Le Parc Marin de Mayotte vient de lancer son cycle de conférences à caractère pédagogique. La première s’est déroulée, ce jeudi 31 mars, à 18h, au restaurant La Croisette, et concernait l’impact du volcan sous-marin de Mayotte sur les écosystèmes profonds. Quatre experts de l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer) et une scientifique du Bureau de recherche géologique et minière (BRGM) de Mayotte se sont succédé pour révéler au public le contenu de leurs dernières recherches.
On se souvient de l’émotion suscitée en 2018 par les nombreux séismes de magnitude dépassant parfois le niveau 5 sur l’échelle de Richter dont a été victime l’île aux parfums. Peu habitués à ce genre de secousses, un mouvement de panique avait saisi les Mahorais et incité les scientifiques à envoyer plusieurs missions en mer pour en comprendre l’origine. C’est alors que les spécialistes avaient découvert qu’un gigantesque volcan sous-marin était né à une cinquantaine de kilomètres des côtes de notre île. Ayant poussé de 800 mètres de hauteur et de 12 km d’envergure en un an, ce géant à la croissance ultrarapide est devenu un objet de curiosité scientifique mondiale. S’il est désormais établi qu’il y a peu de chance de le voir émerger de la mer un jour, l’île au lagon n’est cependant pas exempte de risques de tsunami auquel la préfecture tente de préparer le territoire.
Pour le Parc Marin, en revanche, ce volcan est davantage un objet de curiosité que d’effroi. La structure a accueilli la semaine dernière quatre spécialistes de l’Ifremer pour commencer à étudier l’impact du volcan sous-marin sur les écosystèmes profonds. Souhaitant que la population puisse se tenir au courant des dernières avancées scientifiques en la matière, le Parc les a invités à tenir une première conférence, ce jeudi à la Croisette, même si pour l’instant, les scientifiques n’en sont souvent qu’au stade des hypothèses. Christophe Fontfreyde, le directeur du Parc Marin, déclare que « ce quatrième volcan actif de France est un terrain de jeu exceptionnel dont les scientifiques vont pouvoir tirer un grand nombre d’enseignements sur la biologie ».
Un impact sur la chimie de l’eau et potentiellement sur les espèces marines
Films et maquettes à l’appui, les scientifiques sont dans une démarche résolument pédagogique. Une bonne chose étant donnée la grande curiosité du public pour le phénomène. Plusieurs vidéos sont projetées entre les interventions dont Une mission scientifique à la découverte du volcan sous-marin, réalisé par Pascal Créségut pour l’Ifremer, ainsi que d’autres montrant des habitats explorés autour du volcan réalisées au cours de la mission GeoFLAMME 2021. Marjolaine Matabos et Pierre-Marie Sarradin, deux des experts en biologie des profondeurs commentent les images avant de répondre aux questions du public au cours de la table ronde qui s’ensuit.
Etant donné la richesse des abysses en organismes vivants, les éruptions du volcan auront forcément un impact. Lequel ? La question est encore à l’étude. En effet, seuls les poissons évoluant en haut de la colonne d’eau ont été marqués pour l’instant et aucun changement dans leur comportement n’a été noté. « Ce qui va être véritablement intéressant, c’est de voir l’impact que va avoir le volcan sur les espèces évoluant en eaux profondes comme les poissons coralliens par exemple », déclare un autre expert de l’Ifremer, qui affirme que même si rien n’a encore été démontré, les éruptions sous-marines affecteront forcément la chimie de l’eau et auront un impact sous toutes les espèces évoluant dans les eaux profondes situées autour du volcan.
Les recherches ne font que démarrer et le volcan sous-marin de Mayotte a encore bien des secrets à livrer. Cette conférence avait surtout pour objectif de vulgariser les premières connaissances qu’ont acquises les scientifiques au terme de près de trois ans de recherches et de dissiper les interrogations du public notamment quant à la dangerosité éventuelle de ce volcan. Si les experts se veulent pour le moment rassurants, ils évoquent la tenue d’une prochaine conférence portée plus précisément sur ce sujet. Quant aux questions de connaissances pures, les hypothèses ne pourront être confirmées ou infirmées qu’au cours des prochaines missions scientifiques prévues en mer. Le Marion Dufresne repartira d’ailleurs explorer les eaux profondes autour du volcan du 9 au 22 juillet prochain.