La collecte des déchets de nouveau pénalisée par une grève

Une prime non répartie équitablement entre tous les agents du Sidevam (le syndicat intercommunal d’élimination et de valorisation des déchets de Mayotte) remet le feu aux poudres. Trois centres de collecte de déchets ménagers (Miréréni, Combani et Dzoumogné) ont été bloqués ce mercredi matin à l’appel de la fédération syndicale unitaire (FSU) qui promet d’intensifier son action à compter de ce jeudi et l’étendre à tout Mayotte. Le président du syndicat, Houssamoudine Abdallah, qualifie cette grève d’illégale mais laisse la porte entrouverte pour d’amples négociations.  

Alors même qu’une résurgence du choléra est annoncée dans les îles voisines des Comores, et que la population mahoraise se remet à peine (depuis quelques semaines) des relents nauséabonds, de la prolifération des rongeurs et des risques sanitaires en pagaille, une nouvelle crise de ramassage des ordures ménagers s’invite dans l’actualité locale, cette semaine. En effet, une partie significative du personnel préposé à cette tâche est passé en action et a cessé le travail, au terme d’un préavis de grève déposé le 10 octobre dernier. Le mouvement trouve racine avec une prime RIFSEEP (pour régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l’expertise et de l’engagement professionnel) réclamée depuis 2014 et obtenue à l’issue de la dernière grève et qui serait très « inéquitablement » répartie selon les grévistes. Délégué général FSU au sein du Sidevam, Kassim Abdoul Bastoi dit « Michel » est l’une des figures de proue de cette contestation. « Nous avons été conviés à une séance de travail, jeudi dernier, pour décider des modalités de mise en place de la prime, sauf qu’à notre grand étonnement, nous avons constaté que le président, le directeur général des services et les autres directeurs n’avaient nullement besoin de nous. Ils avaient tout préparé entre eux, des montants de 1.500 à 1.700 euros ont été accordés à ces derniers par le président Houssamoudine Abdallah et le personnel de catégorie C n’a eu droit qu’à des miettes de 50 à 300 euros. Ils ont oublié que ces bureaucrates ne courent aucun risque de maladie ou d’épidémie contrairement aux agents de terrain et que c’est grâce à leur combativité lors du dernier mouvement social que cette prime a été acceptée ».

« Nous n’avons pas d’autre choix »

Le syndicaliste exprime un sentiment partagé par d’autres agents en grève qui se disent prêt à durcir leur mouvement jusqu’à ce que les responsables du Sidevam consentent à revenir à la table des négociations pour revoir leurs propositions. « Nous comprenons bien que notre action va pénaliser toute la population mahoraise, mais nous n’avons pas d’autre choix pour nous faire entendre de nos responsables », fait remarquer le délégué syndical, qui ajoute ne pas perdre de vue le risque de propagation des maladies en cas d’amoncellement des ordures ménagers en période de pluies. Joint par nos soins, le président du syndicat explique, pour sa part, différemment les choses. Selon lui, ces disparités de montant dans l’attribution de cette prime RIFSEEP sont d’ordre réglementaire et répond à une obligation d’appliquer les textes du décret national relatif à cette affaire, laquelle s’impose à la fonction publique d’État, à la territoriale et hospitalière. « C’est un régime indemnitaire complexe qui détermine un montant maximal et minimal à attribuer aux agents selon les catégories dont ils relèvent, A, B et C, en tenant compte aussi de critères internes », se défend-il. Houssamoudine Abdallah rappelle que cette prime se monte à 160.000 euros en totalité sur une masse salariale globale de 1,2 million d’euros. Il argue également que la mesure n’a pas été aisée à mettre en place car les différents Sivom (Nord, Sud, Est, Ouest et centre) qui ont fusionné en un seul Sidevam n’étaient pas régis de la même manière et qu’au regard de la situation, certains agents risquaient de ne percevoir aucun euro. « Nous nous sommes fait assister d’un cabinet spécialisé qui nous a fait une première proposition en septembre, soit un mois après la signature du protocole de fin de grève. Elle ne satisfaisait aucune des parties en présence et il a fallu la retravailler pour obtenir une nouvelle mouture, dans le respect du calendrier que le Sidevam avait négocié avec organisations syndicales, le 30 août, à la levée de la dernière grève ».

Toujours selon ses déclarations, c’est dans cette impérieuse nécessité que le comité territorial social (instance consultative) a été convoqué le 9 octobre afin de permettre, ensuite, aux élus de la structure intercommunale de délibérer, sachant que les parties en présence avaient convenu en le 30 août d’une mise en place de cette prime le 1er janvier 2025 au plus tard. « Cette grève est illégale dans la mesure où le protocole d’accord signé par les syndicats non-grévistes indique bien que les discussions allaient se poursuivre sans mouvement de grève. C’est juste une méthode pour nous mettre en difficulté, la plupart des agents engagés dans ce mouvement ne savent pas pourquoi ils font grève. D’autant plus qu’auparavant, nous avons entamé un travail profond individuellement sur chaque cas », rajoute le président du syndicat. Outre une prime de 65 euros versé à chaque agent fin août dernier, il explique que tout le monde est gagnant dans cette affaire car la prime est de 300 euros minimum par agent. Il estime qu’il n’y avait pas nécessité d’un préavis de grève le 10 octobre courant dans la mesure où la porte reste encore ouverte à tous pour négocier.

Ainsi, ils étaient dix agents à bloquer le centre de collecte de déchets à Miréréni et Combani, ce mercredi, et quinze à Dzoumogné. Sur ce dernier lieu, le personnel non-gréviste s’est trouvé coincé sur le site et a été contraint de faire appel à la gendarmerie vers 10 heures pour faire rouvrir l’accès. Les grévistes promettent de durcir leurs actions à compter de ce jeudi et n’exclut pas d’étendre la fermeture à tous les sites de collecte de l’île. Affaire à suivre…

Journaliste politique & économique

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