Aggravation de la délinquance à Mayotte : la justice tape du poing

Ce mercredi, le tribunal judiciaire de Mamoudzou jugeait trois affaires de petite délinquance. Face à cette violence qui ne cesse de prendre de l’ampleur, la justice elle aussi exprimait son ras-le-bol.

 

“Vous êtes fiers de ce que vous avez fait devant cette petite fille ?”, tonne le président Laurent Ben Kemoun, tel un maître d’école exaspéré face à un élève turbulent. Mais pour cette rentrée au tribunal correctionnel de Mamoudzou, les faits dépassaient quelque peu les bousculades et vols de cartable. Il faut dire que le prévenu, arrivé flanqué d’une escorte de gendarmes mobiles, est déjà visé pour une affaire de viol qui lui vaut d’avoir passé les sept derniers mois à Majicavo. Cette fois-ci, il comparaissait pour un vol aggravé par deux circonstances commis le 5 avril 2019 à Koungou.

 

Ce matin-là, un père de famille amène sa fille à l’école en scooter. Sur le chemin, vers 7h, il tombe sur deux individus qui lui demandent d’abord deux euros. L’homme en hâte refuse. C’est alors que l’un des agresseurs agrippe son sac à dos, l’arrache, et prend la fuite avec son comparse. Quelques mètres plus loin, ils font le bilan des courses : 20 euros et un téléphone, qu’ils revendront plus tard dans la journée pour 70 euros. Dans sa déposition, la victime précise que le prévenu était muni d’une scie, qu’il a brandie sans pour autant tenter d’asséner un coup. Si la scie ainsi que l’ADN du voleur ont bien été retrouvés sur les lieux du méfait, le tribunal ne retiendra comme circonstances aggravantes que le vol en réunion et avec violence.

 

Le fléau de Mayotte

 

Une affaire somme toute assez banale donc, mais tristement symbolique de la recrudescence de faits de délinquance que Mayotte connaît depuis plusieurs mois. Et qui résonne tout particulièrement après un week-end chahuté par trois faits similaires dont une attaque sanglante d’un client du Jardin Maoré à N’gouja. Et c’est d’ailleurs le constat dressé par le substitut du procureur. “Cette délinquance, c’est le fléau de Mayotte. À la permanence, nous sommes constamment submergés d’appels par des citoyens ou des touristes qui ont subi des agressions. Ce grand sentiment d’insécurité, l’île n’en peut plus”, déplore Ludovic Folliet. Étant donné que le prévenu est déjà en détention dans une affaire pour viol, le parquet ne requiert toutefois qu’un sursis de six mois d’emprisonnement. Les juges seront moins cléments : le prévenu écope de quatre mois de prison ferme avec mandat de dépôt. Retour à la case Majicavo, dans l’heure ou presque.

 

Une jeunesse sans repère

 

Et toute la matinée, c’est peu ou prou le même sketch qui va se jouer, entre des jeunes délinquants oisifs à peine majeurs et une justice désabusée. Un coup, le prévenu a tout juste 18 ans, scolarisé jusqu’en 3e, puis laissé sans orientation. Symbole d’une jeunesse en perte de repères, du genre qui se retrouve un matin d’avril 2020 à boire de l’alcool et à accepter de participer à un cambriolage d’un magasin à Mamoudzou. “Vous êtes jeune vous êtes face à un embranchement : soit vous chutez, soit vous changez de comportement, sinon vous allez finir à Majicavo”, lui prédit le procureur. Lui s’en sortira cette fois-ci un peu mieux que ses pairs, avec 140 heures de travaux d’intérêt général.

 

“Une réponse pénale sévère”

 

En effet, dans une dernière affaire de barricades et caillassages, les prévenus, absents à leur propre audience, écoperont d’une peine plus sévère que les réquisitions : un an de prison chacun, et un mandat d’arrêt pour le seul des trois déjà condamné par le passé. Les trois délinquants, âgés de 18 et 23 ans, avaient descendu 50 euros d’alcool à Nyambadao en avril dernier avant de commencer à lancer des pierres, sans trop savoir pourquoi, sans trop s’en souvenir après. Une nonchalance qui n’a pas joué en leur faveur. “Des gendarmes déjà essorés font face à ce genre d’événements tous les jours, et les dommages peuvent être très graves. Par le passé, certains y ont perdu un œil, des dents, ou ont dû être évasanés”, rappelle ainsi le procureur en référence au major de gendarmerie grièvement blessé le 6 juillet dernier. Pour ces faits potentiellement létaux, le ministère public demandait donc une “réponse pénale sévère”. Pour qu’enfin, “le citoyen se réapproprie l’espace public”.

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