Sur les routes de la difficile collecte des déchets à Mayotte

Chargé de collecter les déchets, le Syndicat intercommunal d’élimination et de valorisation des déchets de Mayotte (Sidevam976) quadrille une majeure partie de l’île avec ses camions. En rencontrant parfois quelques difficultés. Reportage.

Ils sont sur les routes mahoraises depuis 5h, ce matin-là. Soibaha est au volant, Ali Moussa et Assani Selemani derrière le camion de 19 tonnes. Tant bien que mal, les employés du Sidevam976 se frayent un chemin dans les rues étroites et souvent pentues d’Hamjago. Ce jour-là, avec une autre équipe, ils sont chargés de ramasser les poubelles des villages de la commune de M’tsamboro, une tournée assurée habituellement trois fois par semaine. « Dans la partie nord, d’Acoua à Bandraboua, il y a douze rippeurs (ramasseurs) et sept chauffeurs », répertorie Issa Mahamadou, chef d’un grand secteur qui comprend aussi toute la commune de Koungou. Quand deux équipes se partagent la commune de M’tsamboro le matin, deux autres prennent les mêmes camions l’après-midi pour sillonner les villages d’Acoua. Quant au « minibom » (pour mini-benne à ordures ménagères) de dix tonnes, il s’occupe des chemins trop escarpés pour les deux plus grands camions.

Originaire de la commune, Soibaha fait d’ailleurs descendre lentement le sien. Les freins sont souvent sollicités, les poubelles se trouvent à quelques mètres les unes des autres. Les automobilistes coincés derrière ne peuvent que prendre leur mal en patience. Surtout que le ramadan n’est pas encore terminé, les sacs sont davantage pleins qu’usuellement. « Pendant cette période, on pourrait penser que le volume descend. C’est tout le contraire, on le triple, comme lors de la période des manzarakas », constate le chef de secteur. Les deux rippeurs, masques sur le nez, placent chaque poubelle sur le bras du camion qui soulève et retourne facilement le contenant bleu qui se déverse dans la benne. Le recyclage des déchets étant faible sur l’île, une bonne partie finit à l’ISDND (installation de stockage des déchets non dangereux) de Dzoumogné, le seul site d’enfouissement de l’île.  Soibaha rigole quand on lui demande comment il supporte l’odeur. « On a l’habitude », admet-il, avant de montrer ses feuilles de suivi. Outre le tonnage final, il est indiqué l’état du camion pour en assurer la maintenance ou les réparations. Il note aussi les difficultés rencontrées pendant la tournée et les signale à ces chefs. Quand elles sont trop importantes, une rue risque de ne pas voir la collecte se faire.

Bloquées par les foires

Quelques kilomètres plus loin, la tension monte. Dans la rue de la Mairie, à M’tsamboro, les tentes de la foire du ramadan font obstacle au passage des véhicules. La municipalité a mis en place une déviation qui passe par la rue du front de mer, mais l’entrée est trop étroite pour le camion de 19 tonnes de l’autre équipe. Elle est obligée de s’adapter en faisant un détour pour rentrer vider les bacs au milieu des tentes. Car en plus, la mairie n’a pas jugé judicieux de déplacer les poubelles à l’extérieur du périmètre de la manifestation. « C’est bien, vous voyez les difficultés qu’on rencontre au quotidien », admet Issa Mahamadou, qui est en contact quasi-permanent avec les communes, que ce soient élus ou administratifs chargés des déchets, les services techniques et même la police municipale. Avec Assani Ali, le coordinateur du nord, ils tentent de trouver des solutions pour respecter le maximum de points de collecte. « La plus grosse difficulté, c’est le stationnement », font remarquer les deux hommes, qui en veulent pour preuve ces voitures assez rangées pour laisser passer des voitures, mais pas les camions. Et en effet, celui du Sidevam976 s’engage dans les petites ruelles du bourg en arrachant quelques guirlandes au passage. Issa Mahamadou suit ça un peu désabusé. Il prône des aménagements dans les communes, ne serait-ce qu’en encourageant les habitants à couper les branches des arbres ou à éviter des murs trop près de la route, pour ne pas endommager les camions trop souvent mis au garage. Autre point bloquant, des rues sont parfois tellement étroites qu’il faut rentrer en marche arrière. C’est le cas dans la rue Mdjori, dans le centre de M’tsamboro, qui oblige le 19 tonnes à remonter la pente avec cette manœuvre. « On essaie d’en faire le moins possible », concède le chef de secteur. Heureusement, ce jour-là, les grilles chancelantes des caniveaux ont été changées. « Il y a peu, elles bougeaient quand le camion passait », poursuit-il.

Peu avant midi, les camions passent les derniers points de collecte. En tout, ils ont ramassé 21 tonnes de déchets ce jour-là, rien que sur la commune de M’tsamboro.

Un manque de bacs sur la commune de Koungou

Le secteur d’Issa Mahamoudou comprend aussi tous les villages allant de Longoni à Majicavo-Lamir. Cette zone plus urbanisée concentre d’autres difficultés, reconnaît le chef de secteur. Des quartiers comme Majicavo-Dubaï sont difficilement accessibles pour les camions du Sidevam et des montagnes de déchets s’y accumulent avec le temps. Lee manque de bacs est également problématique. « Quand les jeunes nous voient installer des nouveaux, ils nous disent : « Tiens, vous nous ramenez des fagots » », déplore le chef de secteur. Souvent incendiés et placés sur la voie pour en faire des barrages, les bacs sont souvent détruits. Les agents du Sidevam sont obligés de ramasser les sacs à même le sol, voire d’utiliser des râteaux pour collecter le plus de déchets. Le syndicat espère avoir trouvé la parade en installant une quinzaine de bacs en aluminium cette fois, fixés à des rails au sol. Selon le président du syndicat, Houssamoudi Abdallah, ils ont déjà résisté à l’épreuve du feu, le mardi 25 avril, lors d’affrontements et forces de l’ordre, à Majicavo-Koropa. Car, hormis des traces de brûlures, ils sont peu endommagés et n’ont pas été bougés.

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