« L’office de l’eau permet de détenir une vision du territoire pour le territoire »

Alors qu’un office de l’eau a vu le jour le 15 octobre à Mayotte, cette instance existe déjà dans d’autres territoires ultramarins, comme à La Réunion. Son directeur général, Faycal Badat, explique le rôle de son institution et comment elle tente de maintenir un approvisionnement en eau sur l’ensemble de son territoire. Interview.  

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Nadjayedine Sidi, le conseiller départemental du canton de Mamoudzou 3, est le président du tout nouvel office de l’eau de Mayotte.

Flash Infos : L’office de l’eau vient de voir le jour à Mayotte. Depuis quand existe celui de La Réunion ?  

Faycal Badat : L’office de l’eau de La Réunion existe depuis 2003 comme dans les autres départements d’Outre-Mer. En effet, grâce à la loi d’orientation pour l’Outre-mer de 2000, il a été décidé par le législateur de créer un office dans chaque territoire ultramarin. En 2023, le conseil départemental de Mayotte a motivé la création du sien. L’office de l’eau a les mêmes équivalences que les agences de l’eau en Hexagone avec les missions cadrées par le Code de l’environnement. Elle concerne toutes les observations des ressources en eau et de la biodiversité aquatique. Il y a tout un travail de connaissance et de production de la connaissance. Un second volet comprend l’appui et l’expertise, ainsi que la formation et la sensibilisation. Un troisième est financier avec l’appui aux financements des travaux sur le territoire.  

F.I. : De quelle manière les Réunionnais sont associés au développement du réseau de l’île ?  

F.B. : Il y a plusieurs possibilités. L’office de l’eau réunionnais est un établissement public local régi par un conseil d’administration. Ce conseil est une émanation du comité de l’eau et de la biodiversité qui est un parlement de l’eau à l’échelle du territoire. C’est une représentation de la société économique et politique. Il y a aussi un collège des élus et d’associations. C’est au travers de celui-ci que la population se retrouve. D’où l’outil de gouvernance et de représentation au sein du conseil d’administration de la société. En Hexagone, il existe deux instances, le comité de bassin et le comité régional de la biodiversité. Avec la loi NOTRe (Nouvelle organisation territoriale de la République), en Outre-mer, il a été décidé de les fusionner. Nos actions en faveur de la population passent aussi par l’approche de la mise à disposition de la connaissance. Ce qui fait partie d’une obligation d’un office de l’eau, d’en produire et de la diffuser, pour faire prendre conscience de la valeur de la ressource en eau. Il y a aussi une approche financière, celle de participer au financement des études et des travaux.  

 F.I. : Votre structure fonctionne avec une redevance en eau payée par les usagers, avez-vous d’autres moyens financiers pour assurer vos missions. Est-ce que cela a fait augmenter la facture des Réunionnais ?  

F.B. : Si on regarde toutes les redevances qu’il existe, il y a en a une dizaine. C’est vrai que la facture d’eau est impactée par certaines redevances. Ce système est basé sur la solidarité, selon le principe du pollueur-payeur. Si on prend de l’eau dans son milieu naturel pour des usages domestiques, industriels, agricoles ou énergétiques, on la « pollue ». C’est-à-dire qu’on change sa qualité. À ce titre, les usagers sont soumis à une rétribution. Plusieurs redevances sont spécifiquement orientées vers les acteurs économiques comme les industriels ou par exemples, les pêcheurs. La pêche à la rivière à La Réunion est une activité qui vient modifier l’équilibre d’un cours d’eau, donc on paie une redevance. On redistribue cet argent sous forme de subvention. À l’office de l’eau de La Réunion, nous sommes à notre quatrième cycle de gestion. 98% de cet argent est destiné aux missions d’amélioration d’eau potable et de traitement d’eau potable et d’eaux usées. Une petite partie est dédiée aux actions de sensibilisation. Est-ce que la population de Mayotte est en capacité de payer les redevances ? C’est une question à se poser. Pour notre part, l’office réunionnais n’a appliqué ses redevances qu’à partir de 2005, soit deux ans après sa création.  

F.I. : À Mayotte, la question de l’eau est suivie par un comité de suivi de la ressource en eau piloté par la préfecture. Qu’est-ce que l’office peut faire de mieux ? 

F.B. : L’office de l’eau permet de détenir une vision du territoire pour le territoire. Les agences de l’eau, elles, sont sous la tutelle de l’État. Les offices de l’eau eux sont rattachés au Département ou par une collectivité unique. Ce qui est important, c’est l’ancrage sur le territoire, on agit pour son bénéfice, alors que les orientations des services déconcentrés de l’État sont parfois génériques. Chaque territoire a sa spécificité, l’avantage de l’office est de pouvoir s’ajuster au territoire.  

F.I. : Est-ce qu’il y aura une forme de collaboration entre les offices réunionnais et mahorais ?  

F.B. : L’idée est d’accompagner la montée en charge de l’office de l’eau de Mayotte. Cela prend forme aujourd’hui par des ateliers de travail du partage de ressources. Nous travaillons également sur une convention de partenariat pour officialiser notre collaboration. Un échange est entamé depuis le mois de mars. Le 15 octobre, j’ai été convié à la séance d’installation du conseil d’administration de l’office de l’eau mahorais, mais il ne s’agit pas de calquer les deux modèles. Il n’y a que ceux qui vivent à Mayotte qui connaissent leur réalité. Nous ne sommes pas donneurs de leçons. Le contexte social et économique de Mayotte n’est pas celui de La Réunion, ni de la Martinique. Demain, l’instance mahoraise aura des missions opérationnelles différentes de ce qu’on fait à La Réunion et c’est tout à fait normal.  

F.I. : En se renvoyant la balle par le passé, État, syndicat des eaux et délégataire ont entrainé la crise que l’on connait aujourd’hui à Mayotte. Comment un office pourrait empêcher cela ?   

F.B. : Le dérèglement climatique fait que nous devons nous adapter aux différents contextes. On est contraint de faire évoluer nos pratiques en fonction des exigences de demain. Des périodes de sècheresse plus grandes, des périodes de plus en plus intenses, en tant qu’île, l’élévation du niveau de la mer va venir impacter la ressource en eau. Il y a donc de nouvelles exigences à intégrer dans nos stratégies d’action. Est-ce que l’office de l’eau va être la solution ? Il contribuera à améliorer la situation, mais sa pertinence dépendra de sa synergie avec les acteurs de l’eau. Il faut créer un écosystème d’acteurs. Ce n’est pas l’office de l’eau qui va distribuer l’eau dans le robinet des Mahorais, même s’il a une mission de préservation et d’optimisation de ressources en eau. Il doit aussi faire évoluer les comportements des habitants, car nous ne pouvons plus faire comme avant.  

Journaliste, aussi passionné par les paysages de Mayotte que par sa culture. J’ai toujours une musique de rap en tête.

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