L’ISDND : la solution mahoraise d’enfouissement des déchets

À l’heure où la majorité des départements français incinèrent leurs déchets, Mayotte a quant à elle opté pour l’enfouissement. Une solution plus adaptée à un territoire où les déchets ménagers ne sont pas correctement triés par la population et où beaucoup d’éco-organismes chargés de la revalorisation des déchets industriels manquent à l’appel. Le lieu d’enfouissement se situe à Dzoumogné, dans le nord de l’île, et se nomme ISDND pour installation de stockage des déchets non dangereux. Présentation d’une entité qui s’efforce également de valoriser autant que faire se peut les montagnes de déchets dont elle a la charge.

Lorsqu’on évoque le traitement des déchets à Mayotte, une vision désastreuse vient automatiquement à l’esprit. Et pour cause, il ne faut pas se mentir : l’île aux parfums est sale, il suffit de quitter quelques instants les routes nationales pour le constater. Une situation qui exaspère les habitants et fait fuir les touristes. Et pourtant, en bout de chaîne, il existe une structure extrêmement bien pensée chargée de l’enfouissement des déchets : l’installation de stockage des déchets non dangereux. Conçue pour éviter toute pollution des sols et des nappes phréatiques, elle est soumise à des contrôles réguliers de la direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement.

« L’ISDND a été ouverte en 2014 pour remplacer les cinq anciennes décharges sauvages de Mayotte où les déchets étaient brûlés sans respect des normes en vigueur en France », explique Sébastien Suchy, le directeur des entreprises sœurs Star Urahafu et Star Mayotte, appartenant toutes deux au groupe Suez. L’ISDND est une délégation de service public gérée par Star Urahafu dont le client est le Sidevam 976. Souffrant d’une image si catastrophique en raison de ses déficiences en matière de collecte, ce syndicat a donc quand même mis en place un système efficace de traitement et de revalorisation des ordures ménagères non triées et des déchets industriels banals (DIB). Ces derniers atterrissent à l’enfouissement quand il n’existe pas d’éco-organisme dédié à leur typologie à Mayotte. Ils constituent 4.3% du volume total des déchets enfouis à Dzoumogné.

Comment fonctionne l’ISDND ?

Le fonctionnement de l’ISDND repose sur une collaboration entre le Sidevam 976 et son délégataire, l’entreprise Star Urahafu. Les agents du syndicat ramassent les ordures à travers tout le territoire mahorais, à l’exception de la communauté d’agglomération de Dembéni-Mamoudzou, qui préfère faire appel à des entreprises privées (MAP et Enzo). Une fois collectées, les ordures sont acheminées vers les quatre quais de transfert de l’île. À partir de là, les agents de Star Urahafu prennent le relais de ceux du Sidevam en récupérant les déchets déposés sur les quais pour les emmener à Dzoumogné.

Située bien à l’écart de toute habitation, sur un terrain de 23 hectares cédé au Sidevam par le conseil départemental, l’ISDND est une vaste installation à ciel ouvert. Elle se charge du traitement et de la revalorisation des ordures ménagères (88.6 %), des DIB (4.3%), des déchets issus du refus de tri (3.8%) ainsi que des boues de station d’épuration (2.3%). Les déchets valorisables issus du tri des ordures ménagères sont quant à eux collectés par l’éco-organisme Citéo, maître d’œuvre de Star Mayotte et acheminés à l’Écopôle de Longoni. Là-bas, ils sont retriés et envoyés en Inde et en Afrique du Sud pour y être recyclés. En théorie, Star Mayotte gère donc les déchets recyclables via l’Ecopôle de Longoni et Star Urahafu les déchets non recyclables via l’ISDND de Dzoumogné. Malheureusement, faute d’un tri correctement réalisé sur le territoire, beaucoup de déchets valorisables finissent à l’enfouissement.

Une fois arrivés sur le site de l’ISDND, les camions contenant les « déchets ménagers et assimilés non recyclables » et les « déchets industriels banals non recyclables » passent à l’accueil où leur chargement est contrôlé par un portique pour s’assurer de la non-radioactivité du chargement et pesé par un pont-bascule. Un agent administratif d’accueil identifie et vérifie ensuite le chargement du camion, enregistre, distribue et archive le bon de pesée. Puis, le chargement est déversé dans « le casier », une zone où toutes les ordures sont mélangées dans un premier temps (à l’exception des déchets verts qui font l’objet d’un traitement spécifique). Le fond et les côtés du « casier » sont étanchéifiés à l’aide de plusieurs couches de géomembranes de manière à éviter la pollution du sol par le lixiviat (liquide issu de la fermentation naturelle des déchets mélangé à l’eau de pluie). « Le site a été installé sur une terre argileuse étanche qui constitue déjà une sécurité passive », précise Sébastien Suchy. « Les géomembranes que nous avons installées renforcent cette étanchéité naturelle, constituant ainsi une sécurité active. »

À mesure qu’ils arrivent, les déchets sont constitués en couches verticales régulièrement recouvertes de terre pour accélérer leur putréfaction. Le casier s’élève actuellement à 45 mètres et son design a été conçu pour éviter tout risque d’effondrement. Certes, les déchets plastiques non biodégradables sont mélangés aux autres, mais ils sont compactés au maximum et, avec l’étanchéité mise en place, ne peuvent pas se répandre en dehors du casier. « Comme il n’y a pas d’usine de traitement du plastique à Mayotte, l’enfouissement est la seule solution pour les déchets plastiques non triés par la population et les DIB non pris en charge par des éco-organismes », confie le directeur. Combien de temps pourra-t-on encore enfouir ce plastique à Dzoumogné sans risque de saturation ? « La structure a été conçue pour durer 30 ans. Cela laisse le temps aux acteurs du territoire de trouver une solution plus pérenne », rassure Sébastien Suchy.

Valorisation en circuit fermé et production de compost

Le recouvrement du casier par la terre provoque la putréfaction des déchets par un processus naturel de fermentation produisant un liquide appelé lixiviat. Riche en matières organique, ce dernier ne peut pas être rejeté en l’état dans la nature et doit faire l’objet d’un traitement réalisé dans une station dédiée à cet effet. « Le lixiviat est pompé par de gros tuyaux installés au fond du casier », prévient Adrien Fabbas, le responsable d’exploitation de Star Urahafu. « Il est ensuite envoyé dans un bassin de 3.000 mètres cubes où il est traité par oxygénation, microfiltration et osmose inverse de manière à le dépolluer. Nous faisons vérifier la pureté des rejets via des échantillons envoyés dans un laboratoire en métropole et la DEAL nous soumet à des contrôles réguliers. » Une autre partie du lixiviat est quant à elle réinjectée dans le casier afin d’humidifier les nouveaux déchets Il s’agit donc d’une valorisation en circuit fermé.

Les déchets verts font quant à eux l’objet d’un traitement spécifique. Acheminés à l’ISDND par des professionnels, ils sont compactés et transformés en andins de fermentation pour, à terme, créer du compost. Ce dernier est alors mis à la disposition des agriculteurs de l’île qui peuvent venir le chercher directement sur le site. La taille de la plateforme de compost atteint les 5.000 mètres carrés.

Projet de valorisation des déchets via le biogaz

L’autre produit issu de la fermentation des déchets du casier s’avère bien plus intéressant pour le territoire : il s’agit du biogaz. Celui-ci est essentiellement composé de dioxyde de carbone et de méthane (entre 30 et 50%). Or le méthane, à l’instar du butane, de l’essence ou du diesel, est un carburant. Pour le moment, le biogaz est brûlé à la torchère, mais Star Urafahu a d’ores et déjà installé un moteur où il sera injecté pour produire de l’électricité. « Jusqu’à présent nous n’avions pas encore assez de débit pour démarrer le moteur, mais là nous y arrivons et il devrait être activé au cours de ce premier semestre 2022 », affirme Sébastien Suchy. Puisé par des puits forés au cœur du massif de déchets du casier, le biogaz sera donc injecté dans ce moteur de 1 mégawatt qui produira de l’électricité selon le principe du moteur à explosion. Sa production correspondra à l’alimentation d’une petite ville de 6.000 à 10.000 habitants. Un raccordement de ce moteur avec le réseau électrique local (EDM) est prévu de manière à réduire la proportion d’électricité issue de la dégradation des énergies fossiles, procédé très polluant malheureusement majoritaire à Mayotte (95% de la production).

L’ISDND ne se contente donc pas de stocker les déchets dont elle a la charge, mais s’efforce également de les valoriser. Encore faut-il que la quantité valorisable soit suffisante… Ce qui n’est pas encore le cas !  La faute à trop de refus ou d’erreurs de tri de la part d’une population encore peu habituée à ce geste non encore ancré dans les mentalités des habitants qui ont pour le moment encore d’autres priorités. La faute aussi au manque d’éco-organismes pour traiter les DIB. D’ici 2044, c’est-à-dire à la fin du contrat de délégation de service public passé entre le Sidevam et Star Urahafu, les acteurs du traitement des déchets sur le territoire devront avoir trouvé une solution plus pérenne. L’idéal serait évidemment une valorisation de l’ensemble des déchets produits sur l’île. Utopique ? L’avenir nous le dira !

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