Agression à Combani : “J’avais peur de perdre ma main”

Sauvagement agressé le 19 février dernier, Ismaël Bacar est une victime collatérale du conflit entre des jeunes de Combani et Miréréni. L’instituteur de 25 ans raconte cette matinée où, sans un moment d’inattention de ses agresseurs, il pense qu’il aurait perdu la vie.

Les douleurs sont encore présentes et les bandages encore impressionnants, Ismaël Bacar revient de loin et il le sait. Ce jeune homme sans histoires, bien impliqué dans la vie de Vahibé où il habite, se souvient précisément de ce samedi 19 février. Avant cinq heures du matin et après l’appel à la prière, il prend la route de Combani avec sa femme pour se rendre à Acoua. « On a passé le pont entre Miréréni et Combani. J’ai vu le barrage et des silhouettes. J’ai pensé qu’il s’agissait des bouénis qui protestaient comme à Vahibé (voir Flash Infos du vendredi 25 février). C’est en allumant les feux de route que j’ai vu des hommes cagoulés », raconte celui qui est connu via le surnom de « Soumax ».

« Vous allez venir chercher votre mort ! »

Un autre homme, lui aussi cagoulé et armé, sort de l’ombre et se place à côté de la place du conducteur avant qu’Ismaël Bacar ne réagisse. « Il m’a demandé d’où j’étais. J’ai répondu : “Vahibé”. Il a crié : “Vahibé !” aux autres. Une vingtaine de jeunes sont arrivés sur moi. J’ai essayé de retenir la portière et fermer les vitres », détaille-t-il. Alors qu’il est encore attaché sur son siège, deux ou trois agresseurs « de 17, 18 ans » le frappent avec des coupe-coupe, pendant que les autres cassent les vitres et prennent les affaires du couple sur la banquette arrière. « J’ai essayé de me protéger en mettant mes bras et mon genou en opposition », se souvient-il.

Alors que les agresseurs se tournent vers les habitants de Miréréni qui se rassemblent de l’autre côté du pont, l’un d’eux lance : « Vous allez venir chercher votre mort ! » Un bref moment d’inattention qui permet à Ismaël Bacar de prendre la fuite. « C’est l’adrénaline sûrement », estime l’instituteur. « Touché à la cuisse, j’avais l’impression de je ne pouvais plus marcher. »  De l’autre côté du pont, « les habitants de Miréréni ont appelé les secours. Je leur ai demandé de m’emmener à Vahibé ou d’aller chercher des cousins à Miréréni, mais ils n’ont pas voulu prendre de risques », poursuit-il avant de compter « environ trois quarts d’heure ou une heure d’attente » avant que les pompiers n’arrivent. « J’avais peur de perdre ma main », fait-il remarquer. Entretemps, sa femme, « frappée au dos », a pu le rejoindre, tandis que les agresseurs ont mis le feu à sa voiture. Amusé, il préfère prendre à la légère les rumeurs sur sa mort qui ont circulé ensuite.

Un garçon sans rancœur vis-à-vis de ses agresseurs

Après une semaine à l’hôpital, l’instituteur est dorénavant en convalescence dans sa famille à Vahibé. Il n’a pas encore retrouvé toute la mobilité de ses doigts. Son poignet gauche, le plus touché, a été en partie sectionné, comme son auriculaire. Sur l’autre main, une coupure balaie sa paume et l’un de ses doigts. « Je voyais l’os cassé », décrit-il. Arrêté, il ne pourra retrouver ses CE1 qu’à partir du 15 mai. Il devra également attendre avant de revenir sur les terrains de football ou de handball. Arbitre dans cette dernière discipline, il est également président du club de handball de Vahibé qu’il tente de remonter pour les jeunes de son village.

Garçon plutôt optimiste, il dit avoir été en colère « pas longtemps » contre ceux qui l’ont attaqué. « Ça ne sert à rien. Les mecs qui ont fait ça, je les ai laissés de côté. Il faut être optimiste, je respire », résume celui qui admet ne pas comprendre « pourquoi ils se sont acharnés sur moi ». Pieux, il estime que « c’est Dieu qui l’a sauvé » et qu’au moment de reprendre la route, il repassera sans appréhension par Combani.

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