La commission des droits de l’homme exprime « ses graves préoccupations »

Dans une lettre adressée à Gérald Darmanin, Jean-Marie Burguburu a demandé que le ministre de l’Intérieur et de l’Outre-mer « renonce à la mise en œuvre » de l’opération Wuambushu. Initialement prévue en avril (voir encadré), celle-ci a pour objectif la destruction d’un millier de cases en tôle à Mayotte et l’expulsion de milliers de personnes en situation irrégulière dans une période de trois mois.

Les grandes manœuvres prévues par le ministère de l’Intérieur et de l’Outre-mer ne manquent pas de faire réagir en métropole. Doublement des effectifs des forces de l’ordre, campagnes de destruction d’habitat illégal, réquisitions des gymnases, expulsions de milliers de personnes en situation irrégulière, les méthodes annoncées n’ont pas échappé à la commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH). Son président, Jean-Marie Burguburu, a écrit une lettre à Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur et de l’Outre-mer, le 17 mars. « La CNCDH tient à vous exprimer en urgence ses graves préoccupations sur les risques d’un tel projet, à double titre : l’aggravation des fractures et des tensions sociales dans un contexte déjà très fragilisé, d’une part, et l’atteinte au respect des droits fondamentaux des personnes étrangères dans le cadre d’expulsions massives, d’autre part », alerte l’avocat parisien. Celui qui a été nommé à la CNCDH par le Premier ministre Édouard Philippe en 2020 relèvent deux tensions particulièrement importantes pour expliquer ses inquiétudes. Il pointe « un secteur social à la peine, doublé d’une crise de l’eau et de la vie chère, mais aussi l’épuisement des populations à la suite d’une campagne de démolitions réalisée dans le cadre de la loi Elan ». Il rappelle qu’en marge des opérations de décasage, il y a souvent des déchainements de violence. Il y voit « un risque d’un embrasement inter voire intracommunautaire non maîtrisable par des forces de l’ordre ».

« Les nombreuses expulsions n’ont réglé aucun problème »

Institution nationale française, la Commission nationale consultative des droits de l’homme se veut critique de la politique migratoire à Mayotte. « Les nombreuses expulsions pratiquées jusqu’à maintenant (N.D.L.R. environ 20.000 par an), en hausse d’ailleurs depuis le début de l’année, n’ont réglé aucun problème : depuis plus dix ans un très grand nombre de personnes expulsées reviennent sur l’île au péril de leur vie », poursuit son président. Il craint des possibles écarts faits au droit en procédant à des mesures d’expulsions massives. « L’article 4 du protocole numéro 4 de la Convention européenne, qui interdit les expulsions collectives des étrangers, exige d’après la Cour européenne des droits de l’homme que les mesures d’expulsions soient prises à l’issue et sur la base d’un examen raisonnable et objectif de la situation particulière de chacun des étrangers concernés », rappelle-t-il. Cet avertissement sur le cadre légal, il le complète en évoquant l’obligation faite par la loi Elan de proposer des solutions d’hébergement aux personnes en situation régulière. « La majeure partie des personnes et des familles ne bénéficieront pas de relogement », fait-il remarquer.

Pour conclure sa lettre, il mentionne un avis de 2017 sur les politiques migratoires dans les Outre-mer. « La CNCDH reconnaît que la réponse à apporter n’est pas simplement juridique mais bel et bien politique. Elle appelle à un changement radical des politiques migratoires et encourage le gouvernement à promouvoir une nouvelle dynamique prenant en compte le contexte d’exception, mais dans une logique d’accompagnement des mouvements et non de coercition. »

L’opération annulée ou reportée ?

C’est la question qu’on peut se poser au regard de l’actualité en Hexagone. Notre confrère des Nouvelles de Mayotte a annoncé, ce lundi, que l’opération Wuambushu n’aurait sans doute pas lieu. Selon nos informations, les gendarmes préparent toujours l’opération qui doit débuter dans moins d’un mois maintenant. Mais les manifestations contre la réforme des retraites en métropole mobilisent fréquemment les escadrons de gendarmes mobiles amenés normalement à soutenir les quatre escadrons déjà présents sur l’île (300 hommes et femmes environ). Ce qui pourrait induire une annulation ou tout du moins un report de l’opération qui est en préparation depuis six mois maintenant.

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