L’accident du travail d’un soudeur sur le site d’IBS à Kangani, le 5 mai 2016, était dû à son imprudence puisqu’il a placé son bras dans un tambour se remettant en marche. Mais qui peut aussi en porter la responsabilité ? L’entreprise, son dirigeant ou le chef d’équipe ? Le ministère public a requis deux ans de prison avec sursis à l’encontre de Théophane « Guito » Narayanin et 100.000 euros d’amende contre IBS, l’avocat du chef d’entreprise a demandé la relaxe, ce mardi 20 septembre. Le délibéré sera connu le 4 octobre.
Alors qu’il travaillait dans la carrière de Kangani, un employé de la société de BTP IBS a dû intervenir sur l’un des tambours acheminant des morceaux de roche dans un concasseur, le 5 mai 2016. En effet, un peu plus tôt, un autre soudeur ayant laissé une rallonge électrique près de la machine, celle-ci avait été happée par le tapis. La machine immobilisée, les employés ont dû retirer les morceaux de fil. C’est en voulant récupérer quelques bouts encore coincés que la victime a glissé sa main dans le tambour qui repartait. Écrasé, le bras avait finalement dû être amputé et le salarié s’en était sorti avec 120 jours d’interruption de travail (ITT).
Reconnaissant sa responsabilité, il a jeté un coup de projecteur sur ses conditions de travail sans s’en rendre compte. Car son cas n’est pas passé inaperçu aux yeux de l’inspection du travail. Pendant leur visite, pratiquement quinze jours après l’accident, ces derniers se sont rendu compte de plusieurs problèmes. Le premier concerne les grilles de protection sur les machines. Celles-ci étaient enlevées au moment des faits. Selon les témoignages des employés, c’était habituel, le chef de la division concassage les enlevait pour ne pas ralentir la production. « Il n’y a pas de formations, pas de fiches d’aptitudes. [Le chef] devait arbitrer la sécurité des employés et les capacités de production », reprend Chantal Combeau, la présidente du tribunal correctionnel, ce mardi 20 septembre. En outre, l’employé arrivé l’année précédente dans l’entreprise n’avait plus de titre de séjour en règle et n’avait pas passé de visite médicale normalement obligatoire lors de l’embauche.
L’avocat de « Guito » plaide la relaxe
Ces manquements valent à Théophane « Guito » Narayanin d’être poursuivis pour « blessures involontaires », « mise à disposition de travailleur d’équipement de travail sans information ou formation » et l’embauche sans visite médicale. Selon Cassandre Morvan, la substitut du procureur, « seul le délégataire peut être condamné » en l’absence d’une délégation de pouvoirs clairement définie. En l’occurrence, l’ex-candidat aux législatives du mois de juin et sa société seraient les seuls responsables. Elle requiert deux ans de prison avec sursis contre le premier et demande qu’une amende de 100.000 euros soit prononcée à l’encontre de l’entreprise en tant que personne morale.
Dans sa plaidoirie, l’avocat du chef d’entreprises réunionnais s’est appuyé sur le code du travail pour rappeler que le dirigeant et sa société peuvent être condamnés ensemble seulement « si les faits sont commis délibérément ». Celui-ci fait observer également que le code du travail mahorais (le code français est rentré en application sur l’île en 2018) ne porte aucune mention de peines de prison pour les trois faits reprochés à son client. Il rappelle également qu’une délégation de pouvoirs a bien été effectuée sur la personne du chef de division. Cette dernière, le représentant de l’encadrant la conteste. Pour maître Érick Hesler, son client poursuivi pour les mêmes faits que son patron (plus l’absence de titre de séjour) n’a pas les qualifications requises pour ce type de responsabilités. « Il n’a pas fait de formations. Il est présenté comme un ingénieur, alors qu’il a un diplôme universitaire de l’Université de Tananarive », argue le conseil, rappelant que le diplôme malgache seul n’est pas valide en France. Comme l’avocat de « Guito », il demande la relaxe de son client.
Représentant l’entreprise, maître Ahmed Idriss demande une amende beaucoup plus réduite si la SA était condamnée. Il soutient que l’employé blessé n’était pas en situation irrégulière car il a présenté « un récépissé aux gendarmes et a un numéro de sécurité sociale » aux moments des faits. Sur les formations et l’absence de visite médicale, il rappelle les difficultés d’en organiser sur le territoire mahorais et balaie l’argument que l’entreprise peut organiser des formations à La Réunion. « IBS n’est pas une multinationale, c’est une entreprise familiale », affirme-t-il. Les juges auront un peu de temps pour décider qui a raison et qui porte la responsabilité de l’accident, le délibéré étant rendu le 4 octobre.