Plus de Mahorais dans la police nationale : le “strict minimum” pour Mayotte, insiste Thani

Quelques semaines après les violents affrontements qui ont provoqué la mort de trois personnes en Petite-Terre, le sénateur Thani Mohamed Soilihi lance une piqûre de rappel au gouvernement. Et demande plus de policiers mahorais pour apporter une solution pérenne aux problèmes de délinquance.

Dans un courrier adressé au ministre des Outre-mer, Sébastien Lecornu, le sénateur Thani Mohamed Soilihi réitère sa demande pour permettre aux agents mahorais qui le souhaitent d’être mutés plus tôt que prévu pour revenir sur leur terre natale. Problème : aujourd’hui, la clause statutaire qui exige leur affectation pendant huit ou cinq ans dans une même région bloque leur éventuel retour. Chiffres à l’appui, le parlementaire rappelle la sous-représentation des effectifs originaires de l’île au sein de la police nationale : s’ils sont 46% dans la compagnie d’intervention, cette part tombe à 28% pour la brigade anti-criminalité, et 20% dans les rangs de la police aux frontières… Autoriser les policiers mahorais qui le souhaitent à rentrer permettrait non seulement d’augmenter les effectifs mais aussi d’apporter une solution plus pérenne “aux difficultés spécifiques du 101ème département, liées à une faible maîtrise de la langue française par ses habitants, à la culture et à l’environnement”, écrit Thani Mohamed Soilihi dans sa lettre. Entretien.

Flash Infos : Pouvez-vous expliquer les raisons qui vous poussent aujourd’hui à adresser ce courrier aux ministres des Outre-mer et de l’Intérieur ?

Thani Mohamed Soilihi : Cette demande ne date pas d’aujourd’hui ! Je la formule à tous les ministres de l’Intérieur depuis le précédent quinquennat. Je rencontre régulièrement les syndicats de la police que ce soit à Mayotte ou en métropole, et aussi les associations comme 101GPX, qui me font connaître leurs demandes et revendications par rapport à ce qui se passe dans le 101ème département. Cette association regroupe justement des policiers sous contrat en métropole, qui sont dans l’obligation de rester huit ans à leur poste avant de pouvoir obtenir une mutation. Or, beaucoup éprouvent le besoin de rentrer plus tôt. Je les soutiens souvent individuellement dans leurs démarches, mais force est de constater que cela fonctionne très peu… Tous s’en étonnent, étant donné les besoins à Mayotte, ils me disent : “Nous sommes des locaux, nous connaissons le terrain et nous pourrions aider !” Vu la situation d’insécurité actuelle, j’en ai donc profité, après avoir fait le tour des syndicats, pour envoyer ce courrier à Sébastien Lecornu avec en copie le ministre de l’Intérieur.

FI : Pourquoi cette demande n’aboutit pas selon vous ?

T. M. S. : Ce que le gouvernement oppose souvent, c’est la non-discrimination. À savoir que ces policiers ont signé des contrats et se sont engagés pour un temps déterminé ; déroger à la règle pour eux reviendrait à créer une situation de discrimination vis-à-vis des autres territoires. C’est un argument que j’entends ! Mais un syndicat me précisait justement que chez d’autres compatriotes ultramarins, le nombre de policiers locaux était plus important que chez nous, et le nombre de femmes aussi. Il ne s’agit donc aucunement d’un traitement de faveur ! Je ne veux aucunement que l’on viole la loi, et c’est pour cette raison que j’invoque l’article 25 du décret n°95-654 du 9 mai 1995. Ce texte permet le déplacement ou le changement d’emploi d’un fonctionnaire actif des services de la police nationale lorsque l’intérêt du service l’exige. Cela se pratique déjà en métropole pour répondre à des situations exceptionnelles. Et à Mayotte, la nécessité du service et la situation exceptionnelle sont bel et bien là…

Même si j’ai déjà essuyé trois refus, de Gérard Collomb, de Christophe Castaner, maintenant de Gérald Darmanin, je n’arrêterai donc pas d’insister sur ce sujet. D’autant que cela ne semble pas impossible ! C’est même une solution peu coûteuse si vous voulez mon avis, quand on voit la crise sécuritaire doublée à la crise sanitaire que nous traversons en ce moment. Ces gens tués en Petite-Terre, ce ne sont pas les premiers, ces caillassages de bus qui continuent… je n’accepterai pas de baisser les bras !

FI : À chaque nouvel épisode de violences, comme d’ailleurs celui de Petite-Terre que vous mentionnez dans votre courrier, le gouvernement communique sur l’envoi de renforts. Mais les sceptiques n’hésitent pas à pointer du doigt le fait que ces “renforts” sont en réalité des roulements habituels des effectifs. Est-ce selon vous l’une des raisons pour lesquelles l’insécurité ne semble pas diminuer à Mayotte ? Et si l’article 25 permet de répondre à une situation “exceptionnelle”, comme vous le dites, en quoi cette solution peut-elle être plus pérenne ?

T. M. S. : Je n’ai pas les chiffres pour prouver s’il s’agit ou non des roulements d’effectifs, mais je rejoins cette critique dans la mesure où l’on parle là de gendarmes mobiles. Ils portent bien leur nom ! Dès qu’ils ont le dos tourné, si je puis dire, les gamins peuvent recommencer à causer des problèmes… La solution que je propose est plus pérenne puisqu’un policier qui bénéficiera de cette mesure ne va pas venir pour repartir le lendemain. Or, le problème de l’insécurité à Mayotte n’est pas ponctuel, il nécessite ces mesures de long terme. Qui plus est, la logique voudrait que les collègues policiers et gendarmes en provenance de l’Hexagone viennent compléter un socle solide. Nous avons des officiers et des agents de police mahorais dont les qualités et les compétences sont reconnues, il faut s’appuyer sur cela. Enfin, permettez-moi de préciser que je ne fais pas que cette demande : je souhaite aussi voir arriver plus de renforts. Et j’ai récemment demandé que Koungou, qui est une commune de 30.000 habitants, puisse avoir son commissariat. Une requête qui n’a rien d’incroyable, puisque toutes les communes de plus de 10.000 habitants peuvent avoir une telle structure. Tout cela pour dire que ce sont des mesures qui peuvent sembler exceptionnelles, alors qu’il s’agit parfois du strict minimum…

 


 

La réforme de la justice pénale des mineurs définitivement adoptée au Sénat

 

plus-de-mahorais-police-nationale-mayotte-insiste-thaniVoilà qui devrait bousculer les choses au tribunal de Mamoudzou (comme ailleurs). La réforme de la justice pénale des mineurs, basée sur une ordonnance du gouvernement de septembre 2019, a enfin été adoptée par un vote à main levée au Sénat mardi 16 février. “Ce nouveau code a une importance majeure car il met en place une réforme historique modernisant la justice pénale des mineurs pour répondre aux enjeux de la délinquance dans notre pays, laquelle occupe le devant de l’actualité”, a salué le sénateur Thani Mohamed Soilihi lors de son intervention au Sénat. L’objectif de ce texte, qui a fait l’objet de nombreuses critiques du côté gauche de l’hémicycle et chez les syndicats de magistrats, est d’accélérer les jugements et de réduire le recours à la détention provisoire, qui concerne 80% des mineurs en prison. La procédure se déroulera désormais en deux temps : une première audience devra avoir lieu dans un délai de trois mois maximum à l’issue de l’enquête – contre 18 mois aujourd’hui selon les estimations du ministère de la Justice ; une seconde audience interviendra entre six et neuf mois plus tard, pour prononcer la sanction. Entre les deux, le mineur traversera une période de “mise à l’épreuve éducative”. Une “audience unique” restera de mise pour les faits les plus graves et pour les mineurs déjà impliqués dans de précédentes procédures. Du côté de ses détracteurs, et notamment des députés La France Insoumise (LFI), on s’insurge contre une réforme qui penche trop pour le “répressif”, tandis que les magistrats dénoncent “une carence budgétaire criante” à laquelle “s’ajoutent des politiques sociales et judiciaires toujours plus répressives empêchant une prise en charge spécifique nécessaire des mineurs”. De quoi faire mouliner à Mayotte, où les carences dans les dispositifs de réinsertion et les moyens de la justice sont justement criants… “La réussite de la présente refonte reposera sur les moyens alloués. La forte hausse des crédits de la justice pour 2021 démontre que la volonté politique est là, mais nous serons nombreux à nous montrer vigilants quant à leur mise à disposition effective”, a averti le sénateur Thani dans un message prudent envoyé au garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti. Crise sanitaire oblige, les parlementaires ont obtenu de reporter l’entrée en vigueur du texte du 31 mars au 30 septembre, pour permettre aux rouages de l’institution judiciaire de s’adapter à ce changement de taille. Un rendez-vous à ne pas manquer pour la prochaine rentrée scolaire !

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