À Mayotte, la prévention contre les noyades nage en eaux troubles

La fin du mois de juillet a vu se jouer la première journée mondiale de prévention de la noyade, alors que nombre de jeunes perdent chaque année la vie dans les eaux mahoraises. Pour pallier au manque d’équipements et d’effectifs, l’association du Cercle des Nageurs de Mayotte envisage plusieurs solutions.

Mars 2021. Sur la plage de Trévani, une enfant de cinq ans perd la vie après s’être noyée. Moins d’un an plus tôt, un jeune homme décédait dans les mêmes conditions, cette fois à Sakouli. À quelques mois d’intervalle, un adolescent d’une douzaine d’années disparaît dans les eaux de la retenue collinaire de Combani où il était parti se baigner, malgré l’interdit, avec sa bande de copains. En 2019, cette fois, un garçonnet de neuf ans se noyait dans le plan d’eau près du remblai de M’tsapéré. L’historique pourrait encore être long, tant le problème, à Mayotte, est récurrent. Il faut dire qu’à ce jour, aucune plage n’est aménagée pour la surveillance de baignade. Et culturellement, sur une île où l’océan nourrit nombre de craintes, la pratique de la natation est loin d’être acquise par le plus grand nombre.

Alors, le 25 juillet, la première journée mondiale de prévention de la noyade revêtait, ici, un enjeu tout particulier, dont le Cercle des Nageurs de Mayotte s’en est fait le porte-voix, le week-end dernier, à l’occasion d’une journée de sensibilisation organisée spécialement pour l’occasion avec les jeunes du centre de loisirs de Chiconi, sur la plage de Sohoa. « C’est là que j’ai commencé à y faire mes premiers cours, quand je suis arrivée à Mayotte en 2017 », retrace Hervé Ducongé, président de l’association et instigateur de l’événement. « À l’époque, j’ai été choqué de voir qu’aucune surveillance n’était mise en place, y compris sur les jours à forte fréquentation et à haut risque. D’autant plus qu’ici, peu de personnes savent vraiment nager. »

Manque d’équipements et d’effectifs

Depuis, le Cercle des Nageurs poursuit trois objectifs. D’abord, le développement de la natation « scolaire », censée « [faire] partie intégrante des programmes d’enseignement de l’école, comme le rappelle le ministère de l’Éducation nationale sur son site Internet ». « Mais à Mayotte, on ne remplit pas, ou peu cette obligation », souligne Hervé Ducongé. La faute, essentiellement, au manque d’infrastructures sportives et de personnel compétent. Or, « quand vous ne savez pas jouer au foot, vous n’êtes pas en danger. Quand vous ne savez pas nager, oui ».

« L’autre difficulté, c’est de pouvoir recruter des locaux, ce qui est une volonté affichée du rectorat », souffle-t-il. Car pour être titularisé, tout professeur doit présenter une attestation de natation… « C’est aussi le cas pour les pompiers, les gendarmes, les hôtesses de l’air, les animateurs… » C’est donc tout naturelle que le Cercle des Nageurs ambitionne également de former un large nombre d’éducateurs et d’initiateurs à la surveillance de la baignade, selon les standards nationaux. « Mais à Mayotte, cela implique d’aller faire reconnaître le diplôme à La Réunion, ce qui coûte très cher. »

Un bassin mobile dans les cartons

Certes, quelques initiatives voient sporadiquement le jour, mais trop peu à en juger par les besoins du territoire. « Dans la communauté de communes du Sud, ou à Bandrélé, il y a des tentatives de surveiller les plages, mais exclusivement à terre », salue le président de l’association reconnue d’utilité publique, qui ambitionne de faire nager « 15 à 20.000 gamins par an » grâce à un projet inédit.

Pour apprendre à nager, encore faut-il pouvoir le faire dans les bonnes conditions, soit « à marée haute, qui dure entre quatre et six heures selon les plages ». D’où, outre l’idée d’installer des postes de secours, celle d’un bassin mobile d’apprentissage, installé dans un conteneur, en complément de bassins lagunaires en eaux profondes au-delà du tombant. « Avec cette solution, on réglerait beaucoup de problèmes », défend Hervé Ducongé. « Il faudra dans un premier temps faire venir des tuteurs et maîtres-nageurs de l’extérieur, mais cela permettra ensuite de former et de tutorer des locaux ! C’est un vrai travail de continuité. » Actuellement, aucun maître-nageur n’est déployé à plein temps sur ne serait-ce qu’une seule plage mahoraise. Car légalement, seuls les sites de baignade aménagée doivent être surveillés. À Mayotte, aucun ne l’est. Résultat, l’île affiche entre cinq et dix morts par noyade chaque année. « Les municipalités sont responsables dans la zone des 300 mètres s’il se passe quoique ce soit. Elles ont obligation de prêter assistance et secours et de garantir la sécurité de leurs administrés. » Mais à ce jour, force est de constater que la sécurisation des espaces de baignade n’est pas une priorité, alors que nombre de parents manquent de vigilance sur les plages, comme le rappellent régulièrement de morbides faits divers.

Un enjeu sécuritaire, mais pas seulement…

Mais l’apprentissage de la natation n’est pas qu’une question de loisirs ou de sécurité des personnes, puisque la pratique présente aussi des avantages considérables pour la santé. « Nous proposons aussi des cours, comme l’aquagym, à destination des personnes diabétiques, âgées ou qui ont des problèmes de tension. Nous sommes aussi affiliés à la fédération pour la pratique du handiscport », se réjouit Hervé Ducongé, dont les cours vont jusqu’aux bébés nageurs. Le tout, toujours, évidemment, sérieusement encadré.

Et là où la mer est synonyme de potentiel touristique et d’attractivité, elle pourrait également se faire ambassadrice du sport mahorais. À condition que la compétition s’y développe. En ce sens, une section UNSS de natation ouvrira dès la rentrée prochaine avec des cours hebdomadaires donnés par des professeurs d’éducation physique et sportive. Puissent-ils finir par se jeter dans le grand bain de la piscine olympique qui devrait voir le jour à Mayotte avant les prochains Jeux des Îles de l’océan Indien, en 2027.

noyade-cercle-des-baigneurs-natationPour apprendre à nager… Et plus

Le Cercle des Nageurs propose des cours hebdomadaires de natation à Tahiti Plage et, selon les périodes, de waterpolo à Iloni pour tous les publics. Comptez 110 euros par trimestre et par adulte, et 50 euros pour les mineurs (déductibles des impôts à hauteur de 65%). Plus de renseignement sur la page Facebook Cercle des nageurs de Mayotte.

Romain Guille est un journaliste avec plus de 10 ans d'expérience dans le domaine, ayant travaillé pour plusieurs publications en France métropolitaine et à Mayotte comme L'Observateur, Mayotte Hebdo et Flash Infos, où il a acquis une expertise dans la production de contenu engageant et informatif pour une variété de publics.

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