Elle accouche en plein vol, le Mayotte – Paris se pose en Éthiopie

Scène rocambolesque dans la nuit de dimanche à lundi, durant laquelle le vol reliant Mayotte à Paris en passant par La Réunion a dû atterrir d’urgence à Addis-Abeba, la capitale éthiopienne, après qu’une jeune femme mahoraise ait accouché, bien aidée par les hôtesses et les passagers. Récit de cette naissance hors-sol qui soulève plusieurs questions.

Ce dimanche 19 février, le hall de l’aéroport Marcel Henry accueille de nombreux Mahorais désireux de se rendre à Paris, pour les vacances scolaires ou d’autres motifs. Nous avons là des jeunes de Bandrélé qui vont participer à un concours de danse à Strasbourg, des représentants de la délégation mahoraise qui participeront au Salon de l’Agriculture, ce week-end, mais aussi et surtout deux femmes enceintes de huit mois. L’une a un certificat médical lui autorisant à prendre l’avion. L’autre s’appelle Zabibou, a à peine la trentaine, mais n’a pas de justificatif. Il faut dire que sa grossesse pourtant bien avancée ne se remarque que difficilement. Tout cela n’aurait de toute façon eu que peu d’incidence si Air Austral – habituée des désagréments ces temps-ci – n’avait pas dû obliger ses passagers à faire escale à La Réunion, à cause d’un problème de cockpit.

« On va devoir atterrir, est-ce qu’il y a un médecin ? »

Toujours est-il que les résidents de l’île au lagon décollent dans la soirée de dimanche de l’aéroport Roland Garros de Saint-Denis, à bord d’un avion appartenant à « High Fly », une compagnie portugaise, et affrété par Air Austral. Si le confort des passagers est impacté par la barrière de la langue et un service médiocre, le vol se passe plutôt bien. En pleine nuit, alors que l’appareil survole les côtes d’Afrique de l’est, une annonce sonore retentit, demandant si un médecin pouvait se présenter d’urgence au personnel. Personne ne répond, beaucoup des passagers étant endormis, et les hôtesses et stewards commencent à fourmiller. Toutes les lumières s’allument, et le personnel réveille ses clients : « On va devoir atterrir, est-ce qu’il y a un médecin ? »

Fort heureusement, trois personnes se lèvent. Il s’agit de deux médecins et d’une sage-femme, à qui l’on annonce qu’une femme enceinte de huit mois est en train d’accoucher. Zabibou est alors accompagnée à l’arrière de l’appareil, et prise en charge par les trois volontaires, ainsi que par une hôtesse portugaise. L’accouchement se déroule bien, mais la nouvelle-née est prématurée. Survolant l’Éthiopie, le pilote doit se résoudre à atterrir à Addis-Abeba, où se déroulait le jour même le 36ème sommet des chefs d’État de l’Union africaine, dirigée par le président-dictateur Azali Assoumani. L’attente est interminable : il faut que le personnel de l’aéroport international Bole appelle les ambulances, que ces dernières arrivent sur le tarmac, qu’elles mettent la petite sous couveuse et embarquent la jeune femme mahoraise. Mais aussi que les équipes ouvrent la soute et récupèrent les bagages de Zabibou, et que la compagnie profite des prix du carburant local pour faire le plein de kérosène…

Un bébé Français, Éthiopien, Portugais… Ou Maltais ?

En tout, les passagers de ce vol devenu salle d’accouchement auront dû patienter environ deux heures sur le tarmac éthiopien. L’avion redécolle au petit matin pour rallier Paris, et arriver aux alentours de midi, au lieu de 7 heures du matin. « Je m’en rappellerai toute ma vie », déclarait l’hôtesse ayant aidé pour l’accouchement, ses habits maculés de sang. Pour Zabibou et sa petite fille, c’est l’ambassade de France qui devrait désormais les prendre en charge, après avoir été prévenue par Air Austral. Les prochains jours s’annoncent cependant compliqués pour la jeune femme, qui ne parle ni oromo ou amharique, les principales langues éthiopiennes, ni anglais. Quant au bébé, se pose la question de sa nationalité. Une naissance en plein vol constitue en effet un véritable flou juridique – car dépendant des lois des pays impliqués – et un évènement très rare : selon une étude parue en 2019 dans Journal of Travel, seuls 74 bébés étaient nés dans un avion entre 1929 et 2018 !

Ayant au moins un parent français, la petite devrait être Française elle aussi. Si ce n’est pas le cas, on peut se référer à la Convention sur la réduction des cas d’apatridie, signée par une quarantaine de pays – dont la France. Cette convention affirme que la nationalité du nouveau-né correspond au pays d’enregistrement de l’appareil. Problème, l’avion décollant de France, ayant atterri en Éthiopie et appartenant à une compagnie portugaise est enregistré… Sur l’île de Malte ! Une naissance rocambolesque donc pour la petite Mahoraise, qui héritera peut-être d’un passeport exotique. Mais pas de vols gratuits à vie, cette affirmation n’étant qu’une légende urbaine.

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