Urbanisme : Balade d’architectes à Kawéni, l’espoir de faire bouger les lignes

La Ville de Mamoudzou, pourtant en grève, a présenté, ce lundi 11 décembre, les projets du nouveau plan d’organisation urbaine de Kawéni à l’ordre national des architectes, accompagné de la délégation régionale Mayotte-La Réunion. Ces opérations, nombreuses et ambitieuses, sont déjà synonymes de surcoût. 

Les allers-retours de camions de travaux sur les chantiers de la zone scolaire de Kawéni ne font que commencer. D’ici 2026, une cinquantaine d’opérations sont prévues sur différents secteurs dans ce qui est présenté comme « le gros village » de Mamoudzou. Avec, à l’est, la plus grande zone d’activités économiques du territoire.

« On a toutes les caractéristiques d’une zone tendue », introduit Keyvan Fathi, chef de projet à la direction de la rénovation urbaine et habitat pour la Ville à Mamoudzou : risques anticycloniques, sismiques, éboulements, sol instable… « On est ici sur une ancienne mangrove », explique ce représentant, en grève comme toute la municipalité, mais spécialement présent ce lundi 11 décembre pour recevoir les conseillers de l’ordre national des architectes (CNOA), en compagnie de la délégation régionale Mayotte, La Réunion.

La convention de ce nouveau plan de réaménagement urbain (Anru), signée en 2020, entre l’État, la Ville et une quinzaine de partenaires dont Action Logement, bailleur social, prévoyait 151 millions d’euros de budget. « On est déjà à 200 millions estimés », soit 40 % de surcoût, informe le chef de projet. En cause par exemple, les difficultés propres au terrain qui requièrent, par exemple, pour le terrassement, de creuser parfois jusqu’à trente mètres de profondeur pour réaliser les fondations, comme cela est le cas pour le futur internat dans la zone scolaire.

Le projet d’un campus

La Ville, en lien avec le rectorat de Mayotte, aimerait faire de la zone scolaire, un campus. À venir : un stade pour pouvoir accueillir environ 3.000 personnes, un dojo, un internat… « On compte 10.000 enfants scolarisés. Officiellement, il y a 17.000 habitants dont 40 % d’enfants, mais en réalité, il y en a beaucoup plus. Et c’est cette difficulté à estimer le nombre d’enfants qui pose problème. Il faudrait créer une classe tous les jours », expose Keyvan Fathi. Une cuisine centrale est aussi en projet pour ces élèves qui, pour le moment, ne disposent d’aucun réfectoire. Le gymnase, pas encore terminé mais déjà utilisé par les jeunes, subit un « usage sur-intensif ». Les paniers de basket, dégradés, ont déjà été changés.

Plus loin, il y a aussi l’ambition de créer un parc ainsi que trois bassins de rétention d’eau pour l’écoulement des eaux pluviales. Un stockage d’autant plus important en cette période de crise de l’eau que traverse l’île. 

Vers des logements et une collecte de déchets

À proximité de la zone scolaire, une première résidence, de 33 logements, pour jeunes actifs doit voir le jour. L’appel à projets lancé par Action Logement est en passe d’être clôturé pour analyser les offres. L’organisme envisage ce projet comme le premier d’une longue liste afin de créer 100.000 logements en dix ans. « Les études ont été menées avant la crise de l’eau », confie Sylvain Guy, conseiller à l’ordre régional. « La construction se fait selon des standards établis en métropole. Ce rendez-vous avec la présidence du conseil de l’ordre national des architectes est aussi l’occasion de peut-être faire bouger les lignes pour que ce soit plus adapté à Mayotte. »

Au sein du village, un autre projet porté par la Ville entend la création d’habitats innovants en bois et en brique déjà attribués pour des habitants de la ville. Il s’agit de T3 qui devraient être loués entre 200 et 250 euros par mois. Le système de toiture doit garantir une ventilation naturelle et faire sortir l’air chaud. Mais pour le moment, Mamoudzou n’a pas encore trouvé de gestionnaire. « On manque de tout, de promoteurs, de bailleurs… », informe le chef de projet. Pour la construction d’un logement « confortable et aussi vertueux de l’environnement », comptez 95.000 euros. Encore une fois, c’est plus que les 90.000 prévus.

Dans la montée vers le bidonville, quartier Mahabourini, les habitants, à la demande de la Ville, ont déplacé leurs habitats en tôle principalement pour aménager les escaliers et faciliter ainsi le passage de scooters. Les déchets jetés sur une même petite parcelle ne bénéficient pas encore de récolte officielle mais d’opérations ponctuelles de nettoyage. À partir de mi-janvier, l’intercommunalité devrait se charger du ramassage. L’aménagement de points de collecte et d’eau sont également prévus.

Le besoin d’innover

« Il faudrait penser à plus radical… », réagit Dagmar Goss, vice-présidente du conseil régional de l’ordre des architectes, après cette visite, face au cumul de toutes ces difficultés. « Mais pourquoi ne pas faire comme Qatar pour la Coupe du monde, héberger les gens dans des paquebots sur mer, le temps de travaux pour ensuite les loger dans des habitats dignes et salubres ? Ou installer des tentes ? », questionne une autre personne. « Inviter des architectes de Paris, proches des pouvoirs, leur faire voir la réalité, peut faire avancer des projets », soutient Mariame Locate, vice-présidente de la délégation régionale. « Le conseil a travaillé à La Réunion, où certes la situation n’est pas tout à fait la même mais où il y avait des bidonvilles, résorbés aujourd’hui. On peut s’appuyer aussi sur l’expertise de son île sœur », indique-t-elle. « En tant qu’architecte, on doit bâtir. Ce sont nos compétences et c’est à nous de le faire, même dans l’urgence climatique, sociale et économique », indique-t-elle, tandis que la présidente du conseil national, Christine Leconte, ne tarit pas de questions envers le représentant de la ville.

« On a besoin d’architectes pour innover », renforce, pour conclure, le chargé de rénovation urbaine à la Ville, qui accueille chaque année des étudiants de l’école nationale supérieure d’architecture de Paris-Belleville.

Une plateforme bus et une passerelle pour mieux circuler

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Les architectes empruntent la passerelle qui relie le village au centre de Kawéni, vers la MJC.

Pour l’heure, dans la zone dite « SPPM » encore appelée ainsi par les Mahorais en raison de son développement lié à une usine de parfum, les travaux ont conduit à l’implantation d’un pôle bus, l’aménagement de trottoirs et de jeux pour enfants. Mais également, à la réalisation d’une passerelle au-dessus de la ravine afin de circuler directement entre la zone habitée, où des dallages ont été effectués dans les ruelles, et le centre de Kawéni. Mais aussi pour sécuriser le passage des enfants du quartier vers l’école. La Ville a pour objectif de faciliter les déplacements et résoudre le souci de circulation en voitures posé par l’étroitesse de ces ruelles. L’année précédente, des travaux de voiries ont été réalisés.

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