M’safara : un voyage dans les airs pour lutter contre l’arrivée de kwassas à Mayotte

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Il y a un mois, le préfet Jean-François Colombet annonçait sa décision de solliciter des structures privées pour lutter contre l’entrée illégale et massive de kwassas-kwassas en provenance de l’Union des Comores pendant la crise sanitaire. Parmi elles se trouve l’association M’safara (voyage), récente sur le marché et spécialisée dans la surveillance aérienne. Elle est pour le moment la seule association aéronau-tique de Mayotte à avoir répondu à l’appel du délégué du gouvernement. Équipée d’un aéronef bi-moteur, elle souhaite pérenniser sa collaboration avec la préfecture, au-delà de la crise sanitaire. Le secrétaire général de M’safara nous détaille leur mis-sion, sans jamais révéler son identité car il sait que s’engager dans la lutte contre l’immigration clandestine peut avoir des représailles.

Flash Infos : Quelles sont les missions habituelles de l’association ?

Association M’safara : L’association a été créée en septembre 2019. Nous sommes trois pilotes professionnels et bénévoles, et notre objectif est de développer le secteur de l’aviation générale à Mayotte. Dès le début, nous avons proposé des missions de surveil-lance dans divers domaines : pêche, pollution, tortues… Nous secourons également des personnes en mer, et accessoirement nous faisons ce que nous appelons du co-avionage, c’est-à-dire que nous pouvons emmener des gens dans les îles d’à côté.

FI : Depuis maintenant un mois, vous faites également de la surveillance aérienne des frontières de Mayotte. Est-ce vous qui avez proposé spontanément vos services à la préfecture ?

A. M. : Nous avions déjà préparé le terrain avec la préfecture parce que nous savions que la LIC (lutte contre l’immigration clandestine) est un gros sujet à Mayotte. C’est nous qui avons démarché la préfecture avant même l’annonce récente du préfet, et cela a été ex-trêmement long. Depuis août 2020, nous attendions qu’elle fasse appel à nous. En vain, malgré des sollicitations récurrentes. Nous avions pourtant fait des tests avec eux, mais nous n’avions pas de retour jusqu’au mois dernier. Actuellement, notre mission avec la préfecture est temporaire, mais nous voulons la pérenniser.

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FI : Quels objectifs avez-vous reçu de la part de la préfecture

A. M. : Nous n’avons fixé aucun objectif avec la préfecture, parce que nous savions pas ce que ce genre de mission allait donner sur le long terme. Nous fonctionnonsz avec des lettres de mission reconduites toutes les deux semaines pour surveiller et intercepter les kwassas.

FI : Comment se déroule une surveillance aérienne avec vous ?

A. M. : On nous donne des indications, on nous dit quel secteur nous devons surveiller. Nous survolons les zones à une basse altitude pour bien voir ce qu’il y a sur l’eau. C’est important de distinguer si ce sont des pêcheurs, des plaisanciers ou des embarcations suspectes. Mayotte a des radars, donc si le poste de la surveillance d’État en mer a des échos, il nous envoie vérifier de quoi il s’agit. Les radars ne peuvent pas faire la diffé-rence. La préfecture nous a mandatée pour des missions de trois heures quotidiennes, que nous scindons généralement en deux : 1h30 le matin et 1h30 le soir. Mais il nous arrive de les réaliser d’une seule traite.

FI : Lorsque vous apercevez un kwassa, quelle est la procédure à suivre ?

A. M. : Nous appelons le poste de contrôle de l’action de l’État en mer qui gère l’ensemble de la surveillance du territoire. Ensuite, les agents sur place déploient les moyens mari-times nécessaires pour intercepter les embarcations.

FI : Depuis le début de votre mission de lutte contre l’immigration clandestine, com-bien de kwassas avez-vous signalé ?

A. M. : Je ne peux pas vous dire ! Il faut vous en tenir aux chiffres de la préfecture.

FI : Avec quel type d’appareil travaillez-vous ?

A. M. : Nous avons fait venir un avion de métropole spécialement pour la surveillance, avant même de travailler avec la préfecture. C’est un avion taillé pour ça. Il est bi-moteur et c’est essentiel quand nous survolons la mer parce que si un moteur tombe en panne, le deuxième prend immédiatement le relais. L’avion a également des dispositifs pour re-garder vers l’extérieur, et il est très bien équipé pour mieux communiquer avec ceux qui sont sur terre.

FI : Récemment, une voiture de la LIC aurait été volontairement incendiée. Avez-vous peur des représailles que peut engendrer cette mission ?

A. M. : Nous commençons à l’appréhender. L’incident avec la voiture de la LIC, même si nous ignorons encore les causes réelles, conforte notre idée de ne pas être dans une communication tout azimut. Je trouve que nous avons déjà beaucoup trop communiqué. Dorénavant, nous allons restreindre tout cela, nous devons nous protéger*.

FI : Malgré cela, vous souhaitez tout de même pérenniser votre collaboration avec la préfecture au-delà de la crise sanitaire ?

A. M. : Absolument. Nous avons démontré que ce que nous faisons est utile. Nous vou-lons aussi montrer qu’une association est capable d’obtenir des contrats de cette ampleur avec l’État. Maintenant, cela ne dépend pas de nous, mais de la préfecture. Si l’État veut que nous continuions à travailler ensemble, il va devoir passer par autre chose que des lettres de mission de deux semaines. Et si cela marche, nous ferons venir un ou des pi-lotes professionnels pour nous appuyer.

*C’est la raison pour laquelle, notre interlocuteur a souhaité garder l’anonymat.