Après la mort d’un lycéen vendredi, des suites de ses blessures à la tête reçues à la sortie des cours, une cérémonie d’hommage est prévue à la cité du Nord de Mtsangadoua. Trois jeunes ont été interpellés et mis en examen pour assassinat.
Il est 17h passées, vendredi. Les derniers rayons du soleil éclairent d’une lumière froide la passerelle en bois du CHM, à quelques mètres du service réanimation. “Il est décédé. C’était à 16h46”, souffle le grand-père de Miki, en jetant un œil au certificat de décès qu’il tient fermement dans une main. “Il est né en octobre 2003, il n’avait pas encore 18 ans. C’est dur, c’était mon petit-fils, on n’imagine pas qu’il parte avant soi”, soupire celui qui est resté à ses côtés jusqu’à la fin. “J’ai dit à ses parents de rentrer, et moi je reste ici pour m’occuper des papiers.”
Il aura fallu un peu plus de 24h pour que le verdict tombe. La veille, aux alentours de 14h, le jeune Miki, élève de 17 ans au lycée du Nord à Mtsangadoua, est pris à partie par une bande de jeunes alors qu’il s’apprête à monter dans un bus scolaire. Frappé d’un coup de ciseau à la tête, le lycéen est transporté en hélicoptère jusqu’au CHM. Quelques heures plus tard, dans la nuit de jeudi à vendredi, il est annoncé en état de mort cérébrale.
La nouvelle ne tarde pas à circuler et la situation était “très tendue” à M’Tsamboro à la suite de cette attaque sanglante, explique Laïthidine Ben Saïd, le maire, proche de la famille qui habite sa commune. “Le coupable a été interpellé par la population hier soir (jeudi ndlr), et ils l’ont amené à la brigade de gendarmerie de M’Tsamboro, qui a été caillassée par des jeunes toute la nuit. Tout le village est sous tension”, racontait-il vendredi matin, en référence aux blocages érigés tôt le matin dans cette localité du nord.
Une enquête ouverte pour assassinat
Sur des conversations de groupe et sur les réseaux, des informations circulent au milieu des messages de soutien. L’action aurait été préméditée. “Écoutez, là, c’est des jeunes d’Handréma, ils disent clairement qu’ils ‘‘n’en ont rien à foutre’’ des gens de M’Tsamboro”, insiste le grand-père de Miki en lançant une note vocale reçue sur son téléphone. Avant de montrer la photo d’un jeune, un couteau à la main. “C’est lui qui a fait ça”, lâche-t-il, en assurant avoir transmis les pièces au procureur de la République. “On ne va pas laisser les choses passer. Je veux qu’une vraie justice soit faite, et pas retrouver les coupables dans deux ou trois mois dans la rue”, met en garde ce membre de la famille endeuillée.
De fait, une enquête a bien été confiée à un juge d’instruction dès ce samedi, pour assassinat. Trois personnes ont été interpellées, et mises en examen. Deux mineurs et un majeur ont été présentés au juge des libertés et de la détention et placés en détention provisoire, dans l’attente de leur procès, qui pourrait avoir lieu devant une cour d’Assises.
Hommage prévu au lycée de Miki
Du côté de M’Tsamboro, l’heure est encore au choc et à l’émotion. Les obsèques ont eu lieu samedi dans le village de Miki, où étaient conviés ses proches et ses amis. Lundi (ce jour), ce sera au tour de la cité du Nord de lui rendre un dernier hommage. Une cérémonie est prévue à 9h avec “l’ensemble des autorités civiles et religieuses”, annonce le recteur Gilles Halbout. Le grand Cadi, le maire de M’Tsamboro, les équipes municipales d’Acoua et Bandraboua, mais aussi le député Mansour Kamardine sont notamment attendus pour ce moment de recueillement. “C’est important de tous se rassembler pour montrer que nous pensons à ce jeune, à sa famille et à ses proches”, poursuit le responsable d’académie. L’ouverture du lycée est donc de mise, pour permettre de libérer la parole des élèves avant d’envisager une reprise des cours officielle.
Quant à la sécurité, elle sera renforcée aux abords de l’établissement grâce à la présence de gendarmes et d’équipes du rectorat. “Nous continuons de plus nos travaux de sécurisation”, déroule Gilles Halbout. L’une des pistes envisagées : créer un sas pour les bus qui desservent la cité du nord. Mais il faudra pour cela identifier le propriétaire du terrain sur lequel est construit le parking, qui n’appartient pas au rectorat.
Une semaine sous tension pour le rectorat
L’agression du jeune Miki à M’Tsangadoua est tombée comme la goutte de trop. Les établissements scolaires de Mayotte ont connu une escalade de violence toute la semaine dernière, jusqu’à cette issue fatale vendredi soir. D’abord, ce sont des bandes de jeunes qui se sont affrontées aux abords du lycée de Kahani mercredi. Les cours ont été interrompus toute la fin de semaine, car des jets de pierre ont été envoyés et des élèves ont répondu. “Pour nous, il était hors de question d’ouvrir le lycée avec des élèves dans cet état d’esprit”, précise le recteur Gilles Halbout qui indique avoir mené un travail d’identification en lien avec la gendarmerie pour appréhender les fauteurs de trouble grâce aux caméras de surveillance. Un peu moins de dix jeunes auraient été interpellés.
Le lendemain, au lycée Bamana, c’est une bagarre devant l’établissement qui a semé la panique dans les couloirs. “C’était à l’heure de la sonnerie à 9h45, j’étais au dernier étage et en sortant on a entendu des cris dans tout l’établissement”, relate une enseignante. Au milieu de la pagaille, un EMS du rectorat aurait fini par attrapper un élève impliqué dans la rixe. “Il y a eu plusieurs crises de panique après ça, et les services du rectorat qui sont passés vers midi ont fini par déclencher une alerte intrusion”, relate-t-elle, en déplorant le manque d’informations transmises au corps enseignant. “J’ai appris par Le Figaro que deux élèves et un service civique avaient été blessés.” D’après le recteur, s’il y a bien eu des échauffourées devant le lycée, il n’y a pas eu d’agression à l’arme blanche comme la rumeur a pu le laisser entendre. “Les échauffourées à l’extérieur ont donné lieu à un mouvement de foule à l’intérieur et un agent de sécurité qui procédait aux vérifications du contenu des sacs a interpellé un élève et s’est blessé en prenant un objet tranchant dans son sac”, décrit-il. Et deux jeunes auraient en effet été blessés dans les affrontements devant le bâtiment. Dès que les services du rectorat ont été informés de l’événement, une alerte intrusion a été donnée pour confiner tout le monde à l’intérieur, et ainsi identifier un des auteurs.
Enfin, le même jour, un peu après 9h, une intrusion a fait plus de peur que de mal au collège de Tsimkoura. “Un mineur qui n’était pas du collège a dit à ses chiens d’attraper les élèves et de les mordre”, raconte une jeune collégienne de 12 ans. Deux autres personnes seraient arrivées peu après, habillées en noir et armées de machette, poussant la classe à courir se cacher dans une salle. D’après le rectorat, il s’agirait en réalité d’une histoire de vol de téléphone : un jeune ayant tenté de dérober un téléphone se serait fait courser par des élèves et serait réfugié dans le bureau de la CPE.