Alors que depuis plus d’un mois, des réfugiés et demandeurs d’asile dorment à même le sol aux abords du stade de Cavani, des riverains ont décidé de bloquer le bureau des étrangers de la préfecture, à Mamoudzou, depuis 4h ce lundi. Ils réclament l’évacuation de la rue qui longe le stade, accompagnés par le collectif des habitants de Cavani et celui des citoyens de Mayotte 2018.
“J’attends ici depuis 6h, je ne sais pas ce qu’il se passe.” Aïda*, comme les dizaines de personnes présentes vers 10h30, ne peut pas honorer son rendez-vous au bureau des étrangers de la préfecture, à Mamoudzou, ce lundi. Depuis 4h du matin, une petite vingtaine d’habitants de Cavani bloquent l’entrée avec des barrières, coiffées de toiles portant leurs revendications, non sans rappeler le début des barrages fin janvier, lancés entre autres par le blocage de cette entrée par le collectif des citoyens de Mayotte 2018. “On veut l’évacuation des abords du stade de Cavani. La population est excédée, on n’en peut plus.” Toana Abdallah.
Depuis le 22 mars et la fin du démantèlement du camp de réfugiés et de demandeurs d’asile venus de la région des Grands Lacs, qui s’était implanté dans l’enceinte du stade de Cavani, environ 300 personnes sont sans solution dans la rue aux abords de l’infrastructure. Si la préfecture a réussi à en reloger en urgence 110 la semaine dernière, cela ne satisfait pas les riverains. “On sait que dans trois mois, ils vont devoir quitter ces logements et reviendront. Et puis on en voit d’autres arriver, c’est un cercle vicieux”, constate Toana Abdallah. Safina Soula, présidente du collectif citoyen de Mayotte 2018, qui accompagne celui des habitants de Cavani pour cette action, souhaite que l’Etat trouve une solution pour évacuer le camp dans les plus brefs délais. Le blocage est donc pour une durée illimitée, tant que des discussions concrètes ne seront pas entamées avec la préfecture pour trouver une solution.
Toana Abdallah affirme que ce ne sont pas les migrants qui sont visés directement par les collectifs, mais bien l’Etat, qui doit prendre ses responsabilités selon elle. “On ne peut plus voir ces gens dans cette situation misérable. Puisqu’on ne peut pas les accueillir dans de bonnes conditions, il ne faut plus les accueillir”, affirme celle qui pense qu’ils devraient être envoyés dans l’Hexagone ou bien avoir la possibilité de faire leur demande d’asile depuis leur pays d’origine. “Il n’y a déjà pas assez d’hébergement pour nous”, surenchérit André Perse, un autre habitant présent devant la préfecture. “On va attendre les lois prévues pour Mayotte sur l’immigration, on comprend qu’il y a un calendrier. Mais on veut le nettoyage immédiat de la rue où se trouve le camp”, ajoute-t-il.
La crainte d’un foyer de choléra
Avec le développement des cas de choléra sur l’île, les riverains craignent qu’un foyer ne se développe dans le quartier, où les conditions d’hygiène sont très rudes pour les immigrés qui dorment à même le sol, avec un accès presque inexistant à l’eau potable. Sur ce point, Safina Soula et d’autres membres des collectifs espèrent pouvoir s’entretenir avec le ministre de la Santé, Frédéric Valletoux, lors de sa visite à Mayotte ces jeudi et vendredi.
Plus que les migrants de Cavani, c’est l’immigration dans son ensemble qui est au cœur des dénonciations des collectifs. “Tant qu’on bloque, il n’y a pas de nouveau titre de séjour émis. Car tant que la loi abrogeant le titre de séjour territorialisé ne sera pas passée, des personnes vont continuer à être régularisées, et parfois frauduleusement”, estime Safina Soula. Cette action s’inscrit dans la stratégie qu’avait annoncée les Forces vives à la fin des barrages, au début du mois de mars : le mouvement continue, sous une autre forme. Pour l’instant, il n’y a pas d’autre blocage de prévu. Vers 11h, un des membres du personnel de la préfecture prend le micro à l’adresse de celles et ceux qui attendent depuis tôt ce matin de pouvoir entrer au bureau des étrangers : “On ne pourra pas vous recevoir aujourd’hui. Ceux qui avaient rendez-vous seront re-convoqués.” La rue se vide alors, sous le regard des manifestants, qui comptent bien rester là.
*Le nom a été changé.
Journaliste à Mayotte depuis septembre 2023. Passionnée par les sujets environnementaux et sociétaux. Aime autant raconter Mayotte par écrit et que par vidéo. Quand je ne suis pas en train d’écrire ou de filmer la nature, vous me trouverez dedans.