Plusieurs syndicats mahorais étaient réunis, ce jeudi matin, pour évoquer le double projet de loi Mayotte promis par le gouvernement. Outre l’élaboration d’un texte commun qui devrait être remis au conseil départemental, ils ont réfléchi à la meilleure manière de peser dans des discussions dont ils ont l’impression d’être « les oubliés ».
« C’est notre vie qui se joue ici », alarme Haoussi Boinahedja. Le secrétaire départemental de la CGT-Mayotte n’y va pas par quatre chemins, il sait à quel point un projet de loi spécifique à Mayotte est rare. Et qu’il y a un enjeu particulièrement important dans le nouveau texte en préparation avec une convergence sociale tant de fois promise. Enfin, « l’alignement des droits », rappelle Rivo Rakotondravelo, secrétaire du syndicat enseignant SNUI-FSU, qui ne veut plus entendre parler « de convergence, un mot vendu aux élus. Nous, on veut cet alignement ». Avec Saïd Saïd Hachim (CFDT), les trois syndicalistes rappellent ce qui sépare encore Mayotte de la métropole ou des autres départements ultramarins. Smic plus bas (1.767 euros bruts en métropole, 1.335 euros bruts à Mayotte au 1er janvier 2024), écart conséquent des retraites, code du travail qui diffère encore sur certains points. « En 2022, les cotisations liées aux retraites ont représenté près de 108 millions d’euros. La Caisse de sécurité sociale de Mayotte a versé moins de neuf millions d’euros aux retraités, le reste a été envoyé en métropole », cite en exemple le secrétaire de la CGT-Ma.
Souhaitant mettre fin à « une injustice inqualifiable », celui qui représente la CFDT a un mot pour le fonctionnaire poignardé lundi matin à Oungoujou alors « qu’il est à quelques jours de la retraite ». Il annonce qu’à l’issue de la réunion, un texte commun sera élaboré. Orné des logos des syndicats présents, ce dernier a vocation à être transmis aux élus du conseil départemental de Mayotte, tout comme un communiqué de la CGT avait été transmis juste avant la première rencontre entre élus et président de la République à l’Élysée, le vendredi 17 juin.
Un « soutenables » qui ne passe pas
Si les organisations syndicales paraissent inquiètes, c’est aussi en raison du manque de dialogue dont le gouvernement fait preuve avec elles. Dans le document transmis aux élus, le samedi 18 mai, la ministre déléguée aux Outremer avait indiqué qu’une mission interministérielle a débuté en avril, mais les syndicats mahorais n’ont pas été sollicités. En outre, Marie Guévenoux avait souligné qu’il y aurait des propositions sur des scenarii de trajectoire de convergence « qui sont soutenables pour les acteurs économiques ». Une formule qui n’a pas échappé aux syndicalistes qui estime que le gouvernement a déjà choisi son camp et écoute davantage le patronat (qui s’inquiète de payer des nouvelles charges alors que le tissu économique mahorais enchaîne les crises, voir par ailleurs). Il y a bien eu des rencontres avec la ministre par deux fois, mais les échanges ont été limités, regrettent les syndicats. Et alors que les discussions se font actuellement dans les ministères, ils voient bien qu’ils n’ont pas voix au chapitre. « On lui a dit que « si la loi ne correspond pas à ce que nous souhaitions, on la combattra ». Elle n’avait pas aimé », rappelle Haoussi Boinahejda.
Devant l’impossibilité d’agir à Paris, les syndicats comptent donc s’organiser ici et ont déjà commencé à évoquer leur mode opératoire. Outre cette réunion qui « doit permettre à tout le monde d’avoir le même niveau d’information », le mot d’ordre est de communiquer dans chaque entreprise sur l’importance de rester attentif aux mesures de la future loi Mayotte. Des capsules-vidéo devraient voir le jour sur les réseaux sociaux pour expliquer les enjeux. Au sujet du nouveau document fait en commun, l’une des participantes veut insister auprès des élus lorsqu’il sera remis : « si on n’a pas ça, il faut leur dire que ce n’est pas la peine de revenir ». Sachant que le conseil départemental de Mayotte sera amené à se prononcer au mois de juin, Haoussi Boinahedja laisse entendre qu’ils sont « prêts à bloquer la délibération » s’ils n’obtiennent pas satisfaction. Car la confiance reste fragile, mais si les syndicats estiment que c’est bien le rôle des élus d’aller porter leur voix à Paris. Selon le cégétiste, chacun pourrait ainsi trouver son compte dans la loi qui sera présentée.
« Si les élus obtiennent l’évolution institutionnelle qu’ils demandent, si les collectifs ont des gages sur la sécurité, les fins du droit du sol et du titre de séjour territorialisé, on pourrait se retrouver avec plein de béni-oui-oui », avertit celui qui ne veut pas que les syndicats se retrouvent isolés au cours des prochaines semaines qui s’annoncent décisives.
Rédacteur en chef de Flash Infos depuis 2022. Passionné de politique, sport et par l'actualité mahoraise, ainsi que champion de saleg en 2024. Passé un long moment par l'ouest de la France, avant d'atterrir dans l'océan Indien au début de l'année 2022. Vous me trouverez davantage à la plage quand je ne suis pas à la rédaction.