L’usine de dessalement de Petite-Terre, à Pamandzi, produit péniblement 1.300 m3 d’eau par jour, loin des 4.700 m3 promis au syndicat les Eaux de Mayotte (le nouveau nom du syndicat mixte d’eau et d’assainissement de Mayotte, lire ci-dessous), et ce malgré d’importants travaux faits par le délégataire, la Société mahoraise des eaux (SMAE). Dans le nouvel avenant signé entre les deux parties, le 28 juillet, la filiale de Vinci a donc un an et demi et une nouvelle enveloppe de 4,2 millions d’euros pour atteindre enfin l’objectif initial.
La production d’eau potable grâce au dessalement de l’eau de mer en Petite-Terre n’a pas été un long fleuve tranquille, ces dernières années. Assurant une production de moins de 1.000 m3 d’eau par jour, l’usine de dessalement de Pamandzi devait connaître une extension entre 2017 et 2019 pour atteindre normalement les 4.700 m3 quotidiens. L’Etat et l’Europe ont mis largement la main à la poche pour que le délégataire, la Société mahoraise des eaux (SMAE), fasse les travaux nécessaires. 8,7 millions d’euros ont été ainsi alloués. Une somme importante mais dont le résultat final est loin d’être probant. En effet, depuis 2019, il ne sort de l’usine que 1.300 m3 d’eau par jour, et encore, si les conditions sont idéales.
Pourquoi l’usine n’atteint pas ses objectifs ?
Il y a plusieurs facteurs techniques qui expliquent ce faible rendement. « Fait à la hâte », « pas calibré », le directeur général adjoint du délégant, le syndicat les Eaux de Mayotte (N.D.L.R le syndicat mixte d’eau et d’assainissement de Mayotte a été renommé officiellement le 1er août), constate que le nouvel équipement n’a pas tenu ses promesses. « On est loin du compte », estime Ahamada Haribou. Il cite par exemple des moteurs pas assez puissants pour faire tourner les machines, des points d’entrée de l’eau de mer trop souvent confrontés à la houle. « Il y a des problèmes de turbidité à cause de la houle. Il y a trop de matières qui rentrent et bouchent les tuyaux », note-il.
Comment en est-on arrivé à cette situation ?
Pour le directeur général adjoint, « c’est l’urgence ». La menace d’une pénurie d’eau a entraîné une précipitation de l’État et du syndicat. L’avenant initial, même s’il y avait un cahier des charges et un objectif de production, n’impliquait aucune sanction si le délégataire ne respectait ni l’un ni l’autre.
A quoi serviront les nouveaux travaux ?
Afin de régler le déficit de performance, de nouveaux travaux vont être entrepris dans un délai d’un an et demi, à partir de la signature d’un nouvel avenant, le 28 juillet. « Il s’agit de remplacer les outils techniques actuels par des plus modernes et mieux calibrés », annonce Ahamada Haribou. En tout, 4,2 millions d’euros seront débloqués par l’État pour réaliser ce projet.
Les déboires précédents pourraient-ils se reproduire ?
Le syndicat veut bien sûr l’éviter. Contrairement à celui signé en 2017, le nouvel avenant comporte des pénalités financières à l’encontre du délégataire en cas de non-respect du cahier des charges ou des délais. Si les travaux ne sont pas terminés à temps par exemple, le délégataire devra débourser 1.000 euros par jour pendant les quinze premiers jours, puis 4.000 euros par jour les quinze jours de retard suivants.
Ce type de sanctions, « ce n’était pas dans les habitudes du délégataire », fait remarquer le directeur adjoint, qui travaille sur le dossier depuis son arrivée au syndicat il y a un an. Cette fois-ci, les négociations entre les deux parties ont donc été plus longues, plus âpres et se sont mêmes faites par avocats interposés. La nouvelle équipe autour d’Ahamada Fahardine (élu président du syndicat en juillet 2020) n’a pas l’intention de réitérer les erreurs du passé. D’ailleurs, la réception des travaux de 2019 n’a toujours pas eu lieu. Le syndicat refuse de s’y soumettre tant que ceux engagés prochainement ne sont pas menés à terme.
Le contrôle va-t-il être renforcé ?
C’est l’idée de l’avenant. Plusieurs mentions y sont faites. « Pendant toute la durée des travaux, les représentants désignés par la collectivité (N.D.L.R. le syndicat) auront librement accès au chantier. Il en ira de même des services de l’État qui en manifesteront la demande », est-il ainsi conclu entre les parties. Comme pour les délais et les cahiers des charges, les dossiers devront être transmis dans les temps sous peine de sanctions financières.
Et même les travaux terminés, le délégataire devra répondre « à une obligation de résultats ». Là encore, un barème a été établi. Avec une tolérance de 5% (soit 4.500 m3 d’eau par jour), « le délégataire devra payer cinq euros par mètre cube s’il manque entre un et 2.500 m3. Au-delà, ce sera dix euros par mètre cube », détaille le directeur chargé des ressources et des moyens. Ainsi, s’il y a 4.000 m3 à la fin de la journée (500 m3 manquants) par exemple, la pénalité sera de 2.500 euros.
Est-ce la fin des pénuries d’eau avec cette solution ?
On pourrait le croire en Petite-Terre, une fois le chantier fini. Une production quotidienne de 4.700 m3 d’eau peut couvrir les 2.500 m3 consommés par les Petits-Terriens, et même être redirigée vers sa voisine plus peuplée. Cependant, les récents déboires de l’usine de Pamandzi invitent le syndicat à la prudence. En tout cas, il devrait être beaucoup plus attentif à ce dossier.
Une unité qui fonctionne enfin au niveau attendu pourrait faciliter l’implantation de deux autres du même type en Grande-Terre avant la fin de la délégation de service public en 2026.
Les Eaux de Mayotte ont jailli le 1er août
La confusion étant régulière avec d’autres syndicats et même parfois son délégataire, la SMAE, le syndicat mixte a souhaité changer de dénomination. Exit le syndicat mixte d’eau et d’assainissement de Mayotte, un arrêté daté du lundi 1er août entérine officiellement le nom « Les Eaux de Mayotte ».
Cela répond aussi à cette tendance qui veut que chaque transfert d’une compétence entre les collectivités entraîne un changement de nom de syndicat. En 2019 par exemple, le syndicat avait dû remplacer « intercommunal » en « mixte », quand la communauté d’agglomération de Dembéni et Mamoudzou (Cadema) l’avait rejoint. Les Eaux de Mayotte doivent ainsi perdurer un long moment.
La troisième retenue collinaire bloquée par le foncier
Autre dossier régulièrement sur la table, la retenue collinaire qui doit voir le jour sur la rivière Ourovéni, à Ouangani, est toujours dans les tuyaux, confirme le syndicat. Cependant, le terrain choisi est détenu par de nombreux propriétaires pas toujours enclins à vendre, ce qui ne facilite pas les démarches. Le syndicat a sollicité les services de l’État dans le cadre d’une déclaration d’utilité publique (DUP). Cette troisième retenue collinaire permettrait d’assurer une complémentarité avec celles de Dzoumogné et Combani, notamment pendant les années plus sèches.
Romain Guille est un journaliste avec plus de 10 ans d'expérience dans le domaine, ayant travaillé pour plusieurs publications en France métropolitaine et à Mayotte comme L'Observateur, Mayotte Hebdo et Flash Infos, où il a acquis une expertise dans la production de contenu engageant et informatif pour une variété de publics.