La Ville de Koungou est partie du constat que les pratiques agricoles favorisent l’envasement du lagon. Dans le même temps, elle souhaite limiter la progression des constructions anarchiques, insérer les habitants éloignés de l’emploi tout en permettant aux agriculteurs de structurer et de développer leur activité. Pour répondre à tous ces enjeux, elle vient de lancer un projet nommé Quartier fertile.
« Les pratiques culturales autour du village de Majicavo-Koropa appauvrissent les sols et entraînent un envasement du lagon dus à une érosion renforcée par la mise à nu des sols. » C’est de ce constat qu’est partie la Ville de Koungou avant de lancer son projet nommé « Quartier fertile ». Et ce n’est pas le seul qu’elle a dressé. Avec 36 % de la population de Koungou – qui compte 32.000 habitants – Majicavo-Koropa est le village le plus peuplé. Mais l’offre de logement n’est pas capable d’absorber toute la population. Les espaces naturels et agricoles sont ainsi progressivement occupés par des constructions anarchiques. « Sur les 17 hectares de surface agricole de la commune, 2,5 sont occupés par des bangas », souligne William Mamokoro, chargé de projets agricoles au sein d’une commune atteint par un niveau de chômage élevé.
Dans le même temps, un tiers des ménages dépendent de l’agriculture. Mais moins de 35 % des exploitations sont déclarées. C’est donc aussi pour limiter l’urbanisation, favoriser l’insertion socio-économique des populations éloignées de l’emploi et sortir les producteurs de l’économie informelle, en les aidant à structurer leur activité, que la Ville a lancé son projet tourné vers l’agriculture.
Clôturer les parcelles et placer des surveillants
Hourmatie Assane, agricultrice depuis 2008, fait partie des exploitants accompagnés dans ce cadre. Sur une parcelle d’un demi-hectare, elle cultive du manioc, du maïs et des ananas. « Auparavant, je vendais les fruits et légumes chez moi. Mais aujourd’hui, la production sert uniquement à nourrir ma famille. On n’a plus assez de quantité, on se fait voler près de 70 % de ce qu’on cultive », désespère-t-elle. Pour sécuriser sa parcelle et lui permettre de se professionnaliser en augmentant la productivité de son exploitation, la Ville de Koungou souhaite d’abord sanctuariser les espaces agricoles aménagés. « L’idée est d’uniformiser les parcelles, d’aménager des pistes d’accès, et d’y installer durablement des producteurs. Au total, douze petits agriculteurs, qui ne bénéficient aujourd’hui d’aucune aide, seront accompagnés. L’objectif est de rendre ces exploitations viables économiquement », souligne William Mamokoro. La commune envisage de clôturer leurs exploitations et d’insérer professionnellement les habitants des bangas, qui se situent aux alentours, en leur proposant de surveiller les terres agricoles pour lutter contre les vols. En parallèle, Koungou a signé une convention avec le service pénitentiaire d’insertion et de probation de Mayotte pour faire travailler au moins cinq tigistes par an. Ces personnes condamnées par la justice à effectuer des travaux d’intérêt général pourront, dans ce cadre, remettre en état les parcelles en friche.
Déclarer les agriculteurs
Pour permettre aux agriculteurs d’aller vers une professionnalisation de leur activité, la Ville souhaite également les enregistrer auprès de l’Urssaf pour qu’ils aient un numéro Siret, mais aussi les faire connaître auprès de la chambre d’agriculture et les aider dans les démarches pour qu’ils obtiennent des aides de la Politique agricole commune (PAC). « L’idée est, en parallèle, de les former, notamment au sein du lycée agricole de Coconi afin qu’ils adoptent de nouvelles pratiques, plus respectueuses de l’environnement », poursuit le chargé des projets agricoles.
Le programme, sélectionné dans le cadre de l’appel à projet « les quartiers fertiles » dont l’un des objectifs est de déployer l’agriculture urbaine et périurbaine dans les quartiers prioritaires, est financé pour moitié par l’agence nationale de renouvellement urbain. Le reste est pris en charge par la Ville de Koungou.