« On avait déjà besoin de reforester, maintenant la tâche est multipliée »

Le cyclone Chido a détruit une majeure partie des arbres de l’île. Si cela a un impact direct sur le paysage, la destruction de cette nature va également entraîner de nombreuses conséquences sur le reste de la biodiversité et sur les ressources.

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Michel Charpentier est le président de l’association Les Naturalistes.

Les forêts détruites

“Soit les arbres ont été arrachés, soit ils ont été complètement effeuillés.” C’est le terrible constat qu’a pu faire l’ensemble des habitants ainsi que Michel Charpentier, président de l’association environnementale Les Naturalistes, une fois le cyclone Chido passé sur Mayotte. Si la saison des pluies va permettre la repousse d’une partie des plantes, il faudra plusieurs années, selon lui, pour que l’île retrouve son visage. L’association est en train, avec les autres acteurs environnementaux, de penser à un protocole de bilan, notamment pour les zones à haute priorité écologique, comme les réserves nationales de l’îlot Mbouzi et des forêts de Mayotte. “Nous devons faire un inventaire précis, et voir dans quelles mesures les espèces patrimoniales ont été touchées”, explique le président, qui ajoute que ce n’est qu’après que des opérations de plantation d’arbres pourront être faites. “On avait déjà besoin de reforester, maintenant la tâche est multipliée”, souffle-t-il.

Une faune meurtrie

Un travail nécessaire, car la destruction des arbres implique plusieurs conséquences, notamment sur la faune. Les animaux frugivores, comme les makis et les roussettes, n’ont plus de garde-manger depuis le passage du cyclone. “Il n’y a plus de fruits dans les arbres, et on voit de plus en plus de makis au sol, se rapprocher des villages”, constate Michel Charpentier. Si une partie de ces animaux a dû être directement impactés au moment du cyclone, le défenseur de l’environnement s’attend à ce que la mortalité soit encore plus importante dans les semaines à venir à cause du manque de nourriture. “Il va aussi y avoir un problème dans les zones de nichage pour les oiseaux, compte tenu de la destruction”, ajoute-t-il sur ce point. Ce constat est général car la totalité du territoire ayant été “désorganisée”, le mode de vie de l’ensemble des espèces va être perturbé. Concernant les tortues, particulièrement défendues par l’association, Michel Charpentier attend de voir l’état des herbiers pour véritablement se prononcer. “Si les herbiers sont détruits, ce qui est fort probable, les tortues vertes qui venaient se nourrir à Mayotte n’auront plus à manger”, redoute-t-il.

Une érosion accentuée

La destruction de la flore, notamment des arbres, va également avoir un impact direct sur l’érosion.  “Les racines ne retiennent plus la terre, ce qui favorise les glissements de terrain pendant la saison des pluies”, indique Michel Charpentier. Il faut ainsi s’attendre à davantage d’érosion des sols et à un envasement du lagon plus important.

Un impact sur la ressource en eau

L’absence d’arbres freine également l’infiltration de l’eau dans le sol, permise par les racines. Selon le défenseur de l’environnement, cela risque d’avoir un impact direct sur la ressource en eau. “Sur une zone dévastée, il n’y a plus rien pour freiner l’énergie des pluies. L’eau va donc glisser vers le lagon, sans avoir le temps de remplir les nappes phréatiques. C’est une eau qui va tomber sur Mayotte sans nous être utiles”, s’inquiète-t-il pour la population mahoraise, qui a déjà souffert de la crise de l’eau. De plus, les arbres contribuent aux précipitations avec le phénomène d’évapotranspiration. C’est le fait que l’humidité des arbres s’évapore et contribue à former les nuages. S’il ne s’agit que d’un des facteurs permettant les précipitations, il n’est pas impossible que l’absence d’arbres et la réduction donc de l’évapotranspiration aient un impact sur la quantité de pluie tombant sur le territoire.

Ne pas oublier la nature

C’est pour toutes ces raisons que Michel Charpentier tient à rappeler qu’il va être important que le secteur environnemental soit aussi aidé. “C’est normal et on comprend tout à fait que la priorité pour l’instant est de sauver les vies humaines. Mais il ne faudra pas que ce soit au détriment de la biodiversité. Il faudra qu’une partie des financements permettent de restaurer la biodiversité locale”, explique-t-il. “Il ne faut pas s’accommoder de la destruction de la nature. Il faut sauvegarder le patrimoine naturel qui fait la beauté et la réputation de Mayotte. La préservation de la nature, c’est la préservation de ses avantages, dont la ressource en eau.”

Opération de nettoyage à l’îlot Mbouzi vendredi et samedi

Si les locaux des Naturalistes ont été plus ou moins épargnés, la réserve naturelle nationale de l’îlot Mbouzi, dont l’association est gestionnaire, a été mise à mal par le cyclone. De nombreux déchets et débris conduits dans le lagon par la tempête sont désormais échoués sur les plages de l’îlot et le sentier pédagogique accueillant habituellement les visiteurs a été complètement obstrué par les arbres tombés. Ce vendredi et ce samedi, l’association organise donc une opération de nettoyage du sentier avec les bénévoles de l’association. Puisque le bateau de la réserve a été détruit par le cyclone, les places seront limitées à 12 à 14 personnes. Pour s’inscrire, il est possible de contacter le conservateur de la réserve par mail conservateur@naturemay.org ou par téléphone 06 51 83 30 13.

Journaliste à Mayotte depuis septembre 2023. Passionnée par les sujets environnementaux et sociétaux. Aime autant raconter Mayotte par écrit et que par vidéo. Quand je ne suis pas en train d’écrire ou de filmer la nature, vous me trouverez dedans.

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