Avant même la manifestation de ce mardi, les soignants ont alerté ou rencontré à plusieurs reprises les représentants de l’État au sujet de l’insécurité sur l’île. Dans une tribune adressée à la presse, 808 signataires lui demandent de « prendre ses responsabilités ».
« Par cette tribune, nous soignants, voulons dénoncer que Mayotte est en danger. Mayotte, l’île aux parfums, au lagon mondialement connu pour sa biodiversité, pour ces plages où les familles se réunissent lors de pique-nique les week-ends, pour ces marchés riches en couleurs, sa population accueillante et sa richesse culturelle…
Cette Mayotte que nous aimons est en danger. Jusqu’à présent, nous tenions le coup malgré une vie sociale restreinte, une inquiétude permanente pour nos proches et nos enfants, encadrés par les gendarmes à la sortie des cours comme nous le sommes lors de nos activités de loisirs. La nuit tombée marque le retour à domicile en relative sécurité derrière nos barreaux. Mais aujourd’hui, nous ne tenons plus le coup. Les trajets quotidiens sont rythmés par les jets de pierres, par des barrages. Les coupeurs de route mettent le feu aux détritus, aux poubelles publiques et aux véhicules à tout ce qui peut leur permettre de nous paralyser. Encerclés, assaillis, nous sommes effectivement paralysés par cette insécurité permanente. Les agents du centre hospitalier de Mayotte font preuve d’un professionnalisme et d’un courage dépassant l’entendement. Chaque jour, ces difficultés obligent les soignants à se lever au milieu de la nuit pour se rendre sur leur lieu de travail avec un sentiment de peur qui les accompagne tout au long de la journée car le soir il faudra rentrer… et recommencer, encore et encore, jour après jour…. Avec parfois l’impossibilité d’arriver à destination obligeant les agents habitants à proximité à venir travailler sur leur repos au pied levé.
« La santé de la population mahoraise est en danger »
Les jours de travail s’accumulent avec un épuisement physique et psychologique majeur dans un système déjà saturé au sein d’un désert sanitaire parmi les plus importants de France. Nous ne pouvons plus assurer nos missions de service public, la santé de la population mahoraise est en danger. Les secours (Samu-pompiers-ambulances) ne peuvent pas passer les barrages. Des décès sont comptabilisés, des femmes accouchent seules, des blessés attendent des heures l’arrivée des secours avant que les affrontements ne cessent ou que les forces de l’ordre ne puissent nous ouvrir la voie, ce qui devient de plus en plus difficile. Les soins à domicile ne peuvent plus être assurés en toute sécurité. Les patients ne peuvent plus se rendre à leur rendez-vous. Aujourd’hui, nous ne tenons plus le coup, nous risquons notre vie. Nous soignants, comme l’ensemble de la population mahoraise, souffrons de cette situation. Plusieurs rencontres ont eu lieu. Les dernières datent des 24 mai et 7 juin avec Madame la directrice du cabinet de M. le Préfet (N.D.R.L. Marie Grosgeorge), les représentants des forces de l’ordre, l’Agence régionale de Santé, la direction du centre hospitalier de Mayotte ainsi que les organisations syndicales. Malgré les solutions proposées la situation se dégrade de jour en jour. Notre quotidien est dicté par la délinquance en toute impunité, dans une situation quasi insurrectionnelle. Dans ce contexte de désarroi, lors d’une mobilisation exceptionnelle de l’ensemble du personnel du CHM, nous avons rencontré M. le Préfet (N.D.L.R. Thierry Suquet), le 14 décembre dernier. Aucune nouvelle solution concrète autre que « Tenez le coup » ne nous a été proposée. Mais aujourd’hui nous ne tenons plus le coup, nous risquons notre vie, sans espoir d’amélioration.
Assurer la sécurité de chaque citoyen français fait partie des missions régaliennes de l’État. Il est actuellement défaillant et ses répercussions sur le milieu hospitalier sont sans précédent. Les soignants ne sont pas les seuls à souffrir de cette défaillance de l’État, tous les citoyens de Mayotte devraient pouvoir se sentir en sécurité dans leur département. Non, M. le Préfet, nous ne tenons plus le coup. Il est urgent que l’État prenne ses responsabilités. »