Assises à l’ombre ou sous un soleil de plomb, les femmes des collectifs mahorais font « le pied de grue » devant la préfecture de Mamoudzou. Elles souhaitent obtenir des autorités françaises une révision du visa territorialisé qui empêche les étrangers en situation régulière à Mayotte de s’expatrier en métropole ou dans les autres départements ultramarins.
Est-ce un dialogue de sourds ou un jeu de dupes qui s’est installé entre les membres du collectif pour la défense des intérêts de Mayotte et l’autorité préfectorale* ? Dans la foulée du lancement de l’opération Wuambushu sur l’île (et le bras de fer engagé à ce moment-là par Paris pour contraindre Moroni à reprendre ses ressortissants expulsés vers le port de Mutsamudu sur l’île d’Anjouan), les responsables des associations concernées avaient choisi de donner différentes formes à leurs revendications à travers des opérations coup de poing. Le blocage du dispensaire de Jacaranda, les restrictions à l’entrée des hôpitaux de Mamoudzou et Pamandzi en ont fait partie. Une autre image perdure depuis, « le pied de grue » devant les deux entrées de site de la préfecture de Mamoudzou. Celle-ci se fait dans la quasi-indifférence des autorités concernées depuis un mois maintenant.
Chaque jour, une poignée de femmes, âgées et moins âgées, bien décidées à se faire entendre prend place sur des nattes à même le trottoir, devant l’accès du bureau des étrangers, à l’ombre ou sous le soleil. Pour l’accès côté place Mariage, leur siège est délimité par des barrières métalliques de sécurité de part et d’autre du passage vers l’entrée du site. Pour le côté entrée officielle de la préfecture, elles sont assises à même le sol sur le parking réservé aux visiteurs, sous un soleil de plomb. L’endroit est richement décoré du drapeau tricolore, des effigies des leaders du combat pour « Mayotte française ».
À quand une issue acceptable ?
Entamer le dialogue avec elles relève de la haute diplomatie. « Il n’y a rien à dire, nous ne sommes que des exécutantes, si vous voulez des déclarations allez voir nos responsables là-haut (N.D.L.R. comprendre le portail d’entrée de la préfecture) », lance l’une des manifestantes. Cette réplique est destinée au représentant des médias locaux aisément qualifiés de « pitsi », diminutif du terme ampitsikil qui désigne en shimaoré ou en kibushi les « espions » et les « collabos ». « Circulez, il n’y a rien à dire. Nous ne bougerons pas d’ici sans avoir obtenu gain de cause sur notre principale revendication », finissent-elles par dire. Celle-ci porte sur la modification du visa accordé aux étrangers résidant légaux à Mayotte, principalement comoriens, sous la forme d’une carte de séjour territorialisée. Valable que sur le seul périmètre du département de Mayotte, elle ne permet pas, en l’état, à ses détenteurs de se rendre en métropole ou dans les autres départements ultramarins.
Dans une banalité absolue, certains passants les saluent amicalement, leur demandent des nouvelles des membres de leurs familles restées dans leurs foyers familiaux. « Il faut que le gouvernement comprenne notre détermination. Nous n’avons rien contre personne en particulier, mais nous sommes lassées de nous faire agresser par des bandes de voyous étrangers qui nous rendent la vie impossible sur notre propre territoire », lance une dame d’une soixantaine d’années originaire du sud de l’île. Dans ses explications, rien de nouveau, si ce n’est le discours désormais bien rodé de ceux qui rejettent sur les étrangers, principalement comoriens, tous les maux de la société mahoraise.
De temps à autre, des rondes d’agents de police nationale en uniforme s’assurent que rien ne puisse perturber le bon fonctionnement de la préfecture de Mamoudzou. Combien de temps encore va perdurer cette situation ? Nul ne le sait et surtout pas ces femmes décidées à prolonger leur action tant qu’elles n’auront pas obtenu gain de cause.
*La préfecture de Mayotte n’a pas répondu à nos sollicitations.