Objet de bien des préoccupations à Mayotte, le thème de l’eau a inauguré les tables rondes de cette première Semaine de l’Environnement organisée par la Somapresse (la société éditrice de Flash Infos et Mayotte Hebdo). On a donc parlé projets et préservation de la ressource, ce lundi, dans les locaux de la Cadéma (Communauté d’agglomération de Dembéni et Mamoudzou), en face de la mairie de Mamoudzou. Ouverts au public, les débats continuent ce mardi (sur les thèmes de la déforestation et les mobilités douces), mercredi (déchets et développement durable) et jeudi (transition énergétique).
Difficile de se passer de l’eau quand on évoque l’environnement sur l’île aux parfums. Cette ressource bien limitée, malgré un lagon qui nous entoure, cause bien des peines aux habitants obligés de faire des réserves pour éviter les coupures régulières. Pourquoi l’élément est-il si précieux à Mayotte ? Comment les collectivités et l’État tentent de répondre à une demande sans cesse croissante ? La première table ronde de la Semaine de l’Environnement, ce lundi matin, a permis de répondre à un certain nombre de questions. En tout cas, c’est ce qu’à essayer de faire Vita Naouirou, le directeur d’exploitation du syndicat Les eaux de Mayotte (ex-Smeam), qui a accepté de répondre en premier. Plutôt affable, celui qui a le nez sur la production quotidienne sait bien que la gestion de l’eau peut parfois cristalliser les tensions. « Il faut être transparent. La population doit savoir », concède l’homme qui est intarissable (contrairement à l’eau) sur le sujet. « Il y a un équilibre éphémère de la distribution. La moindre négligence peut amener une coupure d’eau. » Bien incapable de prédire si et quand les fameux tours d’eau pourraient intervenir, il rappelle que la production ne permet pas de faire des réserves, mais suit la consommation, et que la ressource est de plus en limitée sur l’île.
Un vaste chantier attend l’île
Directeur de l’investissement dans le même syndicat, Ali-Habibou Mistoihi a apporté d’autres précisions sur la façon dont il faudra augmenter la production dans les années à venir. Il rappelle que son employeur a récemment signé un contrat de progrès de 411 millions d’euros (voir Flash Infos du 24 août 2022) avec l’État. Celui-ci va permettre plusieurs choses. En premier lieu, il va servir à financer les travaux sur l’usine de dessalement de Petite-Terre. Celle-ci connaît quelques difficultés pour atteindre le volume de production espéré et une nouvelle enveloppe de 4,2 millions d’euros doit permettre au délégataire, la SMAE (Société mahoraise des eaux), d’atteindre 4.700m3 par jour (voir FI du 5 août 2022). En espérant que les déboires soient moins nombreux, trois autres usines de ce type devraient voir le jour en Grande-Terre (Longoni, Sada et Ironi Bé, entre Tsararano et Tsoundzou 2).
L’autre projet, « qui date de plusieurs décennies », c’est la réserve collinaire d’Ourouvéni (3 millions de mètres cubes attendus), près de Sada. Bloqué par le foncier et notamment les propriétaires peu désireux de vendre leur terrain, il pourrait faire l’objet d’une déclaration d’utilité publique (DUP). C’est-à-dire que si les négociations n’aboutissent pas dans les deux ans, il y a des chances qu’il y ait des expropriations. Toujours concernant les retenues, le directeur de l’investissement annonce qu’une étude de faisabilité est déjà en cours pour une quatrième installation de ce type dans le secteur de Bouyouni.
Il reconnaît aussi que de grands travaux vont être nécessaires pour remettre le réseau actuel qui connaît des pertes. Dans le sud notamment, le syndicat relève des soucis récurrents sur le secteur de Sada et Chirongui. Preuve que s’il est important de produire de l’eau, il l’est tout aussi de l’amener jusqu’au robinet.
Comment se répartit la production d’eau sur le territoire mahorais ?
Le syndicat Les eaux de Mayotte (ex-Smeam) a donné quelques chiffres sur la production d’eau sur l’île. Entre 38.000 et 39.000m3 d’eau sont ainsi distribués chaque jour sur Grande-Terre et Petite-Terre. L’usine de Bouyouni, qui traite l’eau provenant de la retenue collinaire de Dzoumogné (2 millions de mètres cubes), en produit 10.000 par jour. Pareil pour celle d’Ourovéni et la retenue collinaire de Combani (1.5 million de mètres cubes). En Petite-Terre, l’usine de dessalement peut alimenter le réseau de 2.700m3 supplémentaires quand les conditions sont bonnes. A Mamoudzou, l’usine qui dépend de rivières locales en apporte 3.000 de plus. Selon Naouirou Vita, c’est cette dernière qui est particulièrement scrutée quand vient le moment des tours d’eau au vu de la demande sur ce secteur. A moins de 2.500m3 par jour, la SMAE n’a pas d’autre choix que de limiter la distribution.