Dans un courrier en date du 8 avril, le collectif du monde économique de Mayotte a interpellé la Défenseur des droits pour l’informer sur les manquements de l’Institut national de la statistique et des études économiques au niveau du recensement de la population totale. L’idée de la démarche : mobiliser le national pour prendre à bras le corps le sujet de l’insécurité dans le 101ème département. Entretien avec Marcel Rinaldy, le président de l’association.
Flash Infos : Face à l’insécurité ambiante à Mayotte, le collectif du monde économique de Mayotte que vous présidez a saisi la Défenseure des droits, Claire Hédon. Qu’espériez-vous de cette initiative et quelle réponse vous a-t-elle apporté ?
Marcel Rinaldy : Nous espérions surtout avoir un regard nouveau sur la situation de Mayotte. Nous considérons que les moyens de l’État, vis-à-vis d’une population qui n’est pas la bonne, ne sont pas à la hauteur. Si cette dernière était comptée avec sincérité, les services de l’État permettraient d’aller plus vite dans la résolution sécuritaire que nous traversons.
Nous avons reçu un retour de la Défenseure des droits qui se dit ne pas être compétente. C’est dommageable, elle botte en touche. Elle nous conseille d’attaquer les chiffres de l’Insee au tribunal administratif.
FI : Alors que vous pointiez du doigt les manquements de l’Insee, le directeur régional, Bertrand Aumand, a précisé début février à l’occasion du lancement du recensement son opinion sur la question : « Ce n’est pas possible qu’on ait 400.000 habitants sur le territoire, sinon on serait passé à côté de 150.000 personnes. C’est inimaginable, il faut se fier aux chiffres de l’Insee. » Que lui répondez-vous ?
M. R. : Au-delà du ressenti général, nous avons tous vu les constructions illégales montées dans tous les coins, que ce soit sur Mamoudzou ou dans les grands villages comme Combani. Il y a une installation pérenne sans règle d’urbanisme quelconque. Cela m’étonnerait que les recenseurs soient allés dans toutes ces zones… Mathématiquement, nous ne pouvons pas avoir consommé 13 millions de mètres cubes d’eau en 2016, soit l’équivalent de 150 litres d’eau par jour et par habitant, avec 230.000 habitants !
En revanche, comme la consommation alimentaire repart en direction de l’Union des Comores, cet indicateur n’est pas un argument probant. Il est malheureux que nous soyons obligés de reprendre des calculs scientifiques… Les maires vont également dans notre sens, il leur suffit d’évoquer le nombre d’enfants non scolarisés dans leurs collectivités respectives. Nous faisons un travail de fond avec d’autres structures qui travaillent avec les mineurs isolés. À titre d’exemple, rien que sur la ville chef-lieu, trois associations en ont recensés 1.200 sur seulement trois quartiers. Nous sommes loins de 600 annoncés sur l’ensemble du territoire par le ministre, Adrien Taquet.
FI : La Défenseure des droits vous a suggéré de vous rapprocher de la justice pour obtenir gain de cause.
M. R. : Nous sommes là pour être constructifs et au contraire, ne pas perdre de temps dans les tribunaux. Nous ne voulons pas nous positionner en ennemi de l’État, ce n’est pas le sujet. Nous voulons apporter des regards extérieurs et mobiliser à l’échelle nationale, car notre situation ne se réglera pas uniquement sur des positionnements départementaux. Nous sommes Français à part entière, nous avons le droit d’avoir la même action que n’importe quel autre territoire, à l’instar de la Creuse.
En minimisant de près de 100.000 personnes la population estimée, les renforts de forces de l’ordre et des fonctionnaires sont, par conséquent, en deçà de la réalité. Le recensement entre en ligne de compte sur les financements des administrations locales et de la dotation globale de fonctionnement que l’État verse aux différentes communes. Que la vérité soit dite et mettons-nous au travail. Nous voulons juste que Mayotte soit sécurisée. Point à la ligne.