Camp de Cavani : Les institutions sportives, victimes de l’ultime barrage

Le camp de migrants du stade de Cavani continue à cristalliser la colère du voisinage. Victimes collatérales de l’action du collectif de riverains, les institutions sportives de l’île situées dans le quartier sont bloquées et ne peuvent plus verser de bourses aux sportifs mahorais en formation dans l’Hexagone ou entretenir les équipements sportifs. Les manifestants n’en ont cure et veulent rester tant que l’entièreté du site n’est pas démantelée.

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La vice-présidente du Département en charge des sports, Zouhourya Mouayad Ben (au centre sur la photo), prévoit de rencontrer très prochainement le collectif des habitants de Cavani. Photo d’archives

Si les barrages routiers ont tous été levés sur l’ensemble de Mayotte et que les principales administrations locales ont réouvert, il n’en pas de même pour certains bâtiments publics. Aux alentours du stade de Cavani, les locaux de la ligue de football, du Cros (Comité régional olympique et sportif) et du service départemental de la jeunesse et des sports demeurent cadenassés par le collectif de riverains de Cavani depuis le 8 janvier. Point de départ du mouvement de colère qui a paralysé l’île durant cinq semaines, le quartier de Cavani reste un point sensible susceptible de replonger à nouveau le territoire dans une situation très compliquée. Les efforts déployés par les services de l’État pour démanteler le camp de migrants sont loin d’avoir convaincu les riverains du stade qui demande un retour à la normale très prochainement. Une poignée de femmes veillent au grain tous les jours et dénoncent une opération de communication de la part des autorités étatiques. Selon elles, des nouveaux migrants réoccuperaient le camp aussi vite qu’il ne se vide de ses premiers occupants.

Abdouroihamane Ahmed, un jeune du quartier explique le mode opératoire utilisé : « En fait, les migrants font preuve de plus d’intelligence que nos autorités. Au nez et à la barbe de tous, ceux qui ne sont pas encore évacués facilitent l’arrivée de leurs amis avec un ballet de valises et sacs qu’ils transportent dans le camp. De sorte que les nouveaux passent quasiment incognito le soir, sans effets aucuns, pour escalader les murs et s’introduire dans le périmètre de l’équipement sportif ». Le jeune de Cavani explique en outre que l’état actuel des murs de protection du stade sont un vrai gruyère pour qui cherche à se faufiler dans ce camp.

Des jeunes athlètes privés de bourses

Une petite discussion avec les représentants du collectif local éclaire rapidement quant à leur détermination à ne pas lever leur siège des bâtiments départementaux abritant la ligue de football de Mayotte, le Cros, de même que le service de la jeunesse et des sports. Ils conditionnent la libération des accès de ces bâtiments au « démantèlement réel et complet » du camp de migrants africains. Une intransigeance qui n’est pas sans conséquences sur le sport à Mayotte. « À cette allure, nous ne sommes pas près de récupérer nos locaux avant six à huit mois. Il faut se rendre à l’évidence, ce stade ne se videra jamais de sitôt tant que les autorités ne feront pas preuve de plus de fermeté à l’égard des migrants », dénonce Abdoul Hamid, un membre de la ligue de football de Mayotte.

De son côté, le département de Mayotte se défend de toute inertie. Par la voix de Zouhourya Mouayad Ben, la vice-présidente en charge de la jeunesse et des sports, le Département de Mayotte indique avoir pris le problème à sa juste mesure dès les premiers jours et avoir adressé immédiatement un courrier officiel à l’ex-préfet Thierry Suquet. Elle prévoit de rencontrer dans quelques jours une délégation du collectif des habitants de Cavani pour échanger sur l’évolution de ce dossier. L’élue déplore les conséquences de ce blocage pour le sport à Mayotte. « Nos services ne peuvent plus travailler au développement sportif, s’occuper des infrastructures ou de la formation. C’est un vrai désastre pour les sportifs de haut niveau qui suivent des formations dans centres en métropole. Le département les accompagne financièrement jusqu’à hauteur de 20.000 euros pour certains. Cette bourse leur est indispensable pour poursuivre leurs formations et nos services sont dans l’impossibilité de la leur verser. Bon nombre d’entre eux traversent des moments très difficiles en ce moment », regrette-elle.

La date limite du 10 mars

Une argumentation qui ne passe pas du côté du collectif. Selon Touma Abdallah, les responsables de la collectivité départementale sont en partie responsables de la complexité du problème que pose le camp des migrants dans le stade. Elle estime que c’est dès le début qu’il fallait prendre des mesures appropriées pour faire évacuer les premières occupations. « Nous avons été nombreux à les avertir de ce qui se passait ici. Ils ont fait mine de nous écouter et il y a même des élus qui se sont offert le luxe de propos déplacés à l’égard de notre mouvement, ce qui nous a décidé à bloquer l’accès des bâtiments dédiés aux entités sportives ici à Cavani. » Elle réitère la décision de son collectif de poursuivre le blocage de ces lieux jusqu’à l’évacuation du dernier migrant (voir par ailleurs). « Nous serons fixés d’ici peu puisque certains responsables se sont engagés à atteindre cet objectif au plus tard le dimanche 10 mars. C’est dans quelques jours, nous verrons bien qui dit vrai et qui nous ment. En fin de semaine dernière, nous avons bloqué au carrefour d’en face de nombreux migrants essayant de rejoindre le camp en pleine journée avec leurs effets personnels. Notre fermeté a payé puisque des policiers sont venus les embarquer pour une destination inconnue. »

En attendant la fin de la semaine, les projecteurs vont sans aucun doute continuer à être braqués sur le stade de Cavani et ses nombreux occupants.

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