Le sud de Mamoudzou en proie aux affrontements

Depuis une semaine et la rentrée des classes, des rixes entre jeunes se multiplient à Cavani et à proximité de Baobab, à Mamoudzou. Matins et soirs, plusieurs groupes se réunissent à des endroits stratégiques et font régner le chaos. Commerçants et habitants vivent en apnée en espérant que la situation se calme. Afin de mettre fin à cette situation, des forces de l’ordre sont déployées chaque jour aux abords des établissements scolaires.

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Mercredi soir, la police nationale a dû intervenir une nouvelle fois à Cavani, à proximité du stade.

La soirée du mercredi 30 août était à l’image des derniers jours à Cavani, à Mamoudzou : des hordes de jeunes déambulant entre le rond-point de Baobab et le rond-point du stade de Cavani – certains dissimulant des objets contondants derrière leur dos. La police nationale intervient à coups de bombes lacrymogènes pour disperser des bandes qui répondent avec des jets de pierre. La scène est devenue quotidienne dans cette partie de Mamoudzou.  Les émeutiers, les policiers ne savent  pas pour quelles raisons, se retrouvent chaque matin ou chaque soir depuis une dizaine de jours devant le lycée de Bamana, puis envahissent le reste du quartier, malgré la présence des forces de l’ordre. Autour du collège M’gombani, c’est la même peur panique avec des élèves de 3e qui ont refusé de se rendre en cours de sport sur le plateau Baobab, ce mardi, craignant pour leur sécurité.

Des rassemblements tous les jours

Il est 10 heures du matin, en plein cœur de Mamoudzou, ce mercredi. Quelques rires et conversations en provenance du lycée Younoussa-Bamana sont audibles depuis la rue, des lycéens entrent et sortent de l’établissement au compte-goutte, tout est calme. Difficile de s’imaginer que, d’ici quelques heures, cris, insultes et échauffourées règneront.  « Je les vois se rassembler devant le lycée tous les jours après les cours, ils font le bazar dans la rue puis ils descendent vers Baobab, c’est un rituel », explique Hakim, habitant du quartier depuis quelques années et témoin impuissant. L’origine du conflit reste méconnue, mais d’après des lycéens interrogés aux abords du lycée, les jeunes impliqués dans ces rixes appartiennent à des bandes rivales, « c’est une guerre des gangs, c’est tout ». Halima* est étudiante en classe de seconde et elle côtoie, en cours, certains des émeutiers, « j’ai entendu des amis dire qu’ils allaient s’en prendre aux nouveaux bus scolaires maintenant, c’est leur nouvelle cible ». Lycéens comme habitants sont formels, les jeunes qui prennent part à ces violences ne proviennent pas uniquement du lycée Younoussa-Bamana mais bien d’autres quartiers, « certains viennent de M’tsapéré et même plus loin », confie Ibrahim*. Interrogé, Chaharoumani Chamassi confirme que les affrontements ont lieu entre des bandes de Doujani et du quartier Mandzarsoa, à M’tsapéré. « On a une réunion de crise, [ce mercredi] avec les parents d’élèves de Doujani », concède le directeur de la police municipale de Mamoudzou. Celui qui a mis en place le système de parents-relais sur la commune espèrent en recruter sur Cavani, où il reconnaît des difficultés. « Je suis persuadé que ça va se calmer », affirme-t-il, en comptant sur l’aide des parents pour arriver à calmer la situation.

Des commerçants qui paient les pots cassés

Les premières victimes collatérales de ces affrontements sont les restaurateurs et les commerçants. Depuis la rentrée scolaire, tous redoutent le moment d’ouvrir leur devanture, à l’instar de cette vendeuse du snack « Les Haly’s Café », situé à quelques dizaines de mètres du lycée Bamana, « ils ont essayé de rentrer ici, lundi soir, certains ont réussi mais heureusement que des agents de la sécurité du lycée sont venus en renfort, sinon je ne sais pas comment on aurait fait ! ». Même discours dans la pizzeria qui fait l’angle de la rue du lycée. Son gérant explique que ces scènes ne sont pas inédites, mais qu’elles se sont bien intensifiées depuis la rentrée scolaire. « Nous, on ferme tôt dans l’après-midi maintenant pour éviter d’avoir le moindre problème mais ils s’en prennent aux voitures dans la rue et ça fait de gros dégâts ». Ces fermetures anticipées sont devenues le seul rempart des restaurateurs et commerçants face à ces affrontements à répétition, comme l’explique aussi cette pharmacienne de située près du stade de Cavani : « On baisse le rideau vers 16h-17h, dès qu’ils commencent à se réunir sur les ronds-points. (…) Puis, le matin, ils arrivent vers 5h-6h et ils restent là à s’affronter avant que les forces de l’ordre ne les dispersent. » Quant au nombre de jeunes qui prennent part à ces affrontements, elle s’exclame : « Alors là ! Beaucoup trop, je ne saurais pas vous dire… c’est parfois une marée humaine qui s’étend sur la moitié de l’avenue, c’est impressionnant ! ».

Les forces de l’ordre sur le front

D’après Laurent Simonin, directeur territorial de la police nationale, les violences se sont bien accrues ces derniers temps. « Le plus gros affrontement que nous avons eu depuis la semaine dernière s’est déroulé entre le boulevard Marcel-Henry à Cavani et le square Papaye à M’tsapéré ». Bien que certains affrontements aient lieu le soir, la grande majorité se déroulent le matin, entre 5h30 et 7h – comme en témoignent les débris de verre jonchant les trottoirs vers le stade de Cavani. Depuis le début des affrontements, 46 individus ont été interpelés par les forces de l’ordre – dont six devant le lycée Younoussa-Bamana. « L’essentiel des interpelés ont lancé des pierres et se frappaient à main nue. Nous avons eu un blessé grave dont l’auteur des violences est toujours en garde à vue. »

Si cette violence est répartie sur l’ensemble de l’île, les établissements scolaires restent des points de départ pour ces jeunes qui s’y réunissent avant de continuer leur avancée. Afin d’y remédier, des unités de la police nationale, aidées des policiers municipaux, ont été placées devant les établissements scolaires le matin, le midi et en fin d’après-midi. Ce sont 80 policiers qui sont spécifiquement déployés devant les établissements au moment où les élèves entrent et sortent. Le commissaire Laurent Simonin a annoncé d’ailleurs que, « dès le 1er septembre, vingt policiers supplémentaires rejoindront ce dispositif spécial afin d’éviter les heurts devant les établissements scolaires ».

*Les noms ont été modifiés.

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