Dans la nuit de dimanche à lundi, les locaux de l’association Solidarité Mayotte ont été victimes d’un incendie, au cours d’affrontements dans le quartier. Ce lundi matin, de nombreuses personnes étaient présentes pour constater les dégâts.
Palettes carbonisées, matelas calcinés, vitres brisées, grilles de climatisation fondues… C’est le décor posé contre une des façades noircies de l’association Solidarité Mayotte, ce lundi matin. Dans la nuit de dimanche à lundi, une partie des locaux de l’association d’aide aux migrants, situés à Cavani Massimoni, Mamoudzou, a été incendiée. Des affrontements ont éclaté vers 21h, d’après des riverains, sortis de chez eux, ce lundi matin, à 8h, pour voir les décombres. Un homme qui habite en face des locaux de l’organisme a perdu le pare-brise de sa voiture dans l’affaire, victime de jets de pierres. « Quand on a dit aux jeunes d’arrêter, ils ont commencé à viser notre balcon », relate celui qui a vu un morceau de parpaing atterrir sur sa terrasse.
D’après une source policière, des jeunes de Cavani s’en seraient pris aux migrants qui ont l’habitude de rester rue Babous Salama, aux abords de l’association qui les accompagne dans leurs démarches administratives. « Sûrement car ils en avaient marre qu’ils soient là », nous indique cette source. Un son de cloche qui s’entend depuis plusieurs mois maintenant, et qui se répète ce lundi matin du côté des riverains. « Nous, on ne veut plus que cette association ait ses bureaux ici », insiste un habitant du quartier à proximité des affaires calcinées jonchant une des façades de l’association, ajoutant que cet incendie volontaire est le résultat d’un gouvernement délétère qui ne prend pas ses responsabilités quant au sort des migrants venus d’Afrique continentale sur le territoire mahorais. « En Afrique, ils savent tous qu’à Cavani il y a Solidarité Mayotte, qu’il faut aller là-bas. Tout le monde est dépassé. » Une enquête est en cours, confirme notre source policière*.
« On ne dort pas depuis trois jours »
Lors des protestations contre la présence de migrants dans l’enceinte du stade Cavani, qui avaient déclenché les barrages en début d’année, l’association a constamment été pointée du doigt, accusée de faciliter l’entrée des migrants sur le territoire. À plusieurs reprises, l’organisme s’est évertué à rappeler son rôle et son travail, qui consiste simplement à accompagner ces personnes au cours de leur demande d’asile. « Notre association n’a évidemment aucun lien avec des réseaux de passeurs ou avec des communautés dans les pays d’émigration », a déclaré plusieurs fois la structure sur ses réseaux sociaux, rappelant que le droit d’asile est un droit fondamental.
À quelques pas, Aimé, Bienvenu, Issa et Abdoul-Karim, tous les quatre arrivés il y a environ cinq mois de la République Démocratique du Congo, ne comprennent pas ce flot de haine à leur encontre. « On n’est pas des animaux. Ça nous fait mal. On ne dort pas depuis trois jours car on a peur de fermer l’œil », déplorent-ils. « On est plusieurs à avoir perdu des papiers dans l’incendie, ça paralyse nos procédures », regrette Bienvenu, qui a son statut de réfugié. « On savait que ce serait chaud après le ramadan. C’est toujours pareil, on ressent cette haine contre nous », ajoute Issa, fatigué.
Des démarches retardées par les flammes
À l’intérieur des locaux de Solidarité Mayotte, vers 8h30, c’est le branle-bas de combat. Entre deux appels avec l’assurance, le directeur de l’association, Sébastien Denjean, sur place depuis 6h30, prend quelques minutes pour nous décrire son désarroi. « On est en première ligne depuis le début. Pour nous, ça va aller, ce ne sont que des dégâts matériels, mais plusieurs personnes ont perdu des papiers dans l’incendie. Ça nous empêche de faire notre travail d’accès aux droits », explique-t-il, avant de confier craindre que d’autres représailles aient lieu. D’après lui, l’incendie a démarré vers 4h du matin, avant d’être maîtrisé vers 5h30*.
Lorsque nous ressortons des locaux, les services techniques de la Ville de Mamoudzou sont déjà arrivés pour déblayer les décombres carbonisés. « Ça fait quatre ans que je travaille pour Solidarité Mayotte, et je n’ai jamais vu ça”, confie une des salariées, choquée, face aux dégâts sur le point d’être nettoyés. Avant que la pelleteuse ne s’active, plusieurs individus s’empressent de ramasser ce qui peut être sauvé. Un homme repart, avec quelques marmites qui ont échappé aux flammes.
*La direction territoriale de la police nationale (DTPN) n’a pas répondu à nos sollicitations.