou, des règles de confidentialité régissant l’entretien de la personne gardée à vue. D’après les témoignages recueillis, plusieurs entretiens se seraient tenus dans les geôles du commissariat – et non dans une salle dédiée ou dans un bureau – et auraient été filmés à l’aide d’une caméra fixée au mur, renvoyant image et son au poste de garde. « Mes confrères ont été avertis qu’il n’existait plus de local dédié aux entretiens et que seule la salle de geôle était utilisable. Nous avons écrit au Procureur pour dénoncer ces dysfonctionnements. C’est une violation de la confidentialité. C’est absolument inadmissible, mensonger et faux (…) C’est contraire aux principes posés par l’article 66-5 de la loi (du 31 décembre 1971, portant sur la réforme de certaines professions judiciaires et juridiques ndlr) », s’est agacé le bâtonnier Ahmed Idriss Adoum. « Nous n’avons jamais rien demandé de tel, et nous n’avons jamais été informés » de la présence de cette caméra, a ajouté de son côté Me Yanis Souhaili, avocat au barreau de Mayotte.

Un dispositif de sécurité, selon le procureur

Le Procureur a bel et bien confirmé la présence d’une caméra dans la salle de geôle, assurant toutefois que celle-ci était installée « dans un but de sécurisation des avocats, pour s’assurer de la bonne tenue de l’échange entre l’avocat et son client ». « La caméra ne renvoie que l’image et non le son », a-t-il par ailleurs indiqué, contredisant les affirmations du barreau. « J’ai entendu les revendications des avocats et j’ai pris une décision « , a-t-il ajouté, précisant que la caméra en question avait été coupée dès lundi soir, dans un souci d’apaisement. À ces premiers griefs s’ajoute un autre courrier du bâtonnier, adressé au procureur de la République mercredi 11 juillet, dénonçant des pressions de la part d’un fonctionnaire de police sur un avocat au cours d’auditions de garde à vue, les 4 et 10 juillet derniers. Ces faits se seraient déroulés dans les locaux de la police de Pamandzi, en Petite-Terre. « Lors d’un entretien avec un client, mon confrère a fait l’objet de pressions de la part d’un policier dont le comportement a entravé le droit du prévenu d’être assisté d’un avocat « , a affirmé le bâtonnier avant d’ajouter que « mon confrère n’aurait pas été autorisé à présenter des observations orales à l’issue des auditions de son client « . Le prévenu aurait également été auditionné sans la présence de son avocat durant près d’une demi-heure, toujours selon le courrier d’Ahmed Idriss Adoum. « Les incidents de procédure se règlent en examen devant le tribunal, pas en faisant des suspensions. L’incident a été acté et le dossier est disponible au Parquet « , a réagi le Procureur. Dans un troisième courrier daté de lundi, le Barreau de Mayotte se dit disposé à suspendre son mouvement de grève, sous réserve que « soit mis un terme à toutes formes de pressions sur les avocats lorsqu’ils assistent des personnes placées en garde à vue, ainsi qu’en toute autre circonstance. Nous attendons donc (la) réponse (du procureur) avant de prendre une décision « , indique le courrier.

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