Conflit Miréréni-Combani : « Nous sommes nombreux à prendre nos clics et nos clacs et à déménager »

Alors que la commune de Tsingoni a été une nouvelle fois le théâtre d’affrontements entre les forces de l’ordre et des jeunes de Combani dans la soirée du 3 janvier, un éducateur de rue pour le compte de la Croix-Rouge française originaire du village a décidé de témoigner à visage découvert pour partager son expérience traumatisante et exprimer son ras-le-bol.

« Quand je reviens sur Combani, j’ai toujours peur qu’il m’arrive quelque chose. Je ne dépasse plus le Somaco, je n’ose plus m’aventurer alors que j’ai des potes à Miréréni… » Aujourd’hui, Elbak Hadhuirami remet les pieds avec « appréhension » sur les terres de sa jeunesse. « J’ai failli me faire couper la main il y a quelques mois… En revenant en scooter de Mamoudzou, on m’a suivi avec des machettes ! » Si ce type d’épisodes sème régulièrement le trouble dans le 101ème département, un événement beaucoup plus traumatisant l’a définitivement convaincu de plier bagages et d’aller se réfugier à Iloni, son nouveau village d’adoption.

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Tout remonte au 8 avril 2020, jour où « ça a vraiment commencé à péter ». L’éducateur de rue au sein de la Croix-Rouge française se retrouve victime d’un cambriolage, suivi d’une menace avec armes blanches. L’un de ses cousins se lance alors à la poursuite des malfrats, vite rejoint par Elbak Hadhuirami au niveau du Somaco. « Le magasin était encerclé, un homme nous a dit de nous enfuir », retrace le jeune homme de 23 ans. « Je suis rentré dans une impasse pour me cacher… Puis j’ai reçu un parpaing ! » Bilan de ce guet-apens : trois dents perdues. Et par la suite, des mots de tête intenses. « Je suis obligé de me plonger dans l’alcool pour atténuer la douleur. »

« Aussi bien de la peur que de la haine en moi »

La plainte déposée dès le lendemain auprès des forces de l’ordre reste classée sans suite. Pourtant, Elbak Hadhuirami assure croiser son agresseur tous les matins ! « C’est cet environnement qui m’a poussé à partir. » Cette décision radicale est loin d’être singulière selon l’ancien élève du lycée de Kahani. « Nous sommes nombreux à prendre nos clics et nos clacs et à déménager. » Une fuite en avant assumée, certes, mais aussi et surtout un moyen d’éviter l’irréparable et de franchir la ligne rouge. « J’ai aussi bien de la peur que de la haine en moi. La vengeance est à portée de main. Cela peut se retourner contre moi donc j’encaisse. »

La colère, palpable, se double d’un sentiment d’abandon chez ce déplacé de la commune. « Nous voyons rarement les patrouilles mobiles. » Or, le degré d’insécurité grimpe en flèche selon lui. « Avant, c’était une rivalité inter-villageoise que nous pouvons caractériser de bon enfant. Aujourd’hui, ce sont des jeunes de Vahibé et de Majicavo qui viennent pour faire régner la terreur. » Le pire dans tout cela ? L’explosion de cette violence reste impunie par la justice aux yeux des habitants. « Elle ne se base pas sur la réalité du terrain et n’agit pas en temps réel. S’il y avait eu de réelles sanctions, ils auraient pris peur ! » Face à cet immobilisme, Elbak Hadhuirami regrette ainsi que les solutions proposées par l’État n’aient aucun impact. « Il faut réaliser un travail concret en amont avec eux, sinon la médiation ne sert à rien. Nous essayons de discuter avec ces soi-disant délinquants, mais il faut une vraie politique pour les sortir de l’oisiveté. » À travers ce témoignage au nom de tous « ceux qui sont tombés sans rien demander », l’enfant blessé de Combani espère faire quelque peu bouger les lignes. Avant de repartir, par le sud, en direction d’Iloni.

 

Nouvelle année, nouveau barrage à Combani

Les années passent et se ressemblent… Lundi 3 janvier dès 19h, un blocage a une nouvelle fois affecté la circulation depuis la station-service Total jusqu’au carrefour du RSMA à Combani. “Une soixantaine de jeunes avaient constitué des barricades sur la route, dont certaines étaient enflammées”, relate un officier de gendarmerie. Afin de rétablir l’ordre au sein de la commune, une cinquantaine de militaires ont été mobilisés toute la soirée. Habitués à la situation, les forces de l’ordre ont pu agir rapidement et dégager la voie aux alentours de minuit, mais ils n’ont pas réussi à arrêter les fauteurs de trouble.

À en croire un habitant, ces barrages n’étaient pas sans signification. Plus tôt dans la journée, un certain Akio avait été arrêté par le GIGN. Poursuivi pour des faits de violence commises contre des membres des forces de l’ordre, il a été interpellé aux alentours de 11h. Selon la population, le jeune homme était connu dans la zone pour ses morceaux de rap vindicatifs. “Les motivations de ces jeunes étaient certainement de [les] affronter pour espérer faire libérer leur camarade”, explique un résident de la commune. Une méthode peu recommandable et qui promet une année 2022 explosive…

Sur les réseaux sociaux aussi, ces échauffourées ont encore suscité l’émoi des Mahorais, las de ce climat de violences perpétuel. Si certains partagent vidéos et informations sur ces événements répétitifs, d’autres préfèrent ne plus donner d’importance à ces actes odieux. Ils dénoncent la publicité que leurs concitoyens font de ces épisodes.

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