La fermeture depuis cinq mois du bureau des étrangers de la préfecture de Mayotte, à Mamoudzou, a des conséquences dramatiques sur le territoire pour les étrangers en attente de régularisation. Faute de papiers, certains ne sortent pas de chez eux de peur de se faire arrêter par la police aux frontières.
Le bureau des étrangers n’a pas rouvert ses portes au public depuis le 14 octobre 2024. Jusqu’au cyclone Chido, il a été bloqué par le collectif des citoyens de Mayotte 2018 pour protester contre l’immigration à la suite de l’agression à Koungou de plusieurs femmes dans un véhicule. Depuis l’événement climatique du samedi 14 décembre, il n’a pas rouvert. Face à cette situation, faute de pouvoir obtenir leurs papiers, des habitants demeurent en situation irrégulière sur le territoire alors qu’ils remplissent les conditions pour être régularisés.
Déborah* est dans ce cas de figure, elle a fui le Burundi en 2022 avec ses enfants jusqu’à Mayotte. Le 22 janvier 2024, la préfecture de Mayotte reconnaît dans un courrier son statut de réfugiée et lui accorde une carte de résident pour dix ans. Consulté par Flash Infos, il est aussi indiqué que « ce document est actuellement en cours de fabrication », mais un an et trois mois plus tard, la Burundaise l’attend toujours. Un retard lié à la fermeture du bureau des étrangers. Sans ce document, cette mère de famille est bloquée. « Je suis allée à la CAF (N.D.L.R. Caisse d’allocations familiales) pour recevoir des allocations pour mes enfants, mais on m’a demandé mon compte bancaire. Mais sans carte de résident, je ne peux pas avoir de compte bancaire. Je ne peux pas non plus avoir de travail. Sans ce papier, je ne peux rien faire », s’agace-t-elle.
Des expulsions avant le recours
Hugues Bourien est avocat en droit des étrangers au barreau de Mayotte, beaucoup de ses clients subissent la fermeture de l’administration. Arrivé à Mayotte en octobre 2023, il analyse celle-ci comme une atteinte aux droits. « Depuis mon arrivée à Mayotte, le bureau des étrangers a été ouvert un quart du temps », observe-t-il. « C’est véritablement problématique, parce qu’on expulse des personnes qui sont en situation irrégulière, mais on les empêche de pouvoir régulariser leur situation. Donc, c’est un peu le serpent qui se mord la queue », déplore ce juriste. Si la majorité des titres de séjours peuvent être renouvelés en ligne sur l’administration numérique pour les étrangers en France (Anef), ce n’est pas le cas de tous comme celui « vie privée et familiale » où il est nécessaire d’avoir un rendez-vous en préfecture.
Malgré l’impossibilité de se rendre à l’administration, les contrôles de la police aux frontières (PAF) continuent. Des personnes qui pourraient être régularisées peuvent être sujettes à un éloignement. « Certains de mes clients ont été expulsés avant que je fasse un recours au tribunal », témoigne Hugues Bourien. « Pourtant, tant que le juge n’a pas rendu sa décision, l’OQTF** ne peut pas être exécutée. Mais c’est arrivé qu’il y ait des erreurs et que la personne ait été éloignée parce que le bateau était prêt à partir par exemple », raconte l’avocat. Des situations qu’il juge « injustes et illégales ». Sollicitée, la préfecture de Mayotte n’a pas donné suite à notre demande d’interview.
*Le prénom a été modifié
**Obligation de quitter le territoire français
Journaliste à Mayotte Hebdo et à Flash Infos Mayotte depuis juin 2024. Société, éducation et politique sont mes sujets de prédilection. Le reste du temps, j’explore la magnifique nature de Mayotte.