Pendant un mois, le Marion Dufresne II, est devenue une école à l’échelle de l’océan Indien. Le navire de la flotte océanographique française a accueilli 75 étudiants et des professeurs de plusieurs pays afin d’échanger leurs savoirs avec des scientifiques. Des Mahorais et des Mahoraises, comme Radhua Rachidi, ont eu la chance de participer à l’aventure durant les observations faites à Mayotte, autour du volcan sous-marin. Témoignage.
« L’histoire du volcan sous-marin, on ne se sentait pas assez concernés. On n’en entendait seulement parler par des articles et un peu en cours. Alors que maintenant, on peut servir d’intermédiaire entre les scientifiques et la population. » Le regard que porte Radhua Rachidi sur son île a changé depuis quelques jours. A 21 ans, l’étudiante de Chiconi, qui vient de terminer sa licence Géographie et aménagement au CUFR de Dembéni, fait partie des quatre filles de sa promotion retenues pour passer deux semaines sur le navire Marion Dufresne II, du 9 au 23 juillet. Et le séjour en bateau n’a pas été de tout repos. « Au début, c’était difficile. Beaucoup avait le mal de mer et n’ont pas pu quitter leurs chambres les deux premiers jours. Il n’y a que les matelots de l’école maritime qui étaient habitués », raconte-elle. « J’ai eu des maux de tête pendant trois jours, et puis, c’est passé. » La jeune femme explique que l’équipage est resté « spécifiquement sur Petite-Terre » pendant son séjour, sur trois zones concernées par l’éruption du volcan sous-marin toujours en cours depuis 2018. « On est allés une fois dans le nord, du côté de Majicavo. »
Sur le navire, « les deux semaines ont été rythmées par les TD (N.D.L.R. travaux dirigés) le matin, les ateliers culturels l’après-midi et des conférences le soir », énumère l’étudiante qui entamera un master à La Réunion à la rentrée. Au cours des travaux dirigés, elle a dû travailler en équipe avec deux doctorants originaires de Tanzanie et Maurice et spécialisés dans l’étude des coraux, et une autre étudiante mahoraise en sciences de la vie. Au programme, des cours sur les séismes pour comprendre ce phénomène et savoir ce qui se passe sous leurs pieds, de la manipulation de logiciels ou des études de la composition de l’eau grâce à la rosette (un équipement comportant des bouteilles d’eau plongé dans la mer). Dans ce cadre très scientifique, les étudiants en sciences de la vie, en géographie et même en arts ont dû cohabiter.
« On était tous scotchés à l’écran pour voir le volcan »
Du bateau, elle en garde d’excellents souvenirs. « Il est magnifique », dit-elle avec enthousiasme. Et même si le Covid-19 a placé en isolement une partie de l’équipage, il y régnait « une belle ambiance ». Un bar, une salle de sports, des animations à bord organisées par d’autres étudiants, le temps passé à bord a filé vite pour celle qui a eu la chance d’être seule dans sa cabine après à un désistement de dernière minute. Les machines, les apprentis marins ont aussi pu les voir lors d’une visite, tout comme le fameux volcan. « Ils ont envoyé une caméra pour aller dans les profondeurs. On a suivi les images depuis le poste de commandement. On était tous scotchés à l’écran pour voir le volcan », se souvient-elle.
Leur présence en mer s’est terminée, le dernier soir, par une restitution par groupe. Celui de Radhua a enregistré un podcast « pour raconter la vie à bord ». La Mahoraise a aussi écrit « un poème en kiboushi, que l’élève tanzanien a ensuite traduit en swahili ». Sur le navire un peu retrait, des étudiants en arts ont aussi travaillé sur leur propre restitution. Elle est d’ores et déjà prévue, le 21 octobre, au CUFR de Dembéni. Une partie des étudiants n’étant plus sur le campus à la rentrée prochaine, la possibilité de la visionner à distance leur a déjà été proposée.
De son côté, la vie pendant deux semaines sur le bateau a ouvert de nouvelles perspectives pour l’étudiante en géographie. « Je me voyais plutôt dans l’aménagement du territoire. Mais c’est vrai que ça donne envie de se spécialiser dans les volcans », reconnaît la jeune Mahoraise, qui ne regardera plus la mer de la même manière.
Une grande aventure aussi pour les encadrants
Cette ambiance particulière sur le Marion Dufresne II, du 28 juin ou 27 juillet, n’a pas plu uniquement aux étudiants. Les scientifiques et encadrants en sont également sortis ravis, comme ils ont pu l’exprimer, mercredi, lors d’une visioconférence depuis La Réunion. Pascale Chabanet, de l’IRD (Institut de recherche pour le développement) La Réunion, estime avoir vécu par exemple « une aventure magnifique » et « une expérience extrêmement enrichissante »
Le ministère des Outre-mer et l’Agence française de développement (AFD), qui est à l’origine de cette école Bleu Outremer, sont d’ailleurs tentés de la renouveler à l’horizon 2024.
Romain Guille est un journaliste avec plus de 10 ans d'expérience dans le domaine, ayant travaillé pour plusieurs publications en France métropolitaine et à Mayotte comme L'Observateur, Mayotte Hebdo et Flash Infos, où il a acquis une expertise dans la production de contenu engageant et informatif pour une variété de publics.