Tortues marines : un nombre de pontes à Mayotte encore sous-estimé

L’association des Naturalistes de Mayotte a organisé une conférence, ce mardi 2 mai, sur les tortues marines, au restaurant La Croisette à Mamoudzou. Marc Girondot, professeur d’écologie à l’université Paris-Saclay, est venu sensibiliser le public sur l’animal et ses habitudes de vie.

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Marc Girondot, professeur d’écologie à l’université Paris-Saclay, et Michel Charpentier, président des Naturalistes de Mayotte, au micro.

« Arrêtez de croire qu’elles reviennent sur leurs plages de naissance, elles reviennent dans la région où elles sont nées », déclare en rigolant Marc Girondot. Le professeur d’écologie à l’université Paris Saclay, invité par les Naturalistes, déconstruit les idées reçues, lors de la conférence organisée à Mamoudzou, mardi soir. Sa volonté est de toucher la population qui côtoie les tortues afin qu’elle ne les perturbe pas. Pour rappel, quatre espèces sont présentes à Mayotte, dont plus répandues sont la tortue verte et la tortue imbriquée. La deuxième restent très peu étudiées. Plus petites que les tortues vertes, elles sont aussi plus rares. « On sait qu’il y en a, mais les recherches n’ont pas encore été faites pour savoir comment elles s’organisent. Il y a donc dans l’océan Indien, beaucoup d’incertitudes pour cette tortue », affirme celui qui dénonce la négligence française par rapport à la préservation de l’espèce. « La France a le droit de pêcher dans sa ZEE. Il ne faut pas oublier aussi qu’elle a aussi des droits de conservation et de gestion des ressources naturelles biologiques et non biologiques des fonds marins. », déclare le professeur. En effet, la Zone économique exclusive (ZEE) française est la deuxième plus grande au monde après les États-Unis. L’État a une nécessité et une obligation de protéger les ressources naturelles qui s’y trouvent.

La France, en comptant Mayotte, est la nation qui compte le plus de tortues. Cependant, jusqu’à très récemment, l’île aux parfums faisait très peu l’objet de recherches. « La conclusion, c’était qu’on sait qu’il y a des tortues, on ne sait pas exactement combien mais finalement par rapport aux autres territoires français, quand j’ai analysé les données récoltées par les Naturalistes, nous pouvons nous rendre compte que c’est un site d’importance mondiale. » Mayotte étant un territoire complexe de 170 plages, le recensement des tortues y est compliqué. Six personnes seulement recensent une fois par semaine le nombre de tortues et d’œufs sur les plages. La science participative est la source la plus active de données sur les tortues mahoraises. « Vous êtes face à un petit territoire mais qui a tout de même énormément de plages, pas forcément facile d’accès. Le nombre de pontes à Mayotte a été totalement sous-estimé par rapport à la réalité. Un réel travail d’analyse va être fait à l’avenir », affirme Marc Girondot.

Des territoires à préserver

Le professeur a profité de la conférence pour faire le pont sur les autres territoires concernés par les recherches sur les tortues. « On a fait une synthèse, publiée l’année dernière, des tortues marines sur les territoires français. La Guyane, la Martinique ou encore la Guadeloupe, sont connues pour les tortues. La Polynésie aussi mais moins car il est compliqué de recenser les tortues là-bas. Mais deux archipels français sont très peu connus, et sont pourtant les sites les plus importants au monde pour les tortues. » Le professeur parle ici des îles Bellone et Chesterfield, deux îles françaises totalement inhabitées en Nouvelle-Calédonie. L’armée y fait une ronde chaque année. Depuis quatorze ans, les militaires amènent avec eux des scientifiques qui comptent les tortues. « Personne y allait, mais c’est pourtant le site le plus important au monde de ponte des tortues. Il y a presque 100.000 pontes chaque année sur ces îles. » Une synthèse sera publiée le mois prochain à ce sujet.

La volonté de relancer les recherches sur les tortues est importante pour Marc Girondot. Un programme informatique de reproduction du cycle de vie des tortues permettrait de mieux les suivre. Nommé vTurtles, cela permettrait aussi d’avoir plus de données et des statistiques plus précises.

« C’est ce qu’on voudrait appliquer à Mayotte, avec les données des Naturalistes, les données du département, du parc marin et de la science participative. L’objectif est d’obtenir une vision globale, sur le long terme de ce qu’il se passe à Mayotte », espère le professeur.

Le problème non résolu du braconnage

Le problème du braconnage des tortues se résout petit à petit un peu partout dans le monde, sauf à Mayotte. Le réseau d’échouage des tortues marines mahorais a pour but de recenser les tortues marines qui sont tuées par le braconnage. C’est un réseau connu de seulement 2 % des Mahorais, hébergé par le parc marin. La situation du braconnage peut être réglée selon Marc Girondot. Selon lui, il faudrait investir dans la technologie, qui pourrait être la clé dans la lutte contre le braconnage. « Envoyer des gens sur les plages à Mayotte, non, ce ne serait pas efficace, mais envoyer des drones, oui. Le jour où le braconnier aura un drone qui tournera autour de lui, il n’appréciera pas trop. »  Au moins dans un premier temps. Il affirme que le braconnage est un résultat de conséquences sociales. La précarité jouerait un rôle majeur selon lui dans le nombre de tortues braconnées chaque année. « Il y a une mythologie autour du braconnier. Il ne fait pas ça parce que ça l’amuse, mais parce que c’est son seul moyen de subsister. La solution ne passe pas seulement par de la répression, mais par les composantes sociales ou sociétales. »

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