Au lendemain de la visite à Mayotte du ministre de l’Intérieur et de l’Outre-mer, Gérald Darmanin, le mot d’ordre demeure de barrer les routes tant que les engagements évoqués par ce dernier ne seront pas couchés sur le papier. Une consigne des Forces vives suivie à la lettre par les barragistes.
« Moi aussi je peux écrire un courrier. Vous, vous pouvez écrire un courier. » Le barrage de Passamaïnty tient toujours debout ce lundi matin, vers 11h30, au lendemain de la visite du ministre de l’Intérieur et des Outre-mer, Gérald Darmanin. Moina*, une de celles qui tiennent ce blocage dans la commune de Mamoudzou depuis qu’il a été érigé, ne s’est pas laissée convaincre par le ministre et sa délégation. Ce dernier a annoncé ce dimanche la fin du droit du sol à Mayotte et du titre de séjour territorialisé, entre autres mesures. L’engagement doit être affirmé par le biais d’une lettre qui doit être signée avant ce mardi soir.
« Moi j’aurais voulu qu’il vienne avec des preuves que le processus pour rendre ces lois concrètes était déjà en cours. Cela fait des semaines que les barrages ont commencé, des mois que la population alerte sur l’insécurité et l’immigration clandestine », continue la barragiste, qui estime que les processus législatifs nécessaires à la mise en place de ces mesures auraient dû être entamés depuis longtemps.
« Poudre de perlimpinpin »
Pour Moina, le futur courrier ne sera qu’un symbole de plus, qui n’engagera en rien l’État. « Je n’ai pas beaucoup d’espoir. Encore des paroles », estime celle qui désigne ces annonces de « poudre de perlimpinpin », reprenant volontiers l’expression remise au goût du jour par le président de la République Emmanuel Macron en mai 2017, lors du débat d’entre-deux-tours de l’élection présidentielle face à Marine Le Pen, alors que cette dernière défendait sa proposition d’expulser les fichés S et de fermer les frontières pour lutter contre le terrorisme.
« Darmanin a joué de la flûte ! », lance un passant à proximité, en entendant les propos de Moina. Malgré sa méfiance vis-à-vis des promesses du gouvernement, qui doivent trouver un cadre dans la loi Mayotte avant l’été, la militante de Passamaïnty écoutera les consignes des Forces vives : « On attends les instructions. On ne lèvera pas les barrages avant ça. » Et si tout ce qui a été convenu entre les élus, les représentants des Forces vives, Gérald Darmanin et la ministre déléguée en charge des Outre-mer, Marie Guévenoux, lors de leur réunion au rectorat ce dimanche n’est pas spécifié dans la lettre attendue mardi soir, les blocages continueront, selon elle. Le reste de la petite dizaine de femmes présentes vers 11h30 au barrage ne souhaitent pas s’exprimer. « On pense toutes pareil de toute façon », affirme Moina.
« On attend le courrier »
Un peu plus tard, vers midi, à Tsararano, dans la commune de Dembéni, les voitures garées le long de la chaussée accueillent celles et ceux qui voudraient entrer dans le village. Pour des camions poubelle et citerne, des bus, des ambulances et des voitures de soignants, la barrière est levée. Pour les autres, c’est demi-tour ou créneau et le reste à pied. Un drapeau français orne le barrage sur lequel une petite dizaine de personnes sont postées.
Ici, la perspective d’un courrier d’engagement a davantage convaincu les barragistes. « On veut un engagement écrit. On en a marre des promesses. En 2011 et en 2018, on s’est fait bernés. Alors là, on attend le papier. Et croyez-moi, je serai le premier à lever les barrages et à chanter quand on l’aura reçu », prévient Youssouf*, présent sous une des tonnelles prévues pour abriter les manifestants de la pluie et du soleil. Ce dernier est conscient que les mesures annoncées vont devoir passer différentes étapes législatives avant de pouvoir être effectives. « Je sais bien que ça ne pourra pas se faire du jour au lendemain. Mais au moins, ce sera écrit quelque part », se félicite celui qui a bon espoir de n’avoir plus que trois ou quatre mois à endurer l’insécurité au quotidien.
Même refrain du côté de Yanis*, qui garde le blocage de Tsararano depuis le début du mouvement, de jour comme de nuit. « Il nous faut juste le courrier avec ce qui a été convenu, et ce sera moi le premier à lever le barrage », assure-t-il, juste avant de hisser, justement, la barrière pour laisser passer le véhicule d’un soignant.
Un peu plus haut, au niveau des voitures garées sur le bas côté avant d’entrer dans le village depuis Mamoudzou, deux automobilistes patientent : « On sait que le ministre a annoncé des choses hier. On a voulu voir si on allait pouvoir passer avec la voiture. » Bien essayé, mais il faudra attendre jusqu’à mardi soir pour espérer entrevoir une levée des barrages. Pendant ce temps, le gouvernement, lui, est attendu au tournant.
*Nom d’emprunt