Un plan d’ampleur pour sauver la couleuvre de Mayotte

Espèce endémique du 101ème département, la couleuvre de Mayotte est classée depuis plusieurs années comme espèce en danger critique d’extinction. Pour œuvrer en faveur de sa préservation et donc de la biodiversité, un plan national d’actions fait actuellement l’objet d’une consultation du grand public, avant sa validation par le ministère de la transition écologique.

Elle est discrète, mal aimée, et surtout, classée « en danger critique d’extinction » par l’union internationale pour la conversation de la nature (UICN). Dans le 101ème département, rares sont les chanceux à avoir vu ramper la couleuvre endémique de l’île. En 2019, l’association des Naturalistes recensait seulement 38 observations de l’espèce à Mayotte, – pour environ 70 au niveau de l’archipel des Comores -, « dont cinq individus morts ».

Mais en mai dernier, un pas jusqu’alors inimaginable était franchi pour la préservation de la couleuvre de Mayotte, puisque le conseil nationale de protection de la nature (CNPN) donnait un avis favorable au plan national d’actions (PNA) en faveur de l’espèce. Un progrès considérable, à l’heure où aucun action n’avait encore été entreprise auprès de la population locale concernant les menaces qui planent sur le reptile terreste. Et depuis ce 19 août, le public peut désormais prendre part aux consultations liées à ce plan, jusqu’au 12 septembre 2021, avant que celui-ci ne soit soumis à la validation par le ministère de la transition écologique.

Depuis 2016, la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages prévoit que l’État établisses des plans nationaux d’actions en faveur des espèces endémique de faune ou de flore sauvage particulièrement menacées, identifiées comme en danger dans la liste rouge nationale établie par l’UICN, soit 120 espèces environ, dont 80% vivent dans les Outre-mer. Ainsi, le PNA fraîchement approuvé devrait permettre de concrétiser 14 actions et 57 activités autour de cinq objectifs principaux : l’amélioration des connaissances sur l’espèce et ses facteurs de régression, la sensibilisation, la communication l’information et la formation des différents acteurs susceptibles de la rencontrer sur le terrain, la mobilisation de fonds européens, nationaux, locaux et privés, l’anticipation des urgences de la conservation de l’espèce et des milieux naturels qu’elle fréquente et la création d’un réseau d’observateurs régulier pour améliorer la gestion de l’espèce.

« Au vu du manque actuel de connaissances sur la couleuvre de Mayotte (mise en œuvre d’une ou plusieurs thèses sur le sujet), de certaines actions qui nécessitent un temps long (par exemple la compréhension des origines à Mayotte de la peur du serpent en amont d’actions de sensibilisation importantes, création d’un conservatoire pour l’étude et la protection de l’espèce), le PNA couvre une période de dix ans », développe le ministère. « Pour tenir compte de l’avis du CNPN, sera mis en place un bilan à mi-parcours avec réorientation éventuelle des actions dans la seconde moitié du PNA, en complément du suivi annuel par le comité de pilotage. »

L’homme, principale menace de l’espèce

Si les connaissances autour de la couleuvre de Mayotte sont à ce jour « quasiment inexistantes », les menaces et causes de son extinction sont déjà connues, et ont même été hierarchisées par odre de priorité dans le cadre du plan national d’actions. Arrive en première position, à court et moyen terme, le développement de l’agriculture intensive (réduction des surfaces naturelles, augmentation des probabilités de rencontres avec l’homme), la peur du serpent due aux croyances locales menant à la destruction quasi systématiques des individus situés à proximité des activités humaines, le développement démographique et des surfaces urbanisées. À court et long terme cette fois, pèsent le risque d’incendies de forêt et celui d’invasions biologiques liées aux prédateurs (comme le chat, le rat ou la civette). « Toutefois, le plus dangereux reste l’Homme puisqu’il la craint et préfère la tuer », insistait déjà deux ans plus tôt les Naturalistes de Mayotte, par ailleurs autrice d’un Atlas de la distribution de toutes les espèces de reptiles et d’amphibiens de Mayotte en partenariat avec le Muséum de Munich et l’éditeur Biotope Édition.

Déjà le 5 janvier dernier, le conseil national de protection de la nature et le conseil scientifique du patrimoine naturel de Mayotte tiraient la sonnette d’alarmes quant à la disparition de la biodiversité due aux défrichements de forêts, bien souvent par brûlis, une pratique illégale. Entre 2011 et 2016, l’île aurait ainsi perdu 1.500 hectares de forêt, faisant d’elle le département le plus déforesté de France, à un niveau similaire à celui de l’Argentine ou de l’Indonésie.

Dans ce contexte, et comme recommandé par le CNPN, la réserve naturelle nationale de Mayotte voyait le jour en mai dernier, 14 ans après la création de celle de l’îlot M’Bouzi. Superficie totale : 2.801 hectares repartis sur six massifs forestiers, soit 7,5% du territoire terrestre mahorais, et 51% des forêts domaniales et départementales, où sont dorénavant strictement interdits exploitations, constructions, chasse, pêche, camping, bivouac, etc. Reste encore la menace à plus long terme liée au réchauffement climatique, face auquel Mayotte est particulièrement exposée, comme l’a récemment rappelé le dernier rapport du GIEC.

Romain Guille est un journaliste avec plus de 10 ans d'expérience dans le domaine, ayant travaillé pour plusieurs publications en France métropolitaine et à Mayotte comme L'Observateur, Mayotte Hebdo et Flash Infos, où il a acquis une expertise dans la production de contenu engageant et informatif pour une variété de publics.

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