Présentée sur la forme d’un amendement lors des débats sur la loi immigration, la fin du séjour territorialisé n’a pas été adoptée par le Sénat, vendredi après-midi. Le gouvernement, par la voix de Gérald Darmanin, s’y est montré défavorable.
Alors que son adoption devrait intervenir ce mardi, la loi Immigration et intégration se voulait à la fois plus dure vis-à-vis de la législation actuelle et dégager une certaine souplesse, comme pour la régularisation de sans-papiers exerçant un métier en tension par exemple. Dans les faits, le Sénat dominé par Les Républicains (133 sièges sur 344) s’est plutôt intéressé à la première partie. Ainsi, dans la semaine, le vote de la fin de l’aide médicale d’État (non appliquée à Mayotte) et son remplacement par une aide médicale d’urgence a fait parler d’elle. 3.500 médecins ont déjà annoncé qu’ils ne respecteraient pas la nouvelle disposition si elle se retrouve dans le texte final (les débats doivent se poursuivre ensuite à l’Assemblée nationale). Concernant l’obligation de quitter le territoire français (OQTF), plusieurs dispositions doivent faciliter son application. Avec la nouvelle loi, elle pourrait être décidée par exemple dès lors qu’une demande d’asile est refusée. Les passeurs et les marchands de sommeil seront également punis plus sévèrement avec des quantums de peines réhaussés.
Mais il y avait plusieurs sujets qui concernaient plus directement Mayotte, notamment la fin du séjour territorialisé et l’impossibilité pour les mineurs étrangers sur le territoire mahorais d’être admis ailleurs, les deux étant concernés par l’article 26. Et ça ne devrait pas changer tout de suite. Conformément à ce que souhaite le gouvernement. « Nous pensons, nous, que ce serait pire pour Mayotte. Nous pensons que la circulation de ces personnes ferait naître encore plus départs sans doute des Comores, d’Afrique des Grands lacs ou Madagascar vers le territoire mahorais », a répondu Gérald Darmanin, vendredi après-midi, au Sénat se réfugiant derrière la peur de « l’appel d’air ». « Le jour où on aura les moyens de tarir les flux de Malgaches, Comoriens et Africains des Grands lacs vers Mayotte, alors bien sûr, il faudra mettre fin au visa Balladur », ajoute le ministre de l’Intérieur et des Outremer.
Rappelant que l’immigration pèse beaucoup sur les services publics de l’île, le sénateur mahorais Saïd Omar Oili a lancé « un cri du cœur » à ses nouveaux collègues. « Si les gens qui ont une carte de séjour restent, vous imaginez la difficulté que nous avons aujourd’hui avec un taux de croissance démographique de 4%, avec environ 2.500 habitants/m2. Ça devient insupportable », dénonce le sénateur mahorais, avant que l’amendement ne soit finalement rejeté.
Chasse aux reconnaissances frauduleuses de paternité
Quelques jours auparavant, le Sénat a acté aussi un durcissement des sanctions en cas de reconnaissance frauduleuse de paternité. L’amende peut désormais aller jusqu’à 75.000 euros. Un amendement du sénateur Thani Mohamed Soilihi, finalement adopté, concerne le même sujet. Il modifie les règles à respecter par les pères. Ces derniers devront justifier la prise en charge de leur enfant pendant ses trois premières années de sa vie, et non deux comme il était de rigueur.
Deux autres modifications du texte de loi déposées par le sénateur de Sada ont été rejetées. Il y avait celle qui incitait à une meilleure campagne d’information auprès des candidats à l’immigration, mais surtout une autre qui devait permettre de dresser le bilan de la loi de 2018. A l’époque, le sénateur avait déposé un amendement limitant le droit du sol à Mayotte à ceux ayant au moins un parent en situation régulière sur le territoire depuis moins de trois mois.
« A l’heure où des voix s’élèvent pour durcir ce dispositif, il est impératif d’en connaître au préalable l’efficacité cinq années plus tard », a demandé en vain Thani Mohamed Soilihi.