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Afin de ne pas se retrouver comme l’année dernière avec peu d’eau dans les retenues, ici à Combani, le syndicat Les Eaux de Mayotte a multiplié les chantiers sur l’île.

Pressé par les autorités d’accélérer son plan d’investissement et d’entamer des travaux d’urgence, le syndicat Les Eaux de Mayotte a lancé des chantiers un peu partout sur l’île. Forages, captage, retenue collinaire d’Ourovéni, usine de dessalement d’Ironi Bé, la chasse au mètre-cube est lancée en espérant mettre un terme aux tours d’eau en 2026. Retrouvez le dossier sur l’eau dans le prochain numéro de Mayotte Hebdo : « L’an III de l’ère des kapoks ».

Un captage bienvenu

En service depuis novembre 2023, le captage de rivière à Soulou a été l’un des premiers chantiers en lien avec la crise de l’eau. Alors que la ressource commençait à manquer, les autorités ont incité le syndicat Les Eaux de Mayotte, présidé par Fahardine Ahamada, à accélérer les investissements prévus pour certains depuis un long moment.  Et si cette année, la sécheresse n’est plus un problème, le déficit entre la production journalière (40.000 m3/jour) et la consommation (estimée à 44.000 m3, voire plus) invite l’ex-Smeam à ne pas lever le pied. A l’image du captage, les moyens sont mis pour qu’un jour, les coupures d’eau soient un mauvais souvenir, elles qui sont discontinues depuis deux ans maintenant.

« Toute la procédure a été réexaminée afin d’anticiper toutes le tâches », explique ainsi Ibrahim Aboubacar, le directeur général des services du syndicat Les Eaux de Mayotte au sujet des forages par exemple.

Des forages prometteurs

Justement, l’une des premières actions décidées avec la crise de l’eau a été la relance de la sixième campagne. Il n’y en avait pas eu de forage sur le territoire depuis 2014. Et le syndicat est plutôt optimiste au vu des premiers résultats. Sur les dix, on connaît le rendement des quatre premiers. Si le premier à Coconi donne peu (le rendement est de 192 m3/jour) et celui de Dembéni rien du tout, les bonnes nouvelles viennent de Bouyouni (960m3/jour) et surtout Combani (1.600 m3/jour). « La production attendue sur le total des dix forages est de 3.500m3/jour, on devrait donc facilement les dépasser », estime Steeves Guy, le nouveau directeur des services techniques du syndicat. Le raccordement en réseau permettra d’injecter l’eau depuis Combani « à la fin octobre » et à Bouyouni en « mars, avril 2025 ». Autre bonne nouvelle, la qualité des eaux ne nécessitera pas de traitement particulier autre qu’une chloruration. Ensuite, Mitséni, M’bouini, Anketabe, M’roalé, M’ronabéja et Bandrélé sont les six suivants pour cette campagne.

Alors qu’en parallèle, des forages « d’urgence » comme celui de Coconi 2 (300m3/jour) sont effectués, la septième campagne ne tardera pas non plus. Elle est annoncée comme plus importante que les précédentes avec une vingtaine de forages prévus, pour lesquels le bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) recherche déjà les sites sur tout Mayotte.

Une usine tant attendue

Le projet fait grincer des dents pour ses conséquences environnementales à la fois sur la mangrove, le crabier blanc (une espèce endémique protégée) et le rejet de saumure dans le lagon. L’usine de dessalement d’eau de mer d’Ironi Bé, la deuxième de Mayotte après Pamandzi, Un dossier environnemental est en cours de réalisation et sera connu fin septembre. Avec une production attendue de 10.000m3/jour (avec possibilité de l’étendre à 16.000m3), l’infrastructure est la solution attendue pour mettre fin aux tours d’eau, même si cela s’avère coûteux. « Ce n’est pas par plaisir. A date, on ne peut pas faire autrement pour mettre fin aux tours d’eau On doit mobiliser les ressources au plus vite », rappelle le directeur du syndicat et ex-député. Car l’intérêt dans ce projet est de pouvoir compter sur une production qui ne sera pas touchée comme peuvent l’être les retenues collinaires.

La nouveauté ici est de passer par un marché global de performance. A savoir que c’est un outil clé en main qui a été demandé, puis retenu au mois de juillet, en l’occurrence celui de Stereau, une filiale du groupe Saur. L’autre marché concernant l’usine et notamment la réalisation de sa plateforme d’accueil a été attribué à l’entreprise Negri, basée à Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône).

La retenue prévue en 2030

Au sud du lac Karihani, la retenue d’Ourovéni sera la troisième de Grande-Terre, après Combani et Dzoumogné. D’une capacité théorique de 3,5 millions de mètres-cube, elle dépassera les deux autres réunies. Si l’acquisition du foncier (le site fait 55 hectares) posait problème, une déclaration d’utilité publique (DUP) est désormais en cours et va permettre des expropriations. « 60% des ventes de terrains se font à l’amiable, les 40% restantes sont compliquées par les indivisions », fait remarquer Ibrahim Aboubacar. Selon le directeur, le projet de retenue suit toujours un horizon « 2030 ». « Il faudra deux ans pour qu’elle se remplisse », prévient-il toutefois.

Notre dossier sur la crise de l’eau et ses conséquences sont à lire gratuitement dans le Mayotte Hebdo n°1101 : « L’an III de l’ère des kapoks ».

Des financements injectés par l’État

On le sait, la construction de nouvelles infrastructures coûtent cher. Le syndicat, même s’il a vu sa situation financière s’améliorer, a signé un contrat de progrès pour 411 millions d’euros avec l’État en août 2022. Celui-ci court jusqu’en 2026. Chaque année, dix millions sont ainsi versés par l’État. Pour cette année, et en réaction à la crise de 2023, une enveloppe exceptionnelle de 75 millions d’euros s’y ajoute. Le syndicat espère même atteindre le seuil total de 96 millions d’euros par l’intermédiaire d’une nouvelle convention. « Il faut faire ça maintenant parce qu’on n’a pas de lisibilité. On ne sait pas quels seront les financements à l’avenir », explique Steeves Guy.

Les locaux de la SMAE bloqués ce jeudi matin

Chadhouli Youssouf, un éducateur sportif du nord de Mayotte, n’a pas apprécié la facture d’eau élevée envoyée à sa mère au milieu du mois d’août (une mauvaise surprise que plusieurs consommateurs de la SMAE ont vécue et qui serait lié à un index anormalement augmenté). Il a d’autant moins aimé que l’eau soit coupée à sa parente qui vit à Hamjago sans prévenir, ce mercredi. Ce jeudi matin, avant l’ouverture des locaux de la Société mahoraise, il a installé une corde et s’est placé devant l’entrée. Selon le protestataire, la SMAE lui aurait indiqué qu’il s’agirait « d’une erreur de compréhension du technicien ». Ayant filmé la scène, l’éducateur sportif qui a bloqué le site plus d’une heure a réussi à se faire entendre. Une équipe du délégataire du syndicat Les Eaux de Mayotte s’est rendue chez sa mère « pour remettre le compteur en état et aussi faire un diagnostic ».

FI-Syndicat-eau-5.pdf

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