Portes ouvertes : à l’école de la mode de Mayotte, le quartier et la région marchent sur le podium

Vendredi et samedi avaient lieu les premières portes ouvertes de l’École régionale des métiers de la mode, à M’Gombani. Un baptême de feu réussi pour la toute jeune formation portée par la Chambre des métiers et de l’artisanat de Mayotte et ses 11 étudiants.

“Mon oncle, c’est un businessman”, s’amuse Halilou en lançant des regards malicieux à droite et à gauche, pour faire marrer la galerie. Et ça marche : autour de lui, Estelle, Ahamed, et Heritiana pouffent un peu, et laissent le futur couturier faire son show. Ni une ni deux, le rigolo de la bande bombe le torse, se relève de sa chaise et s’avance vers le portant, pas peu fier d’exhiber les sacs qu’il a cousus depuis le début de sa formation à l’AFI, l’École régionale des métiers de la mode « Au fil des Îles ». Sur l’un d’eux, il tend alors le tissu, pour révéler un petit logo en bas à droite. “DTR 15. C’est le quartier, quoi. C’est mon quartier. Devant le Sodicash, en bas des escaliers”, balance-t-il avec un coup de tête en direction des hauts de M’Gombani. Une tâche en forme de tête de loup se distingue des lettres soigneusement floquées sur le bas du sac. “Ouais, c’est un loup. Parce qu’on est toujours en meute”, poursuit l’étudiant, sourire en coin.

Sorti de l’école depuis trois ans, à la fin du collège, le jeune de Mamoudzou s’est lancé en octobre dans cette formation de deux ans, tout juste inaugurée par la Chambre des métiers et de l’artisanat – le top départ de la formation, repoussé à cause de la crise sanitaire, a finalement eu lieu au mois d’octobre. Poussé par son oncle, Halilou a embarqué deux potes de M’Gombani avec lui, tous les trois sortis il y a quelques années du collège situé à deux pas de là. Et si l’étudiant entend aujourd’hui suivre la trace de son aîné, et “ouvrir son entreprise”, il compte bien en profiter pour faire honneur à ses racines. “On s’est motivé ensemble tous les trois, on s’est dit que c’était le moyen de se rattraper”, raconte-t-il. Pour se repentir ou rattraper le temps perdu ?

Valoriser le travail des étudiants

Quoi qu’il en soit, comme les 11 élèves de la première promotion de l’AFI, Halilou semble avoir trouvé sa place entre les mannequins et les machines à coudre répartis au sein de deux ateliers, à cet étage du nouveau quartier de M’Gombani. C’est là qu’étudiants et professeurs ont accueilli ce vendredi leurs premières portes ouvertes. L’occasion pour eux de montrer le fruit de leur travail à leurs proches… voire de vendre quelques pièces. “Pour l’instant, tout ce que nous faisions restait un peu entre nous, en ‘‘famille’’”, explique Jean-Baptiste Matondo, professeur d’atelier. “Là, cela leur a permis de valoriser leur travail, et ils étaient très contents d’avoir des retours sur leurs premiers vêtements”, se réjouit-il.

Des étudiants venus de Mayotte, Madagascar et l’Union des Comores

Autre objectif : faire connaître la structure. “L’idée était aussi de faire parler de l’école, et de montrer aux Mahorais, aux Malgaches, et aux Comoriens que la formation a ouvert, et qu’ils peuvent venir à tout moment”, déroule encore cet ancien chef de produit de la grande distribution, reconverti dans le costume de danse et dans l’enseignement depuis 2016. Une cible qui n’est d’ailleurs pas anodine. Financé en partie par l’Europe, via le programme européen transfrontalier Interreg V, le projet a une vocation régionale, et chaque promotion doit intégrer des étudiants issus des îles voisines. Seule condition : leur motivation. “Pour moi c’est une passion, je dois coudre presque depuis mon berceau ! Et je suis née dedans, dans ma famille aussi il y a des couturiers”, expose Estelle, jeune diplômée en droit originaire du nord de Madagascar qui souhaite aujourd’hui créer sa propre marque de vêtements.

Pour cette première fournée, quatre Malgaches et quatre Comoriens ont donc rejoint l’aventure. Leur visa étudiant en poche, ils bénéficient aussi d’un accompagnement adapté, et vivent dans une maison à quelques encablures. “Tout est gratuit, et nous payons aussi le logement, le transport”, explique Jean-Baptiste Matondo. D’où l’importance de faire émerger un modèle économique viable, pour permettre à la formation de perdurer et d’accueillir une nouvelle promotion dans deux ans. “C’est aussi pour cette raison que nous nous réjouissons qu’ils puissent déjà vendre quelques pièces aujourd’hui”, souligne-t-il. Une façon aussi de faire rayonner les cultures locales dans la région et dans le monde. À quand la Fashion Week ?

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