L’opération Wuambushu n’en est qu’à ses balbutiements mais la tension est déjà montée d’un cran à Mayotte. Les actes de violences se multiplient. L’histoire de Zahara* a ému toute l’île ces derniers jours. Sa maison a été vandalisée alors qu’elle se trouvait à l’intérieur. Ces faits d’une rare violence l’ont traumatisée. Elle revient pour nous sur ce moment, où elle a cru que tout allait basculer.
Il est midi, ce dimanche 23 avril à Kwalé, dans le village de Tsoundzou 1, lorsque Zahara entend du bruit à l’extérieur de chez elle. « Les jeunes ont été repoussés par les CRS. Puis ils sont revenus et ils se sont rendu compte qu’on avait une caméra qui donnait sur la rue. Et ils ont commencé à caillasser la maison », raconte-t-elle. Son domicile se trouve au bout du quartier, il est le plus exposé. Les délinquants s’acharnent et cassent toutes les vitres de la maison. « On ne pouvait pas les raisonner ! », lance-t-elle. Ils demandent à avoir la caméra de surveillance mais Zahara leur répond qu’ils ne peuvent pas la débrancher. « Cette histoire de caméra n’était qu’un prétexte car après ils nous ont dit que comme nous étions Mahorais, ils allaient nous violer, nous tuer, et brûler notre maison », relate-t-elle d’une voix tremblante.
« J’ai eu très peur. C’était les 30 minutes les plus longues de ma vie », ajoute-t-elle. Les voisins tentent de leur porter secours, en vain. Zahara appelle alors la police qui réagit rapidement. « Dans tout le calvaire qu’on a vécu, je remercie l’intervention des forces de l’ordre car lorsqu’on les a appelés, ils ont fait au plus vite. J’ai eu quelqu’un de formidable au téléphone qui m’a rassurée tout le long », se souvient-elle. Elle a porté plainte mais reste très marquée par cet évènement. Toute la famille a donc décidé de quitter la maison quelques jours, car elle ne se sent plus en sécurité. Selon la jeune femme, « Kwalé est devenu une zone de non droit. Et ça va devenir ingérable et très dangereux. »
Après le traumatisme, la colère
Depuis l’annonce de l’opération Wuambushu, chacun y va de son avis et les spéculations vont bon train. Une situation que Zahara ne supporte plus. « Je ne peux plus entendre le mépris et la condescendance des gens en métropole qui ne savent rien de ce qu’on vit ici. J’avais en face de mois des meurtriers qui voulaient nous tuer, c’est clair et net », poursuit-elle. Elle ne dit pas être en faveur ou contre l’opération, mais elle ne souhaite qu’une chose, c’est d’éradiquer la violence sur l’île. « Les forces de l’ordre doivent se concentrer sur ces délinquants et les mettre en prison. Il faut arrêter de donner des peines à la légère comme des travaux d’intérêt général » indique-t-elle, faisant référence au jeune qui a proféré des menaces de mort sur les réseaux sociaux et a obtenu 280 heures de travaux d’intérêt général. « On dit que ce sont des mineurs, mais pour moi ce sont des criminels, ils n’ont aucune empathie. Ils sont en dehors de la réalité. Ils sont conscients de nuire, conscients de ce qu’ils font. Et ils doivent avoir des peines à la hauteur de leurs actes ! » insiste-t-elle.
Aujourd’hui, Zahara se dit fatiguée de tout. « Je suis épuisée psychologiquement. Pas seulement à cause de ce qu’on a vécu, ça a été la goutte de trop, mais c’est aussi à cause des cambriolages qu’on subit tous les jours à Kwalé. Je suis aussi fatiguée d’être tout le temps sur mes gardes quand je sors et quand je suis chez moi. Ce qui m’est arrivé peut arriver à n’importe qui. Jusqu’à quand va-t-on vivre cette vie ? » Elle avoue ne se sentir en sécurité nulle part, et espère que toutes les forces de l’ordre mobilisées dans le cadre de l’opération Wuambushu pourront arrêter les bandes qui terrorisent l’île. Cependant, elle s’interroge déjà sur le futur. « Je me demande ce qu’on va devenir quand tous ces policiers et gendarmes partiront… » Une question déjà soulevée par de nombreux Mahorais.
* Le prénom a été modifié