Droit du sol : les sénateurs favorables à la proposition de Lecornu pour allonger la durée de présence régulière sur le territoire

Dans un rapport attendu après une visite de trois jours en septembre, la mission d’information “Sécurité à Mayotte” a présenté mercredi un rapport avec 16 propositions pour “conjurer le sentiment d’abandon des Mahorais”. Plusieurs mesures déjà évoquées par le passé, comme la prolongation de l’amendement Thani, ou le centre éducatif fermé sont sur la table. Elles ont ainsi de bonnes chances de figurer dans le projet de loi Mayotte, qui doit être présenté en conseil des ministres en janvier.

C’est une idée qui commence décidément à faire son trou. Après un séjour express à Mayotte en septembre, les sénateurs de la Commission des lois ont proposé dans un rapport d’augmenter d’un cran supplémentaire la limitation du droit du sol à Mayotte. Une durée rallongée “permettrait de mieux encadrer le phénomène des allers et retours, souvent risqués, de certaines femmes comoriennes vers Mayotte afin de pouvoir faire bénéficier leur enfant de l’octroi de la nationalité française”, juge le Sénat.

Alors que la loi Asile et Immigration avait déjà imposé la présence régulière d’un au moins des parents pendant trois mois ininterrompus à la date de la naissance, la mission sénatoriale souhaite ainsi porter cette obligation à un an, comme l’avait déjà proposé le ministre des Outre-mer Sébastien Lecornu lors de sa visite fin août. Il s’agit ici de renouer avec “l’esprit de la loi”. La première limitation n’a pas suffi à dissuader les mères de faire naître leurs enfants à Mayotte, selon le rapport. La commission évoque même une hausse de 30% des arrivées de kwassas entre septembre 2019 et août 2020, d’après les données fournies par la préfecture.

16 propositions plus ou moins novatrices

Mais ce n’est pas la seule proposition que formulent les sénateurs François-Noël Buffet, Thani Mohamed Soilihi, Stéphane Le Rudulier et Alain Marc, à la suite de leur visite de trois jours sur l’île aux parfums. En tout, ce sont 16 propositions qui sont exposées dans ce rapport d’une soixantaine de pages censé adresser la “situation sécuritaire spécifique et particulièrement préoccupante” de Mayotte. Des idées qui doivent “nourrir la réflexion autour d’un futur projet de loi dit “Mayotte”.

Parmi ces suggestions, nombreuses sont connues, et parfois même déjà lancées, comme l’amélioration de la prise en charge des mineurs par le Département, ou encore l’approfondissement de la coopération diplomatique avec l’Union des Comores – l’accord-cadre a été signé en juillet 2019. Les sénateurs proposent à ce sujet d’envisager un meilleur ciblage de l’aide au développement sur l’île d’Anjouan. Autre mesure, déjà partiellement mise en place : l’idée d’accompagner les communes dans l’équipement de vidéosurveillance et l’éclairage public. Le ministre des Outre-mer avait pour sa part déjà annoncé une enveloppe d’un million d’euros chaque année dans ce même but.

Vers une meilleure justice

L’apport novateur de ce rapport concerne davantage la justice, dont les rapporteurs ont constaté sur le terrain le manque de moyens, alors que la délinquance est en hausse constante depuis 2008 (le nombre annuel de coups et blessures volontaires sur personne de 15 ans ou plus a crû de 153,5%, selon le rapport). Face à cette violence chronique, les juges n’ont pas chômé et les condamnations ont augmenté, de 15,7% entre le premier semestre 2019 et le premier semestre 2021. Mais cela ne suffit pas, et “en amont du prononcé de la peine, les moyens dont dispose la juridiction doivent être accrus sur le plan humain, par le renforcement des équipes du parquet et la création de cabinets de juge des enfants et de juge d’instruction supplémentaires, comme sur le plan matériel, par la relocalisation du tribunal judiciaire en centre-ville de Mamoudzou, dans un bâtiment conçu pour les besoins d’une juridiction”. Les parlementaires évoquent aussi l’idée de créer une cour d’appel de plein exercice, ou encore un centre éducatif fermé, demandes maintes fois formulées par le passé. Plus inédit, la création d’un centre de détention au sud de Grande Terre et la transformation de la prison de Majicavo en maison d’arrêt.

Sur le plan sécuritaire, la délégation propose aussi quelques nouveautés comme la création d’un PSIG (pelotons de surveillance et d’intervention de la gendarmerie) au sud de la Grande Terre. Dans les tuyaux également, un état des lieux des moyens faisant encore défaut aux forces de l’ordre. Une proposition qui recouvre notamment la possibilité de créer un deuxième commissariat à Koungou, elle aussi très attendue par une partie de la population. Autant de mesures nouvelles qui doivent encore se frayer un chemin jusqu’au projet de loi, avant de, peut-être, porter leurs fruits d’ici quelques années… Comme le souligne François-Noël Buffet, « la réponse des pouvoirs publics à l’insécurité à Mayotte doit être à la hauteur de la dégradation de la situation, liée à une délinquance très violente essentiellement juvénile. Elle doit se traduire par des renforcements des moyens à court terme, mais aussi par une vision à long terme, qui fait encore défaut ».

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