Une mère comparaissait ce mercredi devant le tribunal correctionnel pour avoir laissé son enfant sans surveillance, se soustrayant par là à ses obligations légales de parent. Le père, absent à l’audience, avait refusé de venir le garder. Malgré l’apparente irresponsabilité des deux prévenus, le tribunal a jugé que tous les éléments de l’infraction n’étaient pas constitués.
À une coco près, l’histoire pouvait finir en drame. Ce mercredi, le tribunal correctionnel de Mamoudzou entendait à la barre la mère d’un enfant d’un peu moins de deux ans. La raison de cette convocation ? La jeune femme aurait abandonné son bébé sous un cocotier, et se serait donc soustraite à ses obligations légales de parent en compromettant la santé, la sécurité, la moralité ou l’éducation de son enfant. Des faits, s’ils sont caractérisés, passibles de deux ans d’emprisonnement et de 30.000 euros d’amende.
La crise familiale éclate un jour de juillet 2019. À ce moment-là, le bambin, qui n’a pas encore soufflé sa première bougie, débarque en braillant à la gendarmerie de Sada, dans les bras d’un oncle visiblement remonté comme un coucou. Le bonhomme entend bien dénoncer l’abandon de son neveu, qu’il a retrouvé vers 9h chez lui, sous un cocotier.
“Visiblement, ses parents ne veulent plus de lui”
Sans nouvelle de la mère, l’oncle a bien tenté de joindre le patriarche. Lequel a “encore des choses à faire”, apparemment de la paperasse administrative au service des impôts de Mamoudzou, et ne compte pas rentrer de si tôt. Le pire ? Ce n’est pas la première fois que les parents lui font le coup. La dernière fois, l’enfant était resté quatre jours sans nouvelle de ses géniteurs ! D’où sa décision de se pointer à la gendarmerie, pour placer le petit, vu que “visiblement ses parents ne veulent plus de lui”. À noter que ce sauveur de Gavroche n’a en revanche pas pris le temps de nourrir le bébé avant de prendre cette courageuse décision…
Bref, tout ce beau monde finit par être entendu par les gendarmes, qui tâchent d’y voir un peu plus clair. En réalité, le couple ne vit pas ensemble, car le père, qui a déjà six enfants avec d’autres compagnes, est polygame. Il ne s’occupe donc pas vraiment du bébé qu’il a avec sa co-prévenue. Même si “au début, quand je venais visiter, je faisais les courses”, lit la juge dans sa déclaration, l’intéressé étant encore aux abonnés absents ce mercredi. Ce jour de juillet 2019, la mère lui passe quand même un coup de fil : elle ne compte pas garder l’enfant, et s’il ne vient pas le chercher, elle va le déposer chez sa sœur, menace-t-elle.
Un “casse-tête”
Qu’à cela ne tienne ! Le père ignore cet avertissement, comme d’ailleurs le coup de téléphone de l’oncle quelques minutes plus tard. “Considérez-vous avoir rempli votre rôle de père ?”, lui demande le gendarme. “Non, j’ai raté une étape, j’ai pas assuré”, concède-t-il. Et de conclure, d’une manière plus générale : “Je suis prêt à faire les courses mais pas à le garder, c’est un casse-tête !” Comprenez, sa femme n’accepterait pas l’enfant d’une autre…
Entendue à la barre, la mère de l’enfant livre une version sensiblement différente. Elle nie par exemple les “courses” que le prévenu a prétendu lui apporter. Et quand bien même il ramenait quelques victuailles, c’était d’abord pour “coucher avec [elle]” avant de lui donner. Dans sa déclaration au moment des faits, la jeune femme aurait expliqué avoir voulu qu’il s’occupe pour une fois de son enfant. Mais comme sa belle-sœur refusait de prendre son neveu, “avec les nerfs”, elle a posé le bambin à terre.
Pas le temps d’appeler
Voilà pour le tableau familial. Depuis ce jour, la victime a heureusement trouvé un foyer un peu plus accueillant, sous l’action de l’aide sociale à l’enfance (ASE). “Aujourd’hui, il a un an et quelques mois, il appelle sa mère d’accueil “maman”. Vu son jeune âge, il n’a pas conscience de la situation”, déroule l’administrateur ad hoc devant les juges. Et sa mère biologique, dans tout cela ? Pas de son, pas d’image. “Je n’avais pas le temps, et je n’avais pas les coordonnées”, chuchote la prévenue, la tête baissée sous son voile blanc. Avant d’ajouter d’une petite voix : “Je veux que mon enfant revienne dans mes bras.”
Un discours qui ne convainc pas Me Soilihi, avocat de l’administrateur ad hoc. “Il faut s’interroger sur le préjudice de l’enfant”, insiste-t-il en rappelant un précédent, en 2015, où le tribunal avait condamné les deux parents et demandé 5.000 euros au titre du préjudice subi. Même son de cloche du côté du ministère public : “aujourd’hui le père est absent à l’audience, dire que c’est une poursuite de l’infraction serait un peu fort, mais cela traduit un état d’esprit”, avance le procureur. Quant à la mère, qui n’a pas trouvé le temps d’appeler depuis 2019, “même si l’administrateur de son côté ne fait pas beaucoup d’effort, elle n’a pas l’air d’en faire beaucoup non plus”. Il requiert donc six mois de prison avec sursis pour les deux parents afin de “marquer les esprits”, mais consent toutefois à leur “donner une chance” en ne leur retirant pas totalement leur autorité parentale. Les juges en décideront autrement : les deux prévenus ont obtenu la relaxe.