Interpellations et expulsions ont repris, alors même que les frontières des Comores restent officiellement fermées. Une situation que dénoncent syndicats et associations.
La machine à expulser reprend doucement du service. Alors que les frontières des Comores restent officiellement fermées et que la crise sanitaire continue de sévir, les autorités à Mayotte tentent de relancer la lutte contre l’immigration clandestine (LIC). Déjà en mai, c’était le centre de rétention administrative qui rouvrait ses portes, contre l’avis des associations et syndicats de police. Lundi 3 août, les interpellations terrestres ont officiellement repris et le jeudi suivant, un premier bateau embarquait plusieurs personnes en situation irrégulière, destination Anjouan. “Il y avait une forte demande de la préfecture depuis le début du confinement, qui aurait bien aimé poursuivre la LIC. Et on sent aujourd’hui que le chiffre leur manque un peu…”, souffle Aldric Jamey, délégué départemental chez Alternative Police.
Reprendre les expulsions, “coûte que coûte” ? C’est ce que dénonce sans détour La Cimade. L’association d’aide aux étrangers s’est fendue d’un communiqué ce lundi pour alerter sur la “reprise des rafles et expulsions à Mayotte”. Conséquence des interpellations, le centre de rétention administrative ne cesse de se remplir et des locaux de rétention (LRA) sont créés, où “les gens s’entassent dans des conditions indignes, dorment à même le sol”. D’après nos informations, la capacité maximale d’accueil au CRA, Covid-19 oblige, d’abord limitée à la moitié, est passée aux trois quarts d’occupation, soit environ 112 personnes, contre 150 en temps normal.
Parmi elles, “s’y retrouvent, bien que protégés légalement contre toute mesure d’éloignement, des personnes avec des titres de séjour valides ou expirés pendant la crise sanitaire, des parents d’enfants français, des personnes arrivées avant 13 ans sur le territoire, des mineurs…”, peut-on lire dans le communiqué. Et ce, alors même que la fermeture de la préfecture pendant le confinement en a empêché plus d’un d’obtenir ou de renouveler son titre de séjour. Une situation que le Défenseur des droits avait d’ailleurs souligné en juillet dernier, recommandant “aux autorités de prendre des dispositions pour interdire toute mesure d’éloignement à l’encontre des personnes privées de la possibilité d’accéder aux guichets préfectoraux”, précise encore l’association.
Des interpellations mais pas d’accord
L’autre problème ? Aucun accord n’a officiellement été trouvé avec les autorités des Comores pour organiser les reconduites. “Nous travaillons ardemment à la reprise normalisée des éloignements. Les discussions sont toujours en cours”, répond ainsi laconiquement Julien Kerdoncuf, le sous-préfet à la lutte contre l’immigration clandestine, qui se refuse à tout autre commentaire sur la situation. Le bateau qui rapatriait des migrants jeudi dernier fait donc pour l’instant figure d’exception. “Il y a eu un début d’accord car il y avait des gens coincés aux Comores qui devaient revenir à Mayotte, donc le bateau a fait
l’aller-retour”, explique une source à la police aux frontières (PAF). En effet, ce jour-là, 48 Mahorais bloqués à Moroni ont pu rejoindre le département, mais plusieurs centaines d’autres restent encore dans l’attente d’une solution de rapatriement. En ce qui concerne l’immigration clandestine, “il n’y a toujours pas d’accord pour reprendre des liaisons quotidiennes comme avant, ni de date officielle”, précise cette même source.
La Covid-19 circule toujours
Une situation qu’elle juge “incohérente”, au vu de la crise sanitaire toujours en cours. “L’État nous fait créer des clusters au CRA”, dénonce ainsi cette source à la PAF. Car les interpellations, en l’absence d’accord avec les Comores, ne mènent souvent pas à grand-chose. Pire, elles peuvent avoir de lourdes conséquences avec la circulation de la Covid-19. Au CRA, où les personnes en situation irrégulière sont testées, les cas positifs sont envoyés à l’internat de Tsararano “qu’ils fuient dès la nuit tombée”. Si ces personnes ne sont donc pas parties avec le premier bateau, “ceux qu’elles ont peut-être contaminés pendant l’enfermement ont été embarqués vers Anjouan, une île comorienne à l’infrastructure médicale quasi inexistante”, critique quant à elle La Cimade. Et ceux qui n’ont pas embarqué finissent par être relâchés, après leur passage devant le juge des libertés et de la détention. Positifs ou négatifs ?
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