Neuf recours en annulation étaient inscrits, ce vendredi, sur le rôle du tribunal administratif de Mamoudzou, avec au final, sept dossiers effectifs demandant l’annulation d’un arrêté préfectoral de décasage à Hamouro, dans la commune de Bandrélé. Pas moins de cinq avocats ont défendu les habitants, même si la plupart étaient absents du territoire au moment de l’audience. Ils ont été représentés par une de leur collègue du barreau de Mayotte. Pour les sept affaires, le tribunal rendra sa décision le vendredi 21 juillet.
C’est un dossier fleuve qui a été soumis à l’arbitrage du tribunal administratif de Mayotte, ce vendredi, par une myriade d’avocats (maîtres Marjane Ghaem, Iseult Arnal, Jean-Marie Biju-Duval, Fanny Sarasqueta et Camille Magdelaine). Le litige porte sur un décasage que le préfet de l’île a programmée dans le village de Hamouro (secteur B), commune de Bandrélé. À l’origine de cette histoire, un arrêté préfectoral en date du 12 mai 2023 notifiant à cette dizaine de familles que leurs logements respectifs allaient être détruits dans le cadre de l’opération Wuambushu qui se poursuit dans le département.
Sauf que les plaignants reprochent à l’État d’avoir engagé cette opération en violation de la loi Élan (évolution du logement, de l’aménagement et du numérique) qu’il applique dans cette procédure. Sur les sept familles requérantes ayant maintenu leurs requêtes contre l’arrêté du préfet, quatre n’ont bénéficié d’aucune proposition de relogement à la date de sa publication. En pareilles circonstances « la loi impose que la préfecture propose un relogement aux personnes dont les habitations sont à détruire », a rappelé maître Mélanie Trouvé, lors de l’audience qui s’est déroulée en visioconférence, puisque le juge est à La Réunion. Pour les trois autres familles, la défense a argumenté sur le fait que les propositions qui leurs avaient été faites à Tsararano étaient tellement imprécises qu’ils ne savaient pas s’ils allaient pouvoir amener leurs enfants mineurs et leurs meubles. « Certains sont dans des situations d’handicap et veulent savoir si les logements sont accessibles, des précisions que ne seront jamais apportées par la préfecture », a martelé à plusieurs reprises l’avocate.
Des enquêtes compliquées
De son côté, les services de la préfecture ont tenté d’expliquer pourquoi des propositions de relogement n’ont pas pu être faites. Pour les uns, leurs maisons ne font partie de Hamouro secteur B délimité pour cette première opération de décasage, pour d’autres, les enquêtes sociales conduites par l’association Mlézi Maoré ont fait apparaître des grandes réserves quant à la composition réelle des familles déclarées, notamment le nombre d’enfants. Enfin, ils ont précisé que le préfet de Mayotte a toujours fait évoluer ses propositions de relogement au regard de la connaissance de ces familles ou que seules les personnes ne pouvant réunir les conditions justifiant d’un relogement ont vu leurs demandes déboutées.
Ces deux dernières précisions ont appelé une vive réaction de l’avocate des requérants. Selon elle, la loi Élan ne fait aucune distinction des personnes se trouvant sur le terrain à décaser dans l’attente d’une stabilisation de leur situation. Elle a argumenté sur le fait que le devoir de la préfecture est de faire des enquêtes sociales pour savoir qui est présent sur le terrain, la composition de sa famille et ensuite de faire des propositions de logement adapté. « C’est la seule obligation légale du préfet, mais elle ne fait pas de distinction entre les situations des personnes. De ce fait, le préfet doit proposer une solution de relogement à toutes ces personnes vivant sur ce terrain même si ce logement est uniquement provisoire », relève maître Trouvé, avant de poursuivre que la difficulté avec la préfecture de Mayotte, c’est qu’elle fait des propositions, mais qu’elle ne tient pas compte du nombre exact d’enfants mineurs ou majeurs de la famille.
« L’erreur est humaine », reconnaît l’avocat du préfet
La stratégie ici des défenseurs des requérants est de soulever systématiquement un manque de visibilité dans les propositions faites par l’administration préfectorale au motif que ce qui intéresse les requérants, c’est de savoir combien de temps durera la proposition. En effet, il ressort des débats lors de cette audience que ces derniers reprochent au délégué du gouvernement de publier un arrêté de destruction, de lister les personnes concernées, et ensuite, de mettre simplement une adresse sans donner aucune précision des caractéristiques du logement, ni le montant du loyer. Une manière de procéder de la part des services de l’État que maître Mélanie Trouvé demande à la juridiction de ne pas valider. Un flou artistique que l’avocat du préfet ne conteste pas entièrement, faisant avancer la complexité des procédures engagées et l’attention qu’elles requièrent, « l’erreur est humaine », a-t-il conclu. Il a tenu à préciser à l’adresse de sa consœur que dans ces opérations, le préfet respecte la loi Élan à la lettre, et fait parfois plus au profit des personnes concernées que ses obligations légales. Il n’a pas manqué de rejeter le principe d’un relogement de personnes en situation irrégulière afin de ne pas procéder ainsi à un appel d’air que les autorités ne pourront jamais satisfaire.
Les sept requérants demandent au tribunal administratif de Mamoudzou une suspension provisoire de l’arrêté préfectoral en date du 12 mai 2023, en attendant que les procédures soient entièrement reprises dans le respect de la loi Élan. L’ensemble des affaires ont été mises en délibéré, le juge donnera ses décisions le 21 juillet.