Branchements frauduleux : EDM tente d’obtenir réparation devant le tribunal

Deux affaires de rétrocession ont conduit Électricité de Mayotte à poursuivre des particuliers, soupçonnés d’avoir volé de l’énergie. Des comportements dangereux qui exposent les fraudeurs à des peines pouvant aller jusqu’à trois ans d’emprisonnement et 45.000 € d’amende. Mais le tribunal a prononcé la relaxe, faute de pouvoir attribuer formellement le délit à chacun des prévenus.

branchements-frauduleux-edm-reparation-tribunal (2)La pratique est courante à Mayotte. D’après l’enquête sur le logement menée par l’INSEE en 2017, un foyer sur quatre fait l’objet d’une rétrocession d’énergie électrique. Soit plus de 16.000 cas de revente ou fourniture gratuite estimés ! Mais si la magouille est bien connue, elle n’en demeure pas moins interdite, car très dangereuse. C’est pour cette raison que EDM a décidé de poursuivre deux particuliers, qui étaient attendus (l’un était non-comparant) ce mercredi au tribunal pour vol d’électricité et abus de confiance. Dans les deux affaires, assez similaires, les faits sont simples : à partir d’un compteur électrique, les mis en cause alimentaient plusieurs foyers environnants.

Le premier dossier a toutefois donné un peu plus de fil à retordre aux magistrats, et le prévenu était venu accompagné de son avocat Maître Nadjim Ahamada pour sa défense. Les faits qui lui sont reprochés s’étalent sur plusieurs années, entre janvier 2018 et juin 2020. Entre ces deux dates, trois procès verbaux sont réalisés par des agents assermentés d’EDM. Lors du premier contrôle, l’électricien constate en effet que le compteur a été trafiqué. Au lieu des 15 ampères prévus par l’abonnement, la famille consomme en réalité le double d’énergie ! “Ma tante a pris l’électricité, on ne savait pas qu’on ne pouvait pas donner, même à sa propre famille”, reconnaît le prévenu, qui assure avoir régularisé sa situation illico presto… Avant de déménager dans une résidence indépendante de la maison familiale. À ce moment-là, le jeune homme a payé son amende et résilié son contrat, selon ses dires.

 

EDM veut sensibiliser la population

 

Quelle n’est alors pas sa surprise, quand il apprend que la manipulation a continué : lors du deuxième contrôle, les agents notent que le compteur fournit encore de l’énergie aux quatre habitations à proximité. “Je ne comprends pas, l’abonnement je l’avais arrêté, je ne sais pas comment elle a fait pour le rouvrir”, réitère ce technicien de profession, bien embêté de voir que c’est encore son nom qui apparaît sur le contrat. Bis repetita un an plus tard : mais cette fois-ci, la famille s’est même branchée directement sur le réseau pour utiliser l’électricité sans payer, le compteur étant depuis inactif !

Si l’homme joue aujourd’hui les blanches colombes, Maître Souhaïli, avocat d’EDM, rappelle qu’un constat réalisé sur son nouveau logement, en plus de faire figurer le nom du prévenu accolé aux deux adresses, montre “lui aussi des choses illicites”. Autant d’éléments qui poussent EDM à poursuivre le titulaire du compte. “L’électricité, c’est quelque chose de dangereux, et EDM fait tout pour éviter un drame. EDM veut que la population soit sensibilisée”, fait valoir l’avocat, qui évalue les dommages et intérêts de son client à 6.192,80 euros au total, dont il faut retirer quelque 5.000 euros déjà régularisé par l’abonné frauduleux.

 

140 incendies chaque année

 

EDM demande aussi 5.000 euros au titre du préjudice moral – même somme pour le deuxième dossier, où le prévenu ne s’est pas présenté à l’audience – et 1.500 pour les frais de justice. Les réquisitions du procureur iront dans le sens d’une condamnation, avec 1.000 euros d’amende assortie d’un sursis. “Sur ce territoire avec une forte immigration clandestine, on a des gens qui distribuent de l’électricité dans tous ces bangas, et EDM a donc décidé de faire le choix de taper sur les personnes qui volent ; mais dans le lot, il y a des gens qui sont pris dans la charrette, et à qui on a volé de l’électricité ”, défend Maître Ahamada. C’est bon pour cette fois ! Le tribunal décide finalement de relaxer son client, pour défaut d’imputabilité. En espérant que cette mésaventure judiciaire suffise à décourager les petits arrangements entre voisins…

Pour rappel, les branchements sauvages peuvent provoquer des incidents graves, comme des brûlures, des électrocutions, ou bien des incendies. Chaque année, près de 140 habitations sont concernées, estime EDM sur son site Internet. En 2019, un homme de 27 ans était décédé après une électrocution sur le toit de sa maison à Kawéni, où les cas de rétrocessions sont encore une triste réalité.

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