Le dugong, cet animal mystérieux

A Mayotte, la population de dugongs est estimée à moins de dix individus. Considéré comme en danger dans le sud-ouest de l’océan Indien, le dugong est classé « vulnérable à l’extinction ». Afin de mieux connaitre ce mammifère marin, un plan national d’actions en faveur du dugong à Mayotte a été créé, et c’est l’association des Naturalistes qui a la charge de son animation.

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Léa Bernagou est l’animatrice dédiée au plan national d’actions en faveur du dugong à Mayotte.

Le dugong, mammifère marin, mesure en moyenne trois mètres, pour 450 kilos. Principalement herbivore, il se nourrit en moyenne de 30 à 40 kilos d’herbiers par jour. Avec une aire de répartition qui s’étend dans plus de quarante pays, cet animal marin possède des caractéristiques biologiques et un mode de vie côtier qui le rend vulnérable aux menaces. C’est avec le but de mieux le comprendre et le protéger qu’un plan national d’actions (PNA) en faveur du dugong, débuté en 2021 et mis en place jusqu’en 2025, est porté par l’association des Naturalistes de Mayotte. Mis en place et financé par la DEAL de Mayotte, il comporte deux grands objectifs qui sont de « limiter la mortalité des dugongs, en agissant sur les menaces directes, et améliorer les connaissances sur l’espèce et son habitat », explique Léa Bernagou, animatrice du PNA aux Naturalistes.

 « Les observations sont relativement rares »

Pourquoi si peu de dugongs à Mayotte ? La question peut se poser et plusieurs raisons être évoquées, sachant que sa population aurait été relativement abondante par le passé. « Il y a la dégradation de ses habitats, notamment les herbiers, qu’on appelle phanérogames marines, avec l’envasement du lagon », regrette l’animatrice. Outre la forte pression de braconnage du passé, d’autres menaces sont également présentes sur l’île, comme le piétinement et l’ancrage des bateaux sur les herbiers, le changement climatique, mais aussi les risques de collision avec les bateaux.  « Comme il semblerait en avoir peu, les observations sont relativement rares, donc l’étudier, c’est difficile », concède-t-elle.

En effet, il semblerait qu’il y ait moins d’une dizaine de dugongs dans les eaux mahoraises. Afin de mieux connaitre la population du mammifère dans le lagon, une enquête a été menée auprès des pêcheurs. « On leur a demandé à combien ils estimaient la population du dugong : moins de 10, entre 10 et 20 ou plus de 20 », explique l’animatrice. Les résultats de cette enquête montrent que d’après les pêcheurs, il y aurait moins de dix dugongs à Mayotte. Pour Léa Bernagou, « à la vue des données que l’on possède actuellement, cela semble conforter l’hypothèse de ce nombre ». Cette enquête a également été l’occasion de sensibiliser les pêcheurs et de récolter des données, car pour l’animatrice, ces derniers possèdent « beaucoup de données que n’ont pas forcément les prestataires nautiques ou les usagers du lagon ». En ont résulté la détermination d’une dizaine de sites cibles de fréquentation du mammifère, où sont effectués de la surveillance par drone et de la photo-identification.

ADN environnemental et génétique des populations

La génétique est également utilisée pour étudier et comprendre les dugongs. Une méthode de détection par ADN environnemental, en développement avec le Centre universitaire de formation et de recherche de Mayotte, permet de connaitre la présence, ou non, de dugongs. « Le principe est de récolter des petits échantillons d’eau dans lesquels on peut avoir des informations de présence », complète Léa Bernagou. Cette méthode innovante n’a jamais été utilisée sur ces mammifères. « Nous sommes en train de la développer à Mayotte, il faut qu’on prouve que la méthode fonctionne et l’idée est qu’elle soit déployée au niveau régional », confirme-t-elle.

Une seconde action, portant sur la génétique des populations, permet d’identifier si la population de Mayotte est liée avec celle de Madagascar ou des Comores, « s’il y a des échanges ou s’il y a des migrations entre les îles ». En parallèle, l’association est en cours de développement d’un protocole ULM avec pour but « d’estimer l’abondance et couvrir tout le lagon, afin de faire de la prospection du nombre de dugongs », note l’animatrice. Des études sur les herbiers sont également menées, en collaboration avec des bureaux d’études et le parc naturel marin de Mayotte. Depuis le lancement du plan national d’actions, des méthodes de suivi se sont développées, alors qu’il n’en existait pas auparavant. « Elles pourront servir pour les autres espèces de la mégafaune marine », conclut-elle.

Le dugong étant un mammifère marin protégé, pour toute personne, il est impératif de respecter la charte d’approche. Si vous apercevez un dugong, vous pouvez transmettre l’information aux Naturalistes de Mayotte.

Un projet de coopération régionale à Mohéli et au Mozambique

D’après Léa Bernagou, les Naturalistes souhaiteraient « avoir une vision régionale pour la conservation des dugongs car à Mayotte, nous ne savons pas si elle est viable et si, à terme, elle pourrait survivre ». Avec cet objectif, un projet de coopération régionale en faveur de la conservation du dugong dans la région sud-ouest de l’océan Indien est en cours. Il consiste à mener des actions pour acquérir de meilleures connaissances à Mohéli, Mayotte et au Mozambique. Début mai, une mission a été menée au parc national de Mohéli pour former trois agents au pilotage de drone. Une deuxième activité, avec le parc naturel marin de Mayotte, visait à former les agents au suivi des herbiers marins.

La troisième action portait sur l’échantillonnage de l’eau dans les sites cibles, afin de mettre en place le protocole d’ADN environnemental. L’objectif de cette mission étant d’homogénéiser les études à Mayotte et à Mohéli. Le but est de mener les actions en parallèle sur chaque territoire, pour obtenir des données similaires, renforcer les échanges sur les aspects techniques et scientifiques de gestion à une échelle régionale. Les Naturalistes travaillent également sur une exposition régionale sur les dugongs, qui proposera des panneaux thématiques généralistes et sur la situation de l’espèce à Mayotte, au Mozambique, aux Seychelles, aux Comores, à Madagascar.

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