Plutôt que de bloquer la route nationale, les habitants de M’Tsapéré ont choisi de l’emprunter à pied, en milieu de matinée, ce mercredi. Toujours plus nombreux dans le village, les barrages sont érigés pour dénoncer le sentiment d’insécurité qui y règne. Le préfet de Mayotte, Thierry Suquet, s’est rendu à proximité en fin de matinée. S’il n’a pas rencontré de manifestants, il a indiqué que “sa porte leur est toujours ouverte”.
Calmement, le cortège quitte la rocade de M’Tsapéré et se dirige vers Doujani, suivi par des policiers munis de boucliers. Ce mercredi matin, ceux qui manifestent contre l’insécurité ne veulent pas bloquer l’axe reliant Mamoudzou et le sud de Mayotte. Voulant éviter les gaz lacrymogènes, ils s’entendent avec les forces de l’ordre pour remonter la route nationale, du rond-point Baobab à celui de Doujani en milieu de matinée, où le cortège de 200 personnes traverse le village voisin. À sa tête, Taki appelle les habitants à les rejoindre. “Doujani ! Nous n’avons pas à nous battre ! Venez avec nous ! Nous sommes tous musulmans !“, leur crie-t-il.
Sur les barrages depuis samedi, le M’Tsapérois avoue être un peu fatigué, mais toujours aussi déterminé ! ”On veut montrer que M’Tsapéré, c’est chez nous. Qu’on peut aller où on veut”, explique Omar, alors que le défilé prend le chemin du retour en direction du village, où le temps semble s’être arrêté… Preuve en est avec la fermeture du centre de consultation ces jeudi et vendredi en raison de « la situation sociale » tendue, informe le centre hospitalier de Mayotte.
Ce qu’il s’est passé la veille n’a pas calmé la colère des habitants. Mécontents d’avoir été repoussés de la rocade, ils ont en effet boudé la réunion avec la mairie de Mamoudzou, le procureur Yann Le Bris, le cabinet du président du conseil départemental et le préfet de Mayotte, Thierry Suquet. Ce dernier, justement, décide d’apporter tout son soutien aux fonctionnaires de police ce mercredi matin. “Je suis ici pour trois raisons. La première, c’est pour remercier les forces de l’ordre. Elles sont très sollicitées ces derniers jours. La suivante est pour rétablir la vérité. Il y avait des rumeurs comme quoi Mayotte serait une île morte. Ce n’est pas vrai, on peut circuler [ce mercredi]. Enfin, je voudrais dire aux habitants que je comprends leur colère. Ma porte est toujours ouverte. Il faut se mettre de nouveau autour de la table”, indique-t-il, depuis un terre-plein à l’entrée de M’Tsapéré.
Une visite sans les habitants
Si la visite préfectorale se fait à 200 mètres de Séna, le centre névralgique de la manifestation, aucun habitant ne vient à la rencontre de Thierry Suquet, preuve que le dialogue n’est pas complètement rétabli. “Je suis prêt à les voir au cours d’une audience”, répond-il à la question de savoir s’il compte échanger avec eux. Côté villageois, ce n’est pas forcément à l’ordre du jour ! Ceux-ci attendent des réponses concrètes et rapides concernant la sécurité. “Je vais reprendre les propos du procureur hier (voir Flash Infos de mercredi). Toutes les personnes liées aux cinq meurtres de ce début d’année sont en prison. Concernant les délinquants, on doit régler ce problème tous ensemble. Il faut mobiliser les renseignements, nous dire qui et déposer plainte. Les parents doivent aussi être mis devant leurs responsabilités”, leur répond le délégué du gouvernement.
Derrière lui, les barrages qui s’accumulent ne sont pas sans incidence sur la vie des M’Tsapérois. Des blocages à l’intérieur même du village empêchent les automobilistes de le traverser et pour les habitants de se rendre au travail. Sur cette question, contrairement à la rocade, le préfet laisse la responsabilité aux manifestants “de [les] lever”.
Un moment de répit à Pamandzi
Autour du lycée de Pamandzi, l’atmosphère était moins lourde, ce mercredi matin. Après deux jours de violences, le calme y est enfin revenu. Sur le boulevard Charles de Gaulle, gendarmes et jeunes se sont affrontés à de multiples reprises, lundi et mardi. Les établissements scolaires voisins étant parfois les témoins directs de cette violence.
Mardi par exemple, l’école de Pamandzi 5 a dû être évacuée. Au cours des affrontements, un collégien a perdu sa main en voulant jeter une bombe lacrymogène. Ce mercredi, le préfet de Mayotte a annoncé qu’un lycéen lié aux violences a été déchu de son titre de séjour et renvoyé aux Comores.